Regards sur l'éveil
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Lolali Invité
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Posté le: Ma 16 Sep 2014 21:06 Sujet du message: extrait critique Le Royaume d'Emmanuel Carrère |
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Bonsoir !
Un extrait de la critique du dernier livre Le Royaume d'Emmanuel Carrère, qui, je trouve, a toute sa place dans ce forum
« Ce qui nous est demandé, tous les mystiques s’accordent là-dessus, c’est ce que nous désirons le moins donner », énonce Le Royaume. En l’occurrence, il s’agit du “je”, « cet usage fulgurant » que l’écrivain considère comme « une révélation ». Quitte à s’en prendre en ces termes à la prose que lui donne à lire une baby-sitter cheminant comme lui sur la voie chrétienne, dans les années 1990 : « En réalité il suffit d’un coup d’œil à son pathétique manuscrit pour se rendre compte que la pauvre n’a pas du tout abdiqué son ego, qui au contraire se débat comme un beau diable. »
Emmanuel Carrère se présente à nous traversé de contradictions et surtout sous les verrous de son mensonge du “je”. Il écrit dans Le Royaume, à propos de Jean-Claude Romand, le protagoniste de L’Adversaire, toujours dans les geôles et qui affirme s’entretenir régulièrement avec le Seigneur Jésus : « Ce mensonge-là, si c’en est un – et les psychiatres, les journalistes, les honnêtes gens ont toutes raisons de le penser –, est une forteresse imprenable. Personne ne pourra l’en débusquer. »
Le temps n’est-il pas venu qu’Emmanuel Carrère quitte sa forteresse imprenable du “je”, qu’il accepte de se laisser débusquer, qu’il donne la première personne du singulier en oblation aux lettres françaises ? Alors il en reviendrait au roman, qui, dans sa forme accomplie, allie la puissance et le pas de côté, le souffle et l’ironie. Là est la réussite absolue. Enfin sans son “je”, Emmanuel Carrère ferait tout simplement comme Dieu : il déserterait sa création…
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La peur d'être débusquée complètement... voilà bien quelque chose qui me parle ! Pourquoi ? qu’ais-je de si honteux et/ou précieux (!) à préserver ?
P.s : à quand un roman digne de ce nom sur ce sujet, Joaquim ?
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Pour ceux que ça intéresse et qui n'ont pas accès à l'article entier sur Médiapart :
Emmanuel Carrère, il y a quelque chose qui boite
04 septembre 2014 | Par Antoine Perraud
Emmanuel Carrère, dans Le Royaume (POL), tombe sur un bec : Le Nouveau Testament. Mêlant sa crise de foi d'il y a vingt ans et les tribulations de Paul et Luc voilà vingt siècles, il déraille par où sa littérature pèche soudain : l'emploi d'un “je” omniprésent, désinvolte et fourbu. On espérait Fernand Braudel, c'est Alain Decaux. Démonstration...
L’écrivain Emmanuel Carrère partage avec le cinéaste Arnaud Desplechin l’art de créer des chefs-d’œuvre universels tout en soldant – sinon pour solder – des comptes personnels. D’aucuns (d’aucunes le plus souvent) s’en offusquent. Trop de mauvais sentiments animent les merveilles, ainsi souillées, de ces démiurges malsains. Si bien qu'un tel public se détourne, au nom d’une certaine idée de l’esthétique : le talent relève des circonstances aggravantes. Circulez, il n’y a plus rien à lire ni à voir !
Au contraire, d’autres amateurs défendent toute licence. Le génie ne peut que se faire pardonner. Abdiquer face à tant de suprématie se justifie. Un phare est là pour éblouir et non pour rassurer de ses lumières tamisées. Prisons Emmanuel Carrère : il ne s’agit pas de passivité masochiste mais de réception critique. Chapeau bas et puis basta !
