Regards sur l'éveil
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opus
Inscrit le: 23 Mai 2016 Messages: 399 Localisation: Cher
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Posté le: Ma 10 Jan 2017 10:26 Sujet du message: l'esprit et l'âme |
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Bonjour ,
2017 sera une bonne année pour vous, pour nous , suivant ce que l'on en fait et ce que l'on en percevra .
2017 pure invention de décompte temporel basé sur J.C. dont la date de naissance est contestée comme la couleur de sa peau ... Ce qui nous est donné comme solide n'est que un événement flou , temporel , conceptuel , impossible à vérifier .
De bonnes raisons pour trinquer . Meilleurs voeux .
Bref , pdt la lecture du livre de F. CHENG " l'âme " , je ne suis pas vraiment sur d'avoir saisi la subtilité entre : l'esprit et l'âme .
En revanche je suis sûr que sur ce forum des personnes ont éludé la question . Eclairez moi peut être ... Merci _________________ ... ? ... |
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buddhadje
Inscrit le: 17 Mars 2016 Messages: 508
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Posté le: Ma 10 Jan 2017 12:14 Sujet du message: |
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bonjour opus,
excellente année à toi aussi, on pourrait dire excellent nouveau cycle des saisons, c'est plus juste d'un certain point de vue, ou encore excellente nouvelle révolution de la terre autour du soleil ce qui est encore plus juste d'un autre point de vue.
L'âme, l'esprit... Vaste sujet.
Certain-e-s disent que l'âme est plus profonde ou plus en profondeur que l'esprit, c'est en quelque sorte en l'âme que se manifeste l'esprit.
Selon Blaise Pascal : Citation: | Notre âme est jetée dans le corps où elle trouve nombre, temps, dimensions, elle raisonne là‑dessus et appelle cela nature, nécessité, et ne peut croire autre chose. |
Selon Guéshé Kelsang Gyatso : Citation: |
Dans les écritures bouddhistes, notre corps est comparé à une auberge et notre esprit à un hôte qui y séjourne. Lorsque nous mourons, notre esprit quitte notre corps et s’en va vers la vie suivante, tout comme un hôte quitte une auberge pour aller ailleurs.
Si l’esprit n’est pas le cerveau ni aucune autre partie du corps, qu’est-ce que c’est ? C’est un continuum qui n’a pas de forme et dont la fonction est de percevoir et de comprendre les objets. Étant donné que l’esprit est par nature sans forme, ou non physique, il n’est pas gêné par les objets matériels. |
De mon point de vue bien moins sage et savant, l'âme occidentale et l'esprit oriental sont un seul et même sujet, si vaste et mouvant que chercher à le définir reviendrait à comprendre l'infini.
En un mot je dirais que l'âme et l'esprit sont le mouvement, tout le mouvement, même quand il semble être absent. En vérité l'absence de mouvement intérieur est à mon sens la seule définition manifeste de la mort, en résumé et pour reprendre des termes "jedi" : c'est la Force, à la mort je retourne à la Force ; ça marche aussi en sciences physiques : avec un objet inanimé, la Force intérieure exercée en opposition de la Force extérieure n'est plus, reste la Force extérieure sans opposée.
Le mouvement est universel, intérieur et extérieur il est toujours présent.
Je comprends ainsi l'image de l'océan et des vagues : nous sommes les vagues qui s'élevons puis retournons à l'océan.
En vérité nous ne quittons jamais le mouvement, nous sommes mouvement. Mais pas un seul mouvement, tout le mouvement.
Animé, Inanimé...
Anima, Animus...
Mouvement...
Force...
Bonne recherche. C'est très intéressant. _________________ Tout est déjà plénitude et perfection, il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. Laissons cela tranquille et faisons simplement attention. Tout est là. Observons. Et remercions. |
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opus
Inscrit le: 23 Mai 2016 Messages: 399 Localisation: Cher
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Posté le: Je 12 Jan 2017 9:56 Sujet du message: |
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Merci .
Nous sommes ce mouvement universel . Mais je ne mettrai pas l'âme dans ce concept perso . Quoique .
En revanche je sens bien cette idée de l'âme plus profond que l'esprit .
Il y a là, derrière nos deux yeux quelquechose de trés puissant, vivant, conscient qui donne l'impression que tout est là . S'il fallait localiser les choses je les mettrais là ...
La philosophie bouddhiste me parle bien aussi à ce sujet .
Il y a un mot pour l'esprit , c'est spirituel . Il y en a pas pour l'âme ... _________________ ... ? ... |
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buddhadje
Inscrit le: 17 Mars 2016 Messages: 508
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Posté le: Je 12 Jan 2017 13:35 Sujet du message: |
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opus a écrit: | Merci .
Nous sommes ce mouvement universel . Mais je ne mettrai pas l'âme dans ce concept perso . Quoique .
En revanche je sens bien cette idée de l'âme plus profond que l'esprit .
Il y a là, derrière nos deux yeux quelquechose de trés puissant, vivant, conscient qui donne l'impression que tout est là . S'il fallait localiser les choses je les mettrais là ...
La philosophie bouddhiste me parle bien aussi à ce sujet .
Il y a un mot pour l'esprit , c'est spirituel . Il y en a pas pour l'âme ... |
Faux.
Animisme
Bonne recherche.  _________________ Tout est déjà plénitude et perfection, il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. Laissons cela tranquille et faisons simplement attention. Tout est là. Observons. Et remercions. |
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Invité
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Posté le: Je 12 Jan 2017 14:07 Sujet du message: |
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aaaah oui , ok .
Merci . |
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KIYA
Inscrit le: 20 Fév 2014 Messages: 2414
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Posté le: Ve 13 Jan 2017 0:52 Sujet du message: |
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Bonjour Opus,
A priori, les deux termes sont dérivé du mot "souffle", "vent". En latin : Spiritus, en grec : Anima. A l'origine, ils devaient donc exprimer la même chose.
