Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 8597 Localisation: belgique
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Posté le: Je 26 Avr 2018 17:19 Sujet du message: Le Réel, lettre aux thérapeutes et aux patients de J Y L |
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Bonjour tout le monde !
Voici une lettre que nous adresse Jean Yves Le loup sur son site ...
Lettre I
Mon cher T.,
Tu me dis que «la maladie mentale» ou psychique c’est « être coupé du Réel », ce qui est une définition classique de la schizophrénie mais, me demandes-tu «qu’est-ce que le Réel ? », et en tant que Thérapeute « que peut on faire pour aider quelqu’un qui souffre de cet éloignement ou de cette séparation du Réel ?… »
Penses-tu vraiment qu’on puisse être « séparé » du Réel ? on est toujours dans le Réel, plus ou moins, sans doute, mais toujours, sinon nous ne serions pas là pour en souffrir, en jouir ou en parler…
On n’est jamais « coupé ». Je dirais plutôt qu’on est « enfermé » dans une perception ou une interprétation de la réalité que l’on prend pour le Réel.
Face à la réalité de ses symptômes, de sa maladie, de sa souffrance, de son « mal-être », « celui qui pâtit de ce qui lui arrive » (c’est la définition même du mot patient) avec l’accompagnement du Thérapeute peut accéder à une perception et une interprétation « autres » qui l’aideront à passer d’une douleur « insensée » à une douleur « qui a du sens », le sens n’étant pas ici une complaisance dans la douleur, l’établissement de son identité comme victime, mais au contraire ce qui désigne une issue, une « sortie » de la souffrance ou de l’interprétation et de la perception douloureuse de ce qui est…
Mais qu’est-ce qui est ? Qu’est-ce que le Réel ? me demandes-tu.
Tes questions ne sont-elles pas trop « métaphysiques » pour un Thérapeute ? Il est vrai que selon Philon d’Alexandrie, le Thérapeute avant d’être un médecin ou un psychologue, doit être un « philosophe », s’interroger sur le Réel me semble signe ou symptôme d’humanité et de santé mentale… Quand on prétend « prendre soin » de quelqu’un ou si on veut être là à ses côtés, « pour l’aider à se réaliser », encore faut-il savoir ce qui on met sous ces mots : Réel – Réalisation – Réalité…
Je pense qu’on identifie trop rapidement une réalité au Réel ; cela a donné naissance à beaucoup d’écoles de philosophie, par exemple, pour Platon, le « Réalisme » c’est affirmer la réalité des idées, « plus réelles » que les êtres individuels qui n’en sont que le reflet – pour les matérialistes, le « Réalisme », c’est au contraire l’affirmation que seule la matière existe, les idées n’en sont que des épiphénomènes ou des explications illusoires.
La réalité de la Matière, comme la réalité de l’Esprit sont identifiées au Réel, alors que matière ou esprit ne sont que deux niveaux parmi d’autres du Réel, deux manifestations relatives du Réel…
D’un point de vue plus moral ou plus psychologique, on aura tendance à prendre pour Réel, la réalité du Bien ou la réalité du Mal… Certains diront que seul le bien existe, c’est le seul Réel, le mal n’est que son absence ou son manque (privatio Boni), d’autres diront que le mal existe vraiment, qu’il est même le Réel, c’est-à-dire, l’Absurde, le Non Sens, dans lequel nous sommes « jetés là » (cf. certaines formes de gnosticisme ).
C’est de nouveau identifier le Réel avec seulement une des réalités qui le manifestent alors que le Réel est présent dans les réalités les plus contradictoires ou opposées.