Le Royaume offre les qualités propres aux entreprises précédentes de ce griot de la modernité : empoigner le lecteur, l’air de ne pas y toucher, au cœur d’un mystère autour duquel on semble musarder. En témoignent quatre récits ensorcelants, menés à la première personne du singulier : L’Adversaire (2000), consacré à Jean-Claude Romand qui préféra tuer sa famille plutôt que d’avouer qu’il n’était pas le médecin dans la peau duquel il s’était enferré ; Un roman russe (2007), qui dévoile le secret de famille étouffé par la mère de l’auteur, Hélène Carrère d’Encausse née Zourabichvili ; D’autres vies que la mienne (2009), qui voit l’écrivain forer dans les drames de proches avec la finesse intrusive d’un vampire gorgé d’empathie ; enfin Limonov (prix Renaudot 2011), biographie “embarquée” d’un national-bolchévique restitué, fantasmé, mais acclimaté aux comprenettes hexagonales…
La cinquième exploration, menée tambour du “je” battant, nous conduit vingt siècles en arrière : comment le christianisme, au lieu de s’éteindre telle une simple secte, eut la main heureuse, notamment grâce à Paul et Luc. Voilà ces deux lascars suivis comme leur ombre, tandis que vient sur le tapis la foi de l’auteur soi-même, taraudé par la question religieuse dans les années 1990. Il commit en ces temps toutes les génuflexions dévotes possibles, avant d’opter pour l’agnosticisme, le yoga et l’accession à la propriété dans l’île de Patmos.
Saluons le brio que met M. Carrère à conduire, en un tissage fabuleux, de son nombril – de son bas-ventre parfois – aux Saintes Écritures. Il raconte à merveille. Ses trois pages sur la méchanceté de l’empereur Domitien s’avèrent d’anthologie. De temps à autre, sa paraphrase surpasse l’Évangile (Marie de Magdala au tombeau). Il porte une attention touchante au petit collecteur d’impôts Zachée juché sur un sycomore à Jéricho pour apercevoir Jésus (Luc 19, 1-10). Sa connaissance de la peinture enchante et ses intuitions en ce domaine subjuguent.
Quand le détail prend toute son importance : parler de la Bible, c'est parler de chez soi...Quand le détail prend toute son importance : parler de la Bible, c'est parler de chez soi...
L’humour rôde ou cabriole : histoire tordante de rabbins dans un taxi new-yorkais, notations d’une cruauté calibrée sur l'auteur et l’image qu’il offre aux autochtones dans une station balnéaire turque. Sans oublier certains traits à la Vialatte (« les librairies, pour un écrivain qui ne peut plus écrire, sont un terrain dangereux »), ou d’une férocité d’enfer : « Forêts de croix sur les collines. Corps nus des suppliciés qui se décomposent sous le soleil de plomb. Bites tranchées dans la bonne humeur, car la circoncision a toujours égayé le légionnaire. »
Le “je” joue son rôle de guide avec vaillance : « Voilà : nous sommes à Rome, vers la fin des années soixante-dix du Ier siècle. Luc commence à écrire son Évangile. Quant à moi, je vous invite à retourner page 327 pour en relire les premières lignes : l’adresse à Théophile. Allez-y, je vous attends » (p. 560).
Emmanuel Carrère sait tracer comme personne un parallèle saisissant à propos du Christ : « Il guérit ensuite un lépreux, une paralytique et un homme à la main sèche. Une main sèche, je ne sais pas ce que c’est mais j’ai un jour serré celle d’un homme qui ressentait les premières atteintes de la maladie de Charcot. Cette main était froide, inerte. En souriant tristement, l’homme m’a dit : “C’est seulement le début, dans un an je serai tout entier comme ça et dans deux ans je serai mort.” »
Et pourtant, il y a quelque chose qui boite et s’essouffle tout au long du Royaume. Notre scribe le reconnaît à la fin de son ouvrage : « Je me disais : j’ai appris beaucoup de choses en l’écrivant, celui qui le lira en apprendra beaucoup aussi, et ces choses lui donneront à réfléchir : j’ai bien fait mon travail. En même temps, une arrière-pensée me tourmentait : celle d’être passé à côté de l’essentiel. » C’est très exactement le cas. Même si, chez Emmanuel Carrère, faute avouée devient entièrement pardonnée, même si la moindre confession vaut complet escamotage, attachons-nous à cette assertion conçue pour se sauver. La possibilité « d’être passé à côté de l’essentiel »...