La différence que l'on fait entre les deux vient à mon avis de l'utilisation de ces deux termes dans les différents contextes (religieux, culturels, historiques etc...), qui en ont fait des concepts apparemment divergents, sans pour autant pouvoir définir en quoi ils divergent exactement, ou à quoi ils font allusion précisément.
Ils expriment quelque chose dont l'homme a l'intuition, mais qui ne peut pas dépasser ce stade, d'où ce flou des tentatives de définitions. |
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opus
Inscrit le: 23 Mai 2016 Messages: 399 Localisation: Cher
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Posté le: Ve 13 Jan 2017 9:51 Sujet du message: |
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Merci ,
Il existe donc bien une ambiguité quant à définir ces deux termes .
Mots dérivés de "souffle", cela leur donne une magnifique consistance . _________________ ... ? ... |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10361 Localisation: belgique
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Posté le: Ve 13 Jan 2017 12:37 Sujet du message: |
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Bonjour Opus ! Bonjour Kiya !
Il me semble que l'on peut dire que l'âme est individuelle et que l'esprit est universel !
L'âme, c'est, l'esprit individualisée, quand l'âme se libère, dans certaines traditions, elle rejoint l'esprit universel !
Dans les traditions monothéïstes, on peut dire que l'esprit universel, Dieu, crée une âme, à chaque fois qu'il donne naissance à un être vivant !
Avec l'évolution du new-age, pour les animaux appartenant à une espèce, on parle d'âme-groupe !  |
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KIYA
Inscrit le: 20 Fév 2014 Messages: 2414
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Posté le: Ve 13 Jan 2017 16:38 Sujet du message: |
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Bonjour,
Il y a aussi cette idée que l'âme serait féminine et l'esprit masculin, la première étant "fécondée", "vivifiée" par le second. Mais cela n'est-il pas influencé par notre langue qui donne un genre féminin à l'un et masculin à l'autre ?
Dans la langue anglaise par exemple soul (âme) et spirit (esprit), n'ont pas de genre. Il existe un autre mot : "mind", qui signifie également esprit, mais avec une notion de pensée, d'intention, de disposition (état d'esprit). L'expression "mind of God" (esprit de Dieu) est utilisée entre autres quand on veut souligner l'intention derrière l'esprit, ce qui a tendance à l' individualiser, idée qui est encore renforcée par le fait que "God" (dieu) est au masculin en anglais.
Il faut savoir que dans cette langue, le genre n'est utilisé que pour les êtres humains, dans l'intention de distinguer les sexes. Parfois pour les animaux, quand la distinction sexuelle est nécessaire, et même parfois encore pour une voiture, par exemple, quand il y a une notion d'affectivité, entre la personne qui parle et la chose désignée. Dieu en anglais est donc "personnalisé" "individualisé" "humanisé", par le fait même d'utiliser le genre masculin pour le nommer. Ceux qui veulent insister sur le fait que Dieu n'est pas personnalisable, utilisent intentionnellement un pronom neutre pour le désigner.
On utilise aussi le mot "mind" pour parler de l'esprit de l'homme, dans le sens "d'état d'esprit". Il existe encore un mot qui désigne la volonté : will. C'est pourtant "mind" (mind of God) qu'on utilise quand on parle "d'intention de Dieu", comme si l' esprit et l' intention étaient indissociables.
On voit donc à quel point le langage influence le concept transmis, mais aussi à quel point les préjugés influencent le langage. |
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opus
Inscrit le: 23 Mai 2016 Messages: 399 Localisation: Cher
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Posté le: Ve 13 Jan 2017 20:26 Sujet du message: |
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"le corps est le chantier de l'âme ou l'esprit vient jouer ses gammes" Hildegarde de Bingen .
" les oeuvres d'art sont les figures parlantes de l'univers sensible interieur par une âme humaine et recréées par elle au moyen de l'esprit " François Cheng .
Ce qui ne contredit en rien vos érudites et passionnantes reflexions .  _________________ ... ? ... |
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Cogitans
Inscrit le: 24 Avr 2017 Messages: 50
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Posté le: Lu 15 Mai 2017 9:07 Sujet du message: Le souffle et la flamme. |
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L'esprit me semble être de nature plus intellectuelle. Il est la totalité des discours, du plus simple au plus inspiré. Il a pour fin de se manifester vers l'extérieur et de nous octroyer des connaissances. Il est le souffle qui entraîne le monde.
L'âme, plus affective, pareille à une flamme qui brûle intérieurement. Elle est le fondement de notre individualité, même si elle réside aussi dans le collectif. Je la perçois plus souterraine, silencieuse souvent et difficile à saisir car elle ne se trouve pas nécessairement dans le discours. Si elle est présente, elle se cache.
L'esprit et l'âme se marient au sein des grandes œuvres de l'humanité. |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10361 Localisation: belgique
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Posté le: Lu 15 Mai 2017 13:25 Sujet du message: |
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L'âme, si elle est présente, on la cache, enfin, les circonstances et le conditionnement, font qu'on la cache !  |
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grigriontop
Inscrit le: 06 Août 2017 Messages: 1
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Posté le: Di 06 Août 2017 17:37 Sujet du message: Où vont les âmes - Plotin _ G. Aubry |
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Citation: | "Souvent lorsque je m'éveille à moi-même en sortant de mon corps et qu'à l'écart des autres choses je rentre à l'intérieur de moi, je vois une beauté d'une force admirable et j'ai alors la pleine assurance que c'est là un sort supérieur à tout autre.
Je mène la meilleure des vies, devenu identique au divin, installer en lui, parvenu à cette activité supérieure en m'étant établi au-dessus de tout le reste de l'Intelligible.
Après ce repos dans le divin, quand je suis redescendu de l'intellect vers le raisonnement, je suis embarrassé pour savoir comment cette descente a eu lieu et comment mon âme a jamais pu se trouver à l'intérieur de mon corps, si elle est bien en elle-même telle qu'elle a pu se manifester quoiqu'elle soit dans un corps".
Ce voyage intérieur de l'âme qui sort de son corps pour atteindre le divin, c'est celui d'un philosophe né en Egypte au début du troisième siècle dont la culture est essentiellement grecque et qui porte un nom latin : Plotin.