D’un point de vue médical ou thérapeutique, certains considéreront la santé comme étant la Réalité, la maladie n’étant qu’une déficience transitoire de celle-ci. D’autres affirment, au contraire, la Réalité des virus ou du « terrain » comme seules causes de la douleur, de la souffrance et du mal être – « la santé » (comme le bonheur) n’étant qu’une idée chimérique, impossible à produire ou à injecter dans des corps destinés de toute façon à la dégénérescence et à la mort…
La Réalité de la naissance ou la Réalité de la mort sont deux manifestations du Réel. Une thérapie qui ne prendrait pas en considération ces deux réalités, sans les confondre et sans les opposer, risque de ne pas prendre en considération un Être Réel, capable d’intégrer si ce n’est de dépasser ces différents niveaux de réalités ou ces différentes « expériences du Réel » que sont le plaisir, la douleur, la naissance, la dégénérescence, la mort…
Il y a du Réel dans toutes réalités que celles-ci, soient matérielles, psychiques ou spirituelles… mais de nouveau qu’est-ce que le Réel ?
Plus je cherche à le saisir, plus il m’échappe…
Que je cherche à le saisir « corporellement » à travers mes sens (sensations, perceptions)… que je cherche à le saisir « affectivement » ou « psychologiquement » à travers mes émotions, mes désirs, mes sentiments… que je cherche à le saisir intellectuellement ou « scientifiquement » à travers mes analyses, raisonnements ou synthèses… que je cherche à le saisir intuitivement ou spirituellement à travers prières, méditations ou contemplations…
Le Réel ne s’offre pas à une « saisie », mais à une écoute ; une Ecoute qui doit se garder libre de toutes ses appréhensions, sensorielles, affectives, intellectuelles ou spirituelles sans les rejeter pour autant. Une Ecoute qui demeure ouverte à l’imperceptible, à l’inappropriable, à l’incompréhensible, à l’innommable…
Demeurer à l’Ecoute du Réel, manifesté, incarné ou représenté en toutes réalités, c’est demeurer dans une ouverture corporelle, affective, intellectuelle, spirituelle à l’égard de tout ce qui était, de tout ce qui est, et de tout ce qui vient…
Demeurer dans cet état d’Ecoute, d’ouverture, en toutes circonstances, c’est demeurer en présence du Réel, c’est être en voie de « Réalisation », non dans le sens d’un achèvement, mais dans le sens d’une maturité sans cesse informée par le Réel et libre (libérée) des réalités qui le manifestent, l’incarnent ou le représentent…
Le Réel n’est pas une réalité, même pas une Réalité absolue, c’est-à-dire, une « idole du Réel », sa représentation ultime…
Dans la quête de mon « identité Réelle », je découvre un certain nombre de réalités auxquelles je participe, mais « l’identité de « Je Suis » m’échappe toujours. « Ce que » je suis n’est pas « Je Suis », ma réalité n’est pas le Réel, mais néanmoins une manifestation, une incarnation, une représentation du Réel.
Prendre « ce que je suis » pour « Je Suis » c’est là mon inflation ou ma pathologie, ressentir l’écart entre ce que je suis et Je Suis, c’est là la source d’un sentiment de culpabilité ou de manque qui est aussi pathologie. Accepter cet « écart » entre « ce que je suis » et « Je Suis », entre « ce qui est » et « l’Être » ou encore entre la réalité et le Réel, c’est le commencement de la santé ; l’apprentissage de « l’entre-deux» qui me place au cœur d’un ternaire, « ce que je suis » – « Je Suis » – et « l’entre-deux ».
La fonction du Thérapeute est de prendre soin de cet « entre-deux » ou de cette relation entre l’Être et « ce qui est » ou entre « ce que je suis » et « Je Suis ».
Le Réel se manifeste entre deux réalités : la réalité relative : ce que je suis (heureux – malheureux – souffrant – mortel – névrosé – psychotiques, etc) et la réalité absolue, « Je Suis ».
La perte du sens du Réel qui fait signe dans « l’entre-deux » réalités est à la source de nos enfers et de nos enfermements, c’est-à-dire, de nos identifications à telle ou telle polarité du Réel, que l’on pourra qualifier de dépressive (si je m’identifie à « ce que je suis ») ou d’hystérique (si je m’identifie à « Je Suis » que je pourrais être).