Parallèles itératifs
Emmanuel Carrère n’a pu surmonter une paire d'achoppements. D’une part Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (cités p. 191), dans leur documentaire devenu livre, Corpus Christi, parachevèrent, en 1997, ce que prétend bâtir notre enquêteur dix-sept ans plus tard et qu’il résume ainsi : « Comment une petite secte juive, fondée par des pêcheurs illettrés, soudée par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n’aurait misé un sesterce, a en moins de trois siècles dévoré de l’intérieur l’Empire romain et, contre toute vraisemblance, perduré jusqu’à nos jours. » D’autre part, la théologie voire la spiritualité barbent M. Carrère, qui revendique un tel angle mort. Et se dédouane en prêtant le même désintérêt à saint Luc !
Impossible, donc, de décaper Renan, c’est déjà fait. Et difficile de se mesurer aux aspirations divines sans être suffisamment inspiré. Passant presto à confesse pour effacer l’ardoise, l’auteur note : « Décidément, je bute. Et c’est toujours, depuis que j’ai formé le projet de ce livre, au même endroit que je bute. Tant qu’il s’agit de raconter les querelles de Paul et de Jacques comme celles de Trotsky et de Staline, ça va. De raconter le temps où je me suis cru chrétien, ça va encore mieux – pour parler de moi, on peut toujours me faire confiance. »
Au lieu de s’extasier face à l’honnêteté d’un artisan capable de rendre compte de sa tâche en toute transparence, prenons Emmanuel Carrère au mot, comme il ne nous y invite pas. Sa “valeur ajoutée” devient donc son moi, sollicité à tout bout de champ. L’écrivain se voulait pourtant fidèle à un vœu : ne plus faire le malin, mettre en berne son intelligence – en ce qu’elle a de vain et de pervers comme le lui fit comprendre sa marraine. Patatras ! notre styliste, délogé des empyrées de l’érudition comme du mystère de la foi, reprend son « petit rire en coin ». Il raille plus que de raison, tout au long du Royaume, en pontifiant pourtant comme M. Finkielkraut (qui le recevra sur France Culture le 13 septembre) : « Les chrétiens sont les seuls dont il semble qu’on ait le droit de se moquer impunément, en mettant les rieurs de son côté. »
Faire ainsi le guignol tout en adhérant aux exaspérations du contempteur en chef de “l’esprit Canal”, c’est jouer sur les deux tableaux. Voilà l’indécrottable spécialité d’Emmanuel Carrère, enfant gâté de nos lettres, qui ne voulut oncques choisir. Et qui se vante de tout vouloir : la vie retirée du sage ingurgitant son riz complet ou contemplant sans relâche, mais aussi, mais surtout, la montée des marches aux bras de sa femme lors du festival de Cannes, dont il se plaît à faire savoir qu’il fut l’un des jurés – ce qui vaut à ses yeux bien des sceptres. Tout avoir, donc, jusqu’au plaisir de faire accroire qu’il se dépouille quand bon lui chante.
Or rédiger, c’est choisir. Écrémer. Une fois de plus, l’auteur se repent à ce propos. Mais il fait passer l'aveu pour le nec plus ultra de la modernité d’un créateur soulevant le capot après avoir coulé une bielle : « Je me donne un mal de chien pour faire entrer dans ce cadre majestueux des milliers de notes crayonnées au fil des jours, des lectures, de l’humeur. »
Comment s’y prend-il ? À coups de parallèles itératifs. Les premiers chrétiens, à Jérusalem ou à Rome, c’est comme Staline et Ben Laden au regard des luttes de pouvoir. Ajoutons une pincée de bouddhisme, histoire de comprendre l’aspect spirituel ou plutôt psychique des choses. Au fil des pages, tandis que tombent de telles redites en guise de comparaisons, la Bible apparaît réduite aux acquis du narrateur : le yoga, l’islamisme et la Russie soviétique.