Plotin fait partie de ceux que l'on nomme les néoplatoniciens, ceux qui, longtemps après la mort de Socrate, ont donné un nouvel élan aux dialogues de Platon ; en sachant pour le meilleur prendre leur distance avec la pensée de leur maître.
En commentant Platon, Plotin insuffle du mouvement dans les formes, met en branle les idées, et estompe la séparation nette entre l'intelligible et le sensible, entre l'âme et le corps, entre le principe et la matière.
D'un regard, Plotin dépasse le dualisme et atteint l'un des points le plus difficile d'accès, le plus éloigné de nous, le plus ardu à saisir par la pensée qui pourtant le recherche tant, ce point porte un nom : la simplicité, et comme elle est à l'origine de tout, Plotin la nomme tout simplement l'Un. L'Un est l'ineffable simplicité, ce dont on ne peut rien dire, ce à quoi on ne peut rien attribuer sans la dénaturer. Alors comment peut-on fonder une philosophie de ce dont on ne peut pas parler, et comment si il est absolument simple peut-il engendrer les âmes, le monde, la matière, le multiple tout en restant Un.
Plotin est les mystères de l'Un, c'est ce que nous allons explorer cette semaine, [ . . . ] |
Épisode 2 : Où vont les Ames ?
<France Culture / les nouveaux chemins de la connaissance / Les Ennéades de Plotin-2/4-où vont les âmes
Citation: | Lire Plotin, c'est comme regarder le monde à l'aide d'un miroir, non pas pour s'y contempler, mais pour observer ce qui reste du moi dans le reflet de l'Univers.
"Le reflet est une image, et en cela, il est un mode d'existence de ce qui ne peut être vu directement, il est un indicateur dans lequel se trouve ce que l'on ne peut regarder. Regarder le monde et le moi, à partir de leurs reflets, c'est faire de l'image donc du sensible un point d'accès nécessaire à ce qui le dépasse, à ce qui n'est accessible à l'âme que lorsqu'elle choisit de se tourner vers l'Intellect.
A l'inverse si la conscience est comme un miroir brisé, parce que l'harmonie du corps est troublée, alors la raison et l'esprit échappent au regard sans reflet, sur le miroir l'âme rebondit sur son propre reflet en direction de l'esprit, mais si le miroir n'est pas là, ou si il n'est pas dans l'état voulu pour réfléchir ces images, alors comment situer l'âme ? L'âme existe-t-elle indépendamment du reflet dans lequel elle se mire ? en d'autres termes, l'âme existe-t-elle en dehors du sensible, et donc du corps, et si oui, alors pourquoi choisit-elle de s'incarner, d'alourdir son élan dans la matière qui l'éloigne du principe premier, et comment comprendre cette alliance indescriptible et sans cesse mouvante entre l'âme et le corps que l'on appelle le moi."
[ . . . ] j'ai le plaisir d'accueillir Gwénaëlle AUBRY pour le deuxième temps de cette semaine consacrée à Plotin, Gwénaëlle AUBRY qui vient nous expliquer ce qui reste du moi lorsque les âmes se meuvent entre matière et divinité.
" Les plaisirs et les peines, les craintes et les audaces, les désirs et les aversions et la souffrance, à qui faut-il les attribuer ? Ce peut être à l'âme, ou à l'âme usant du corps ou à une troisième chose composé de l'âme et du corps."
- Bonjour Gwénaëlle AUBRY, bienvenue sur les nouveaux chemins, c'est à vous que l'on doit entre autre une édition du traité 53 de Plotin [ . . . ] il est étonnant de voir que lorsque Plotin se pose la question du moi, il parte du sensible, des affections du sensible.
- Le traité 53 est l'avant dernier traité que Plotin ait écrit, il a été placé par Porphyre en tête des Ennéades, comme une espèce d'entrée initiatique à la totalité de l'œuvre de Plotin parce que ce traité-là est régi par l'injonction Platonicienne le "Connais-toi, toi même". Il s'ouvre effectivement sur cette espèce de recension des contenus d'intériorité, depuis les passions, depuis les émotions immédiates etc. , jusqu'à finalement ce lieu, à ce point encore indéfinissable, qu'est l'âme séparée, l'âme qui demeure ancrée dans l'intellect ou dans l'esprit : le traité se donne comme une sorte de trajet de la conscience, c'est quasiment un texte performatif, c'est à dire qu'il vise à conduire les lecteurs depuis cette conscience immédiate, ses contenus multiples fragmentés de l'intériorité, du moi sensible, de l'âme liée au corps, jusqu'à la pure pensée. A chaque chapitre du traité doit correspondre de ce fait quelque chose comme un trajet intérieur, une étape sur le chemin de l'âme séparée... ce texte donne vraiment à accomplir en même temps qu'à lire, certains traités de Plotin, le traité 5.1 [10] par exemple, opère de la même façon, c'est à dire véritablement comme des trajets de l'âme et peut être plus encore comme des trajets de la conscience.
- Lorsque vous parlez de conscience, on peut commencer par définir ces termes-là, quelle est la différence entre l'âme, le moi, la conscience… qu'est-ce que Plotin entend par conscience ?
-… Il y a peut-être beaucoup de chose à mettre en place… pour essayer de dire les choses un peu rapidement ... l'âme pour Plotin, "l'âme est tous les êtres", c'est une phrase à l'origine lisible chez Aristote, mais Plotin considère de la même façon, que tous les degrés du réel, depuis l'Un Bien, le premier principe, jusqu'à l'Intellect, se retrouvent dans l'intériorité de sorte que d'une certaine façon tout le système Plotinien peut se redéployer à partir de ce point-là qu'est l'âme ...d'une certaine façon la philosophie Plotinienne se donne toute entière … dans un double mouvement : du Là-bas vers Ici , de l'Ici vers le Là-bas … ce double mouvement est une trajectoire de l'âme.