Le Réel c’est ce qui nous fait sortir des enfermements ou aliénations au relatif ou à l’absolu.
Aider quelqu’un à demeurer dans cet espace de l’entre-deux, c’est le garder en vie, lui permettre de ne pas se « figer » ou se « fixer » dans une posture du Réel, car la Vie est ce mouvement incessant entre « ce que je suis » et « Je Suis », mouvement qui unit ma réalité relative à la réalité absolue, réalité relative que « je ne suis pas » et réalité absolue que « je ne suis pas ». Le Réel ce n’est ni mon être fini (relatif) ni mon être infini (absolu), c’est : « les deux », « entre les deux » et « au-delà des deux »…
Prendre soin du Réel, c’est le dégager, le mettre au large, au cœur des réalités auxquelles l’être humain s’identifie. Cette libération d’un espace au cœur du tissus trop serré de nos symptômes, cette libération d’une légèreté au cœur du plus épais et du plus lourd des matières qui nous constituent, c’est ce que certains appellent l’éveil, la santé ou le Salut ; réalisation du Réel non identifié aux réalités sublimes ou triviales qui l’incarnent, le manifestent ou le représentent…
Le Thérapeute est un herméneute, il aide le patient à prendre conscience que ce qu’il perçoit comme étant « la réalité », la réalité qui généralement lui fait mal, n’est pas seulement une perception mais aussi une interprétation et que ce qu’il perçoit ainsi et interprète ainsi n’est pas le Réel, mais une étape, un moment du Réel ; il l’aide à replacer ses symptômes à l’intérieur d’un processus où il ne s’identifie pas à la réalité de sa maladie, il n’est pas « l’objet » d’un cancer, du sida ou autre pathologie (physique ou psychique), mais « le Sujet » d’un cancer ou du sida ou autres pathologies (physiques ou psychiques).
Le Réel c’est « Lui » et aucune réalité même la plus encombrante ou la plus douloureuse ne peut l’annihiler. « La maladie de la mort » n’est pas incurable puisqu’il se découvre « le sujet » de cette maladie. La conscience qu’il va mourir est plus grande que la mort qui emporte son corps et son psychisme.
Qu’est-ce qu’être Thérapeute si ce n’est participer par sa propre vigilance à l’éveil de cette conscience ? Conscience du Réel que « je suis », au cœur de la réalité que « j’ai ». La vie que j’ai, je ne l’aurai pas toujours. La vie que je suis, qui pourra jamais me l’enlever si ce n’est mon refus ou mon oubli ? Le Thérapeute par la pratique de l’anamnèse essentielle tente de « rendre présent » en lui, en l’autre et entre les deux, « le Réel qui est toujours là présent », cette remémoration peut être effective : allègement et libération…
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 5925
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Posté le: Je 26 Avr 2018 22:24 Sujet du message: |
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Quand on souffre, que l'on est enfermé dans sa douleur, que l'on s'est isolé par sa peur des autres, de la vie ....c'est pas bon.
Si on est connecté aux autres, en relation, capable d'affronter ce qui se présente, dans une position d'ouverture ...c'est bon. |
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Christophe
Inscrit le: 16 Mai 2018 Messages: 939
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Posté le: Je 17 Mai 2018 18:37 Sujet du message: |
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Cf. La théorie de la désintégration positive de Dabrowski qui est, au sein de la psychologie scientifique, ce qui décrit le mieux le processus menant à l'éveil.
Sa théorie date des années 60 et n'a pas connu beaucoup de succès car elle explique que les fous ne sont pas ceux qu'on croient mais constituent la majorité. :) |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 8597 Localisation: belgique
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Posté le: Je 17 Mai 2018 18:47 Sujet du message: |
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Bonjour Christophe !
Tu peux nous en dire plus sur la théorie de Dàbrowski !? |
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Christophe
Inscrit le: 16 Mai 2018 Messages: 939
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