Ce n’est pas limitatif. Apparaissent également, au titre de similitudes décelées par l’homme de lettres, Tintin et Astérix. Sans oublier l’inévitable troisième larron de la bande dessinée, aux yeux d’Emmanuel Carrère, né en 1957 : le cow-boy solitaire. Ainsi, à propos de Paul qui cabote en mer Égée : « Le jour du sabbat, il prenait la parole à la synagogue, convertissait quelques Grecs judaïsants et soulevait l’hostilité des vrais Juifs qui employaient tous les moyens pour casser ce concurrent déloyal. Dans un album de Lucky Luke, on le verrait à chaque fois quitter la ville enduit de goudron et de plumes. »
Ce faisant, Le Royaume perd sur les deux tableaux : le lectorat moyen ne saurait mordre à ce “christianisme pour les nuls”, tandis que le public exigeant s’indispose de tels hameçons dégradants.
Sa forteresse imprenable du “je”
Dans son récit livré en vrac, avec gangues et pépites, l'artiste se montre ivre de petit sensationnel : l'ingénu du christianisme ! Il a certes potassé, mais le « point de vue étroitement psychologique », voulu et assumé, offre un rendu plus proche d’Alain Decaux que de Fernand Braudel. Emmanuel Carrère raconte : « Pierre devait être impressionné par Paul, le respecter et même lui reconnaître le droit de le reprendre. » Autre perle, au sujet de Luc : « Je m’aventure peut-être, mais j’imagine qu’au cours de cette nuit où son projet lui est apparu, encore confus mais éclatant d’évidence, il a pensé à Paul et que, sans s’expliquer très bien pourquoi, il s’est senti en faute vis-à-vis de Paul. » Au cours du livre, le “qui pense quoi” laisse volontiers place au “qui baise qui”. Et l’économie générale du récit oscille entre “qu’est-ce que la foi” et un simple “comment j’ai pu croire dur comme fer”.
À mesure des fléchissements de l’œuvre, ce qui vient la gâter prend de l’ampleur aux yeux du lecteur. L’auteur persifle le « name dropping » tout en pratiquant ce lâcher de noms avec une constance pénible : « Mon ami » (Luc Ferry, Jean Rollin, Olivier Rubinstein…) scande le texte à qui mieux mieux, quand ce n’est pas « mon cousin Paul Klebnikov ». Que dire de la ritournelle perverse : m’as-tu-vu-quand-je-suis-heureux-aux-côtés-d’Hélène-alors-que-j’ai-tant-morflé-avec-Anne-e t-mes-ex-beaux-parents ?
Le bonheur de l’écrivain lui sied moins que ses affres. La fatuité s’insinue, qu’accompagne la facilité. Le Royaume n’est pas sans chevilles : « Puisqu’on en est aux femmes qui entouraient Jésus… » Ou : « Je me demande, c’est à cela que je voulais en venir, si Luc, pressé de toutes parts… » Ou encore : « À propos de Pierre encore, tant que j’y suis… » L’effet j’en-ai-marabout-de-ficelle est usé jusqu’à la corde : « Le proconsul Galion était le frère du fameux philosophe Sénèque, dont je parlais à l’instant, et le dédicataire de son traité Sur la vie heureuse. C’est un livre bizarre, cette Vie heureuse. » Et hop ! c’est parti pour trois pages de vade mecum. Il arrive qu’un don devienne une sale manie…
La négligence et le relâchement cessent dans quelques passages affûtés ou périlleux. Lorsque l’écrivain prend sa revanche sur le psychanalyste François Roustang. Quand il ose une comparaison entre la vierge et une vidéo passablement obscène, décrite avec un talent fou. En lisant ce morceau de bravoure, seuls les esprits compassés feront la moue.