Il y a aussi chez Plotin, une chose très singulière… pour le dire en deux mots… la découverte de la réflexivité, c’est-à-dire la découverte de cette capacité du sujet à s'appréhender immédiatement lui-même, indépendamment de la saisie d'un objet, ou encore indépendamment d'un autre sujet. On trouve chez Platon cette idée d'une réflexivité médiée par l'autre, on trouve chez Aristote cette idée d'une réflexivité médiée par la saisie d'objet, chez Plotin la réflexivité est immédiate, le sujet peut s'appréhender lui-même sans aucune médiation, pour autant cette appréhension immédiate de lui-même ne lui donne pas accès à son essence, on n'est pas du tout dans un dispositif Cartésien, où le sujet se saisissant lui-même aurait en même temps l'intuition évidente de son identité, bien au contraire, ce que le sujet saisit de lui-même c'est précisément, pour commencer, cette multiplicité intérieure sur laquelle s'ouvrait le traité 53, que vous avez lu toute à l'heure, c'est cette espèce de morcellement . . . de foule intérieure … et c'est en même temps ces différents niveaux de l'âme, mais dont aucun ne lui correspond en propre, il y a donc là une espèce de discordance entre l'âme, le moi (que Plotin d'ailleurs nomme le "nous") et la conscience.
"Souvent m'éveillant de mon corps à moi-même, devenu alors extérieur à tout le reste et intérieur à moi-même, contemplant alors une beauté merveilleuse, sûr alors d'appartenir au plus haut point au monde supérieur, ayant vécu la vie la plus noble, étant devenu identique au divin, m'étant fixé en lui, étant parvenu à cette activité suprême et m'étant établi au-dessus de tout autre réalité spirituelle, quand, après ce repos dans le divin, je retombe de l'Intellect au raisonnement, je me demande comment j'ai pu jamais et cette fois encore, descendre ainsi, comment mon âme a pu jamais venir à l'intérieur d'un corps si déjà lorsqu'elle est dans un corps elle est telle qu'elle m'est apparue."
- Ce traité 6 des Ennéades est un texte crucial, il nous est donné à entendre l'expérience fondatrice de la pensée plotinienne, la question qui se pose est de savoir qui parle dans ce texte ?
Le Je qui s'exprime parle de son âme, ce n'est donc pas l'âme qui parle, ce ne peut pas être le corps ; Où se situe ce Je qui parle de lui-même en se décomposant comme étant une âme qui peut se mouvoir dans un processus d'ascension et le corps qui lui reste dans le sensible ?
- Oui toute la question est là, c'est évidemment très étrange, ce récit à la première personne, qui est essentiellement inquiet et interrogatif, il y a là le témoignage d'une double étrangeté dont l'une des faces est inquiétante, on a là quelque chose comme l'expérience fondatrice de la philosophie Plotinienne, cette expérience double... à deux faces… dont l'une est l'expérience d'une forme de plénitude, de présence, de beauté, de vie plus intense, c'est ce que l'on peut appeler la première expérience mystique, Plotin lui-même n'emploie ce mot mystique qu'à une seule reprise et en un sens très différent ... mais bon…il est vrai qu'on a là une des idées fondatrice du mysticisme, c’est-à-dire l'idée d'une fusion entre le sujet et le principe fondateur du réel, là en l'occurrence il s'agit de l'Intellect, il y a une autre expérience mystique qui est celle de l'Un Bien. Il y a d'abord le récit de cette expérience-là, de la plénitude de la jouissance de cette expérience là et en même temps celui de son envers, celui de la descente, une descente qui se paie de mélancolie ou peut être plus exactement de nostalgie, et en même temps aussi, ce Je qui ressaisi cette double expérience dans l'impossibilité de s'identifier à l'un ou l'autre de ces aspects, c'est-à-dire que le Je se donne ici comme distinct tant de cette âme qui demeure ancrée dans l'Intellect "l'âme séparée", que de l'âme qui se trouve liée au corps. Il y a là ce que l'on pourrait appeler, à la suite de Pierre HADOT, quelque chose comme le paradoxe mystique, que l'on retrouve formulé à peu près dans les mêmes termes chez Maître Eckart par exemple, c'est l'idée selon laquelle l'on est jamais plus soi-même que quand on a plus conscience de soi-même. L'expérience de cette adéquation à l'âme séparée, donc du retour à l'Intelligible, est l'expérience d'une pure présence à la fois à soi, à l'Être, puisque l'Intellect est aussi la première "ousia", l'Un Bien étant lui "épékeina tês ousias" / au-delà de l'être, l'Intellect lui est la totalité organique des formes intelligibles qui sont en même temps des intelligences, donc cette expérience de pure présence à soi et en même temps expérience d'une présence à la totalité de l'être et aux autres, et pour autant cette présence va sans conscience, c’est-à-dire que remontée à l'Intellect, le Moi ne se sait plus comme tel, n'a plus conscience de la différence entre lui et son objet, et à l'inverse si l'on revient au moment de la descente, l'âme aux prises avec le corps, avec les exigences, les besoins du corps, de l' action, de la vie pratique, du raisonnement, du langage aussi, puisque Plotin associe ces différentes opérations, s'éprouve elle-même là encore comme à distance d'elle-même, donc il y a d'une certaine façon une double inadéquation, qui est en même temps ce qui autorise cette trajectoire, cette espèce d'odyssée, qui est le moteur de cette dynamique qui anime toute la pensée plotinienne.
- Au fond, est-ce que l'expérience de l'étrangeté du Moi qui est celle de Plotin au moment où il écrit ce texte n'est pas à remettre au compte de l'écart qu'il peut y avoir entre l'universel le principe de l'Un qui donc dans ce mouvement descendant[...] est-ce que l'expérience de l'étrangeté du Moi ne vient pas de l'écart entre le singulier et l'universel ?
- Oui, alors il y a en effet une pensée très forte du singulier chez Plotin , ou plutôt disons du particulier, comme étant le résultat de ce que l'on pourrait appeler une addition soustractive, c'est à dire que l'on ne devient quelqu'un, cet individu incarné chargé d'une histoire que moyennant une adjonction : le corps, adjonction qui est en même temps soustraction puisqu'elle est ce qui sépare le particulier du tout, c’est-à-dire de cette communauté intelligible, de cette communauté des intelligences intelligibles organiquement composées dans l'Intellect, c'est d'ailleurs ce que vient dire le motif si important de la "sculpture de soi", sculpter sa propre statut c'est d'une certaine façon opérer cette soustraction, pratiquer cette opération en vertu de laquelle "-" et "-" font "+", c’est-à-dire c'est se défaire du corps comme cet espèce de supplément encombrant de façon à revenir à la plénitude et à la totalité de l'Intellect, il ne faut absolument pas entendre ce texte là sur la sculpture de soi dans le sens d'une forme d'esthétisme [...] comme le modelage d'une forme parfaite du Moi, là où à l'inverse il s'agit précisément de se défaire du moi particulier.
- Mais cette question de la particularité est vraiment liée à celle du Moi, puisque le Moi ne peut se ressaisir qu'en tant que particulier c'est à dire que la question du Moi pose à la fois la question de la place de celui qui réfléchit et la question d'un rapport beaucoup plus réflexif du Moi au Soi, c'est là où la pensée du Moi Plotinien est une porte d'entrée extrêmement féconde dans la pensée de Plotin.
- Oui parce que c'est une pensée graduée, il y a effectivement cette distinction que l'on peut formuler dans les termes mêmes que vous avez employés, entre le Moi et le Soi, c’est-à-dire que l'âme séparée, l'âme ancrée dans l'Intellect est quelque chose comme une identité impersonnelle, disons en tout cas qu'elle est tout à fait exempte d'histoire, de contenu biographique, on trouve des textes très singuliers chez Plotin, la théorie des deux mémoires, la théorie selon laquelle la mémoire conserve deux traces de tout objet, l'une sensible l'autre intelligible, et Plotin décrit en des termes très imagés, l'ascension, le retour progressif d'Héraclès au banquet des Dieux, donc à l'intelligible, comme une désappropriation de cette mémoire sensible, l'âme bonne est oublieuse dit Plotin, elle est légère et toute seule, Socrate remonté à l'intelligible ne se souvient même pas qu'il est Socrate qu'il a fait de la philosophie, Il oublie tous ses entours aussi bien ses proches que son histoire etc. , donc on a là une sorte d'impersonnel et en même temps, et c'est là une chose très nouvelle et très singulière, Plotin considère qu'il y a un fondement intelligible de l'individu […]
(dans un autre traité, Plotin conclue qu'il n'y a pas d'idée d'individu mais qu'il y a bien néanmoins quelque chose que Plotin appelle le logos, une forme qui est en même temps une force et qui porte à l'état de potentialité certains des traits véritablement individuels et non pas simplement essentiels, par exemple des traits de Socrate, non pas simplement l'humanité de Socrate, mais le nez camus etc.)[…]
il y a ce premier niveau de l'individu, il y a par ailleurs un autre lieu qui n'est plus celui du Soi, on pourrait dire celui du On, qui est celui de ce mixte improbable que forme le corps et les puissances inférieures de l'âme, c'est-à-dire les puissances végétatives et sensitives, là on a une sorte de On, d'impersonnel par le bas d'une certaine façon, à ce stade là on a pas encore un individu, on a quelque chose comme une sorte de communauté première des vivants, quelque chose de l'ordre de ce qu'un Agamben après Hannah Arendt appelle la zoë, la vie nue, c'est à dire qu'il y a en chacun de nous quelque chose qui palpite, pulse, avec l'univers entier et ceux sont nos puissances de vie inférieures.
- Mais alors ce On dont vous parlez pourrait-il donner une sorte de stabilité à un Moi qui par ailleurs n'est pas substantiel [...] confusion avec le Nous [ ...]
- Non, Le Nous est précisément ce lieu intermédiaire difficilement saisissable entre le Soi et le On .
" Mais Nous ... qui Nous ? Sommes-nous la partie de l'âme qui demeure toujours dans l'esprit, ou bien sommes-nous ce qui s'est ajouté à elle et qui est soumis au devenir du temps.
Mais ne faut-il pas dire qu'avant que ne se produise la naissance actuelle, nous étions dans le monde transcendant d'autres hommes, certains d'entre nous même des dieux, nous étions des âmes pures, nous étions esprit, unis à la totalité de l'être, partie du monde spirituel, sans séparation, sans division, nous appartenions au tout, et même encore maintenant nous n'en sommes pas encore séparés.
Mais il est vrai que maintenant, à cet homme-là un autre homme s'est ajouté, il voulait être, et nous ayant trouvé il s'est attribué à nous et il s'est ajoutée à cet homme que nous étions originellement et ainsi nous sommes devenus les deux, et plus d'une fois, nous ne sommes plus celui que nous étions auparavant et nous sommes celui que nous nous sommes ajouté ensuite, l'homme que nous étions cesse d'agir et en quelque sorte d'être présent."
- Vous avez parlé de la mémoire tout à l'heure, ces deux formes de mémoire que Plotin distingue lorsqu'il s'interroge sur le Moi, dans le texte que nous avons entendu juste avant, il s'interroge sur ce qu'est le Nous, "[. . .]Nous qui Nous ? sommes-nous la partie de l'âme qui demeure toujours dans l'esprit ou bien sommes-nous ce qui s'est ajouté à elle", la façon qu'il a de répondre à cette question est de prendre en compte une dimension temporelle c'est pour cela que je fais le lien avec la mémoire puisque ici il dit bien : il est vrai que maintenant à cet homme-là un autre homme s'est ajouté, comme s'il y avait non seulement un ajout, le temps s'est écoulé, mais aussi deux formes d'hommes différents.