Théorème de l’auteur, quelques pages plus loin. « Il y a des gens que la pornographie gêne, moi pas du tout. Ce qui me gêne, qui me paraît beaucoup plus délicat à aborder, beaucoup plus impudique que des confidences sexuelles, ce sont “ces choses-là” : les choses de l’âme, celles qui ont trait à Dieu. J’aimais bien dans mon for intérieur me croire plus familier d’elles que mes camarades du petit monde littéraire, les méditant et les gardant dans mon cœur. C’était mon secret, dont je parle ici pour la première fois. »
Sous couvert de lever le voile sur sa crise de mysticisme du siècle dernier, l’écrivain démasque, peut-être à son insu, le “je” qui mine son œuvre aujourd’hui. C’est un “je” corvéable, épuisé, à bout de course. Patrick Deville, exact contemporain d’Emmanuel Carrère, connaît la même boiterie narrative dans Viva, qui relie les destinées de Léon Trotsky et de Malcom Lowry au Mexique (Mediapart reviendra sur ce roman de la rentrée publié au Seuil).
Dans Le Royaume, ce “je” fainéant, avec sa nonchalance fumiste et son insolence virant au mépris, donne par exemple ceci : « Juvénal et Martial. Le premier, incarnation, comme je crois l’avoir dit du réactionnaire de charme à la Philippe Muray. » Comme je crois l’avoir dit ! Nous sommes loin du messianisme pédagogique impliquant un “je” passeur et fraternel, comme l’auteur aime à le faire croire pour justifier sa première personne.
L’immutabilité du “je” n’est pas négociable chez Carrère. Il se justifie ainsi : « J’aime, quand on me raconte une histoire, savoir qui me la raconte. C’est pour cela que j’aime les récits à la première personne, c’est pour cela que j’en écris et que je serais même incapable d’écrire quoi que ce soit autrement. Dès que quelqu’un dit “je” (mais « nous », à la rigueur, fait l’affaire), j’ai envie de le suivre, et de découvrir qui se cache derrière ce “je”. »
Derrière Emmanuel Carrère se dissimule, tout en prétendant s’exposer, le héros d’une branche modernisée du Roman de Renart. Notre goupil dactylographe réalise ce que dicte en lui l’irrépressible, tout en clamant se refréner, se sacrifier, viser au renoncement de ce qui l’encombre, pour faire advenir ce qui le sauvera. Ruse, sincérité, tiraillements. Il se penche sur ses professions de foi enfiévrées du siècle dernier, trouve qu’elles sonnent faux, mais ne détecte pas là où le bât blesse. Il prétendait alors s’être délivré de la tentation de ne croire qu’en lui. Peine perdue, l’ego résiste à tout !
« Ce qui nous est demandé, tous les mystiques s’accordent là-dessus, c’est ce que nous désirons le moins donner », énonce Le Royaume. En l’occurrence, il s’agit du “je”, « cet usage fulgurant » que l’écrivain considère comme « une révélation ». Quitte à s’en prendre en ces termes à la prose que lui donne à lire une baby-sitter cheminant comme lui sur la voie chrétienne, dans les années 1990 : « En réalité il suffit d’un coup d’œil à son pathétique manuscrit pour se rendre compte que la pauvre n’a pas du tout abdiqué son ego, qui au contraire se débat comme un beau diable. »
Emmanuel Carrère se présente à nous traversé de contradictions et surtout sous les verrous de son mensonge du “je”. Il écrit dans Le Royaume, à propos de Jean-Claude Romand, le protagoniste de L’Adversaire, toujours dans les geôles et qui affirme s’entretenir régulièrement avec le Seigneur Jésus : « Ce mensonge-là, si c’en est un – et les psychiatres, les journalistes, les honnêtes gens ont toutes raisons de le penser –, est une forteresse imprenable. Personne ne pourra l’en débusquer. »
Le temps n’est-il pas venu qu’Emmanuel Carrère quitte sa forteresse imprenable du “je”, qu’il accepte de se laisser débusquer, qu’il donne la première personne du singulier en oblation aux lettres françaises ? Alors il en reviendrait au roman, qui, dans sa forme accomplie, allie la puissance et le pas de côté, le souffle et l’ironie. Là est la réussite absolue. Enfin sans son “je”, Emmanuel Carrère ferait tout simplement comme Dieu : il déserterait sa création… |
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Traduction par : php.B.B-fr.com
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