- Oui c'est un texte fascinant qui source cette réflexivité inquiète de Plotin, c'est-à-dire que là encore la ressaisie du sujet par lui-même ne l'ancre pas en lui-même, à l'inverse me demandant qui je suis, se demandant qui l'on est, on se saisit là encore comme le couple improbable de deux hommes dont aucun ne peut véritablement être dit Moi, être dit Nous ; alors sur la question de la mémoire ce qu'il faut bien voir, c'est vraiment un point important, qui d'ailleurs va être contesté par les successeurs de Plotin, les néoplatoniciens plus tardifs, notamment Jamblique, c'est que le premier homme, l'homme dans l'esprit ou l'homme dans l'Intellect, n'est pas un point d'origine perdu, c'est un très proche lointain, c'est un lointain très intérieur, c’est-à-dire qu'en vérité, l'âme séparée demeure dans l'Intellect, n'en descend pas mais dans le même temps elle est véritablement une partie de nous, il y a toujours en nous quoique l'on fasse, quoique l'on soit, ce lieu d'absolue plénitude, d'absolue autarcie, d'acte perpétuel de contemplation, mais la contemplation pour Plotin c'est le lieu de la vie la plus intense, on est jamais plus actif que quand on contemple dit Plotin, c'est donc le lieu d'une intensité vitale maximale et c'est en même temps un lieu totalement autarcique, soustraie "aux plaisirs et aux peines", voilà mais c'est toujours là, simplement on l'oublie, en effet on l'oublie, le traité 10 s'ouvre sur cette question " D'où vient que les âmes ont oublié le Dieu leur père ..." on l'oublie c'est-à-dire que l'on a plus ou pas conscience, et d'une certaine façon toute l'éthique Plotinienne vise à rendre possible cette conscience à susciter cette réminiscence qui est réminiscence d'un présent ou d'une présence, vise à rendre attentif à cette présence d'ordinaire inaperçue . . .
- Mais d'où vient cet oubli ? comment l'âme a-t-elle pu oublier cette origine ? Est-ce en s'incarnant dans le corps qu'elle devient oublieuse d'elle-même ?
- Oui, alors il faut vraiment distinguer deux choses, en vérité l'âme ne s'incarne pas vraiment, l'âme ne se lie pas au corps, simplement en tant que l'âme séparée est un acte pur de contemplation, elle est au principe d'une puissance, cela est vraiment le modèle de la causalité Plotinienne qui opère d'abord au niveau de l'Un Bien, de tout être parfait émane de façon nécessaire, sans désir, sans choix, sans intention, une puissance productive génératrice qui a son tour va être au principe d'un nouvel être, l'âme séparée en tant qu'elle contemple, qu'elle est donc pure énergeia, à la fois pur acte et pure énergie, est au principe d'une puissance qui va se mêler au corps. Il n'y a pas là quelque chose qui serait de l'ordre de la faute, de la chute, thème chrétien et gnostique que Plotin récuse. Il est de la nature de l'âme de se mêler au corps, il est de la nature de l'âme d'organiser le sensible, Plotin dit de l'âme deux choses, qu'elle est amphibie, c'est-à-dire qu'elle a deux vies et telle est sa nature, et qu'elle est un metaxu, elle est essentiellement un intermédiaire, elle est essentiellement ce qui fait le lien du sensible à l'intelligible de l'intelligible au sensible, donc il n'y pas là de faute, il n'y a pas là de catastrophe initiale, il n'y a pas de pêché originel, il y a chez Plotin un refus de ce que l'on pourrait appeler à la suite d'Yves Bonnefoy "la pulsion d'ex-carnation" des gnostiques, il y a du même coup une pensée très singulière du sensible qui se traduit d'ailleurs dans l'esthétique Plotinienne.
-Vous dites qu'il n' y a pas de faute, pas de pêché à proprement parler, l'âme ne déchoit pas dans le sensible mais en même temps, ce qui est très intéressant chez Plotin, à la différence d'autres philosophes comme Platon, Plotin ne donne pas l'impression que le sensible soit un obstacle à l'âme, peut-être parce que l'âme est une puissance qui se propage jusque dans le sensible, le corps est aussi dans une certaine mesure une manière de nous révéler à l'âme, c'est pour cela cette importance du miroir, le sensible est peut être une manière pour l'âme de se ressaisir elle-même ?
- Toute la question est pour Plotin de régler ce rapport au sensible, il est nécessaire, il participe de cet espèce de processus fécond d'engendrement du réel à partir de l'Un, là où s'introduit le risque éthique c'est lorsque le corps, le sensible et ultimement la matière, interviennent pour l'âme comme une espèce de miroir fascinant, une sorte de sortilège, sortilège qui finit par captiver l'âme, par la rendre oublieuse de son origine intelligible, la rendre oublieuse de sa propre puissance, là encore toute l'éthique Plotinienne vise la réappropriation par l'homme de sa propre puissance, il s'agit pour l'homme de comprendre que cette beauté fascinante du sensible est son effet, et qu'elle-même est plus belle encore, il y a chez Plotin une dimension hubristique, on parlait tout à l'heure du "connais-toi toi-même", "le connais-toi toi-même" à l'origine est une injonction à la mesure, une injonction à connaître ses limites, il en va autrement chez Plotin, il s'agit à l'inverse de rappeler l'âme à sa divinité et à sa dignité, tout se dispose effectivement entre les deux figures qui sont celles d'Ulysse et celle de Narcisse, Ulysse vaut modèle, c'est à dire qu'il s'agit de rendre possible cette odyssée qui est retour à ce très proche lointain qui est l'âme séparée. Ulysse de surcroit est celui qui a su résister au charme de Calypso, de Circé, c'est à dire à tout cet ensorcellement magique du sensible. Narcisse est la figure inverse, Narcisse est celui qui a pris son corps pour lui-même et qui s'est du même coup fragmenté dans le miroir de la matière, à la manière aussi dans le mythe Orphique de l'enfant Dionysos qui se mire dans un miroir à facette offert par les titans et qui y explose, s'y démembre.
Or, nous sommes tous spontanément narcissiques, c'est-à-dire que tous spontanément nous nous prenons pour notre corps, nous ne voyons pas plus loin que notre corps, tous spontanément nous oublions cette âme séparée qui pourtant continue d'agir et de vivre en nous, donc tout l'enjeu consiste à se défaire de cette illusion narcissique pour accomplir la trajectoire d'Ulysse.
- Ce qui nous conduit à un autre problème qui est celui du choix possible pour l'âme de se détourner de l'emprise du sensible ou au contraire s'y installer, il y a un choix ici, c'est pourquoi vous avez parlé de la dimension éthique de Plotin, on a besoin de penser le Moi pour pouvoir penser la possibilité d'un choix individuel d'une vie qui se tourne vers l'intellection ou qui reste dans le sensible.
- Alors justement, l'instance de choix c'est le Moi, c'est le hemeis dans sa différence d'avec l'âme, puisque précisément l'âme est ce en quoi s'étage tous ces niveaux, le hemeis a conscience de cette multiplicité intérieure, n'a d'ailleurs d'abord conscience que de la multiplicité sensible, puis il y a un autre état une autre étape dans ce trajet de la conscience (Nous... Qui Nous ? ) de la prise de conscience de la présence en nous des deux hommes -Il s'agit pour le hemeis de choisir, entre deux, et la conscience est l'instrument de ce choix- il s'agit de détourner la conscience de sa fascination exclusive pour son corps de façon à l'orienter vers l'âme séparée, il s'agit de transformer la sollicitude en attention, la sollicitude c'est ce régime narcissique de la conscience, la sollicitude c'est le fait d'une conscience qui est sans cesse happée par les urgences du corps et par les urgences de l'action, la prosoké à l'inverse, l'attention, c'est le régime d'une conscience qui a su faire taire en elle ce que Plotin appelle le vacarme, le thórubos, le tumulte du composé, pour se rendre entièrement réceptive, vacante, disponible, à ce que Plotin appelle les voies qui viennent dans haut.
"Le démon se tient au-dessus de l'âme, sans agir, tandis que c'est ce qui est agi après lui, ce qui est actif est ce en vertu de quoi nous sommes des êtres sensitifs, alors le démon est la partie rationnelle, si par contre notre vie se règle sur le principe rationnel, le démon est ce qui se tient au-dessus de lui, inactif, accordant son consentement à la partie qui agit, c'est donc à bon droit que l'on dit nous le choisirons, selon la vie que nous choisissons en effet nous choisissons ce qui se tient au-dessus de nous, mais il n'est pas possible qu'il conduise l'homme une fois que celui-ci est mort car c'est auparavant qu'il le conduisait quand il était en vie, et quand l'homme a cessé de vivre, le démon cède l'activité à un autre démon puisque l'homme est mort à la vie sur laquelle le démon exerçait son activité, cet autre démon donc veut diriger, et lorsqu'il a acquis la domination, il vit en ayant lui-même un autre démon, et si il est alourdi par la force de son tempérament qui est mauvais c'est dans cet abaissement même qu'il trouve son châtiment, c'est de cette façon aussi que l'homme méchant puisqu'il déchoit en imitant ce qui a agi en lui pendant sa vie et qu'il incline vers le mal se transforme en bête féroce, celui en revanche qui peut suivre le démon qui est au-dessus de lui parvient en haut, il vit de la vie de ce démon, et ainsi conduit vers la partie supérieure de lui-même, c'est à elle qu'il donne la prééminence."
- Outre que ce texte donne à entendre cette idée de choix, on y découvre ce terme très étonnant de démon, quel est donc ce démon qui se situe au-dessus de notre âme et qui a un tel impact sur notre choix de vie ?
- Le daemon c'est un autre motif tout à fait fascinant parce que là encore il porte cette pensée singulière du Moi, l'idée selon laquelle on est jamais plus soi-même que dans l'au-delà de soi, le daemon est là encore étagé, dynamique, c'est en fait la puissance de l'âme supérieure à celle au niveau de laquelle on vit, on peut passer de daemon en daemon sous la condition d'une actualisation en soi de ces puissances de l'âme, qui sans cela peuvent demeurer à l'état latent.
- Donc rien à voir avec le démon tel qu'on l'entend aujourd'hui, si ce n'est cette chose qui nous agit presque de manière passive.
- Le daemon grec c'est là encore une figure de l'intermédiaire -metaxu- le grand démon c'est Eros chez Platon, c'est aussi une figure que reprend Plotin mais qu'il articule à cette question du Moi pour proposer une pensée très différente de celle portée par les stoïciens par exemple, l'idée d'oikeosis, c'est à dire d'appropriation à soi-même, il s'agit non pas de s'approprier à soi-même de persévérer à son être mais à l'inverse d'être toujours et successivement dans cet espèce d'au-delà de soi, ce qui passe par une actualisation des puissances supérieures à celles qui nous agissent d'ordinaire et cette actualisation à son tour dépend de l'orientation de la conscience. Il y a là encore une figure assez fascinante, pour Plotin d'une certaine façon "on devient ce dont on a conscience", on a pas conscience que l'on est, la réflexivité n'est pas le moyen d'une révélation d'une essence, on devient ce dont on a conscience, donc on peut ainsi en effet progresser de daemon en daemon.
- Mais alors d'où vient l'origine de ce choix d'une vie. . . quelle est cette faculté qui nous permit de choisir ?
- Sur ce point on peut penser que Plotin hérite des stoïciens, finalement la détermination la plus essentielle du hemeis, c'est cette capacité à l'autodétermination, maintenant qu'est ce qui la rend possible : précisément la philosophie Plotinienne, ce choix que les traités Plotiniens rendent possibles en modifiant successivement l'orientation de la conscience.
- qui du coup va pouvoir…
- Qui du coup va pouvoir se détourner de la fascination du corps pour s'orienter vers l'âme séparée et du même coup, et c'est là que les choses se nouent, du même coup se perdre comme conscience, ce lieu de l'âme séparée est celui d'une présence qui va sans conscience, la conscience n'est ici qu'un moyen.
- Si la conscience n'est que moyen, et que l'âme doit oublier la partie consciente d'elle-même, comment expliquer qu'à la fin du traité 53 : qui est ce Je qui se pose la question du Moi ?
- Il se saisit là dans ce lieu intermédiaire, entre le hemeis -le moi médian, celui qui raisonne- et l'âme séparée, on est ici dans un lieu intermédiaire, cette question qui clôt le traité 53, il faut l'entendre en écho à la question qui l'ouvrait " Les plaisirs et les peines, les craintes et les audaces, les désirs et les aversions et la souffrance, à qui faut-il les attribuer ? …" se donne à voir là tout le trajet qui a été effectué entre le premier et le dernier chapitre dans l'intervalle de quelques pages, qui a conduit la conscience raisonnante des passions à une proximité -mais qui n'est pas encore atteinte- avec l'âme séparée, avec la pensée pure, cette présence sans conscience.
"Quant à la pensée pure elle est notre, au sens où l'âme est capable de pensée pure et où sa vie la plus forte est la pensée pure, à la fois quand l'âme pense et quand l'intellect dirige son activité vers nous, lui aussi en effet est une part de nous, et vers lui nous montons" |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4334 Localisation: paris
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Posté le: Di 06 Août 2017 19:51 Sujet du message: Re: Où vont les âmes - Plotin _ G. Aubry |
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bonsoir Grigriontop
et bienvenue sur le forum
merci pour la transcription des 2 émissions de france-culture , j’espère que tu ne t"es pas tapé tout seul cette transcription, il eu été plus simple de donner les liens de ces émissions pour en avoir l’intégralité.
les voici et il y en a deux autres :
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/les-enneades-de-plotin-14-au-commencement-etait-0
https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/les-enneades-de-plotin-24-ou-vont-les-ames
on aurait aimé un texte de toi, en accompagnement des citations .
pour ma part j'aime beaucoup Plotin, j'en a déjà parlé sur ce forum : Plotin ou la simplicité du regard
ici http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?p=20065&highlight=plotin#20065
la présentatrice écrit
Citation: | D'un regard, Plotin dépasse le dualisme et atteint l'un des points le plus difficile d'accès, le plus éloigné de nous, le plus ardu à saisir par la pensée qui pourtant le recherche tant, ce point porte un nom : la simplicité, et comme elle est à l'origine de tout, Plotin la nomme tout simplement l'Un.
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ce point , l'Un , est d'autant plus éloigné de nous qu'il est aussi ce qui est le plus proche de nous , mieux il est nous
c'est ce dont on parle sur ce forum
Joël _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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albafica Invité
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Posté le: Ma 09 Fév 2021 15:54 Sujet du message: |
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Bonjour Opus.
Je sens souvent en moi quelque chose que je définirai comme Amour, joie rayonnante, et énergie.
Energie dans sa nature substancielle.
Joie et amour d'un point de vue conscience.
Je sens que cela est la manifestation de l'AME en moi, que j'appelle aussi conscience Christique. Terminologie personnelle évidement.
Ceci est parfois accompagné d'une perception de couleur jaune dans mon aura.
L'ÂME est un ENTITE à part entière.
Ceci vient de ma dévotion pour Le Christ dont la contrepartie en nous est notre AME : amour parfait irradiant.
Voilà d'un point de vue strictement expérimental ce que je puis dire sur le mot AME.
Depuis peu, je ressens parfois, surtout dans les 7 jours précédent les nouvelles lunes, un appel vers une profonde intériorisation et une puissante énergie.
Sous l'angle psychologique ET énergétique je dirait que je sens "l'appel du Père", un appel vers le haut, au-dessus de ma tête.
Sous l'angle de la perception : je perçois parfois un triangle dans mes méditations. Simple symbole sur lequel il ne faut pas s'arrêter, comme la couleur jaune dans le cas de l'âme. C'est du symbolisme, donc du formel, ce qui compte c'est le sentiment intérieur, la conscience. Le symbole est tout de même un indicateur tout comme il n'y a pas de fumée sans feu.
Sous l'angle de l'énergie : je ressens alors un accès d'énergie de pouvoir, un pouvoir spirituel qui, parfois, se met au diapason du centre à la base de la colonne vertébrale.
Je sens une paix profonde s'installer en moi dans ces périodes pré-nouvelle Lune. Un sentiment de détachement et d'invulnérabilité intense lié à la paix de l'esprit.
Là, comme tu le vois, l'expérience n'est plus joie rayonnante et amour, mais laisse la place à la paix, quoi que celle-ci apporte une joie et un bonheur intense quand même.
Dans ces moments, je me sens être uni à mon "père dans les cieux" et être Lui, qui n'est, donc, pas l'âme. Il est de beaucoup supérieur et transcendant.
A celà je donne le nom D'ESPRIT ou PERE DANS LES CIEUX ou TRIADE SPIRITUELLE.
AME ou PERE ne sont au final que des compartiments cachés de notre Être, et sont nous-même dans un certain sens.
Les mots choisi sont mon code de communication, l'expérience est très réelle.
Je dis l'AME est Le Fils, l'esprit est Le Père.
Tant que j'y suis, la Mère ou Saint-Esprit est "serait" l'énergie, la vitalité même de la matière sur laquelle nous posons nos pieds et enracinons nos existances. Cette même énergie qui peut arriver à fusionner au-dessus de la tête avec Le Père, pourvu que l'amour en nous (le Fils) a complètement dominé nos vies (par une vie aussi sainte que possible).
L'homme est, selon moi, le creuset dans lequel les trois personnes de la divinité peuvent s'unir en une unité que j'appelle triade spirituelle. Pour l'heure, ces trois aspects sont déconnectés chez nous et nous commençons à peine à vivre la vie du Christ en s'obligeant à s'aligner sur l'amour et l'idée de Service.
Quant au Père ou Esprit, je m'avance un peu mais j'ai parfois l'impression qu'Il n'est ni strictement un sujet ni un objet mais les réunis ou les dépasse tous les deux, je ne sais que dire... Trois en UN.
Bonne continuation.
Dans la Paix de l'esprit. |
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