Regards sur l'éveil
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5643 Localisation: Suisse
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Posté le: Sa 24 Nov 2018 22:01 Sujet du message: A propos de Dieu, et du mal |
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J'ai toujours été interpellé par ce dialogue imaginaire de Gide :
Moi. — Il ne peut être question de deux Dieux. Mais je me garde, sous ce nom de Dieu, de confondre deux choses différentes, différentes jusqu’à s’opposer. D’une part, l’ensemble du Cosmos et des lois naturelles qui le régissent ; matières et forces, énergies ; cela c’est le côté Zeus ; et l’on peut bien appeler cela Dieu, mais c’est en enlevant à ce mot toute sa signification personnelle et morale. D’autre part, le faisceau de tous les efforts humains vers le bien, vers le beau ; la lente maîtrisation de ces forces brutales et leur mise en service pour réaliser le bien et le beau sur la terre ; ceci, c’est le côté Prométhée ; et c’est le côté Christ aussi bien ; c’est l’épanouissement de l’homme, et toutes les vertus y concourent. Mais ce Dieu n’habite nullement la nature ; il n’existe que dans l’homme et par l’homme ; il est créé par l’homme, ou , si vous préférez, c’est à travers l’homme qu’il se crée ; et tout effort reste vain pour l’extérioriser par la prière. C’est avec Lui que le Christ a partie liée ; mais c’est à l’Autre qu’il s’adresse lorsque, mourant, il jette son cri de désespoir : «Mon Dieu, pourquoi m’avoir abandonné ?...»
Lui. — Afin que «tout soit accompli», dit le croyant.
Moi. — Mais pour moi qui ne crois pas, je ne puis voir là qu’une tragique méprise. Il n’y a point là d’abandon parce qu’il n’y a jamais eu d’entente ; parce que le dieu des forces naturelles n’a pas d’oreilles et reste indifférent aux souffrances humaines, soit en attachant Prométhée sur le Caucase, soit en clouant le Christ en croix.
Lui. — Permettez : ce ne sont pas les forces naturelles qui ont crucifié le Christ ; c’est la malignité des hommes.
Moi. — Le Dieu que représente et incarne le Christ, le Dieu-Vertu, doit lutter à la fois contre le Zeus des forces naturelles et contre la malignité des hommes. Cette dernière parole du Christ (la seule des sept paroles du Crucifié qui nous soit rapportée par deux évangélistes, les naïfs apôtres Matthieu et Marc, qui ne rapportent que cette parole-là) me retiendrait de confondre le Christ avec Dieu, si déjà ne m’avertissait tout le reste. Comment ne pas y voir, dans cette tragique parole, non point un lâchage, une trahison de Dieu, mais ceci : que le Christ, en croyant et en faisant croire qu’il avait partie liée avec Dieu, se trompait et nous trompait ; que Celui qu’il appelait «mon Père» ne l’avait jamais reconnu pour Fils, que le Dieu qu’il représentait, que lui-même, était seulement, ainsi qu’il dit parfois, «Fils de l’Homme» ? C’est ce Dieu-là, seulement, que je peux et veux adorer.
André Gide, Deux Interviews imaginaires, in Feuillets d’Automne.
Gide ne voit pas dans la nature l'oeuvre d'un Dieu bon. Et de fait, on peut se demander si c'est vraiment un signe de bonté que d'avoir crée des micro-organismes qui mangent le visage des enfants, ou des guêpes dont les larves pondues dans le cerveau d'une araignée la dévorent vivante. Gide ne voit apparaître la vertu qu'avec l'être humain. Une vertu qui refuse l'injustice de la nature. Et il s'interroge sur le fait de savoir s'il n'y a pas malentendu à croire que cette vertu serait issue de la nature. Elle est plutôt en rupture avec elle. La culture n'est pas produite par la nature : elle apparaît au moment où l'homme se saisit lui-même comme différent, où il se construit un monde purement à lui, une histoire qui a ses propres règles, dont la première est la justice. Certes, cette histoire puise dans la nature les modèles de ses vertus : le courage, elle le voit chez le lion, l'amour filial, dans les soins que les animaux prodiguent à leurs petits, la noblesse, dans la prestance de l'aigle, etc. Pourtant, il y a méprise : le lion n'est pas courageux, l'aigle n'est pas noble, et l'affection que les animaux portent à leurs petits n'est pas de l'amour. Toutes ces vertus n'existent que dans les histoires que se raconte l'espèce fabulatrice.
C'est cette méprise que signale Gide : ce que le Christ apporte ne relève pas de la nature, mais du surnaturel ; et non pas au sens d'une transcendance divine, mais de l'hétéronomie radicale qui oppose la culture à la nature. Avec l'homme apparaît un principe nouveau, étranger à la nature ; et c'est parce qu'il lui est étranger, parce qu'il est extérieur aux déterminismes naturels, qu'il est principe de liberté. Ce principe se constitue autour de deux pôles opposés que la nature ignore : le bien et le mal. L'aspiration vers le bien, l'homme la réfère à Dieu. C'est là un choix qui n'est pas sans conséquences problématiques, car dans son histoire, Dieu est aussi le créateur de la nature. C'est une évidence du coeur qui l'oblige à voir les choses ainsi, mais cette vérité le place en face d'une énigme insoluble : si Dieu est la source du bien, comment peut-il être le créateur d'une nature qui ignore ce principe et produit indifféremment le bien et le mal ?
La seule solution possible, c'est qu'il soit lui-même l'aboutissement du projet de Dieu : l'avènement d'une créature qui puisse accéder à la notion du bien et du mal, et donc à la liberté, et ainsi révéler Dieu au sein de la nature qu'il a faite. Pourtant le malaise subsiste, celui causé par les organismes qui dévorent le visage des enfants ; mais on peut se consoler en se disant que c'est là le prix à payer pour la création d'un être libre, couronnement de la création. Car pour que que puisse exister la liberté, il faut nécessairement que le mal existe. Un monde où n'existerait que le bien ne peut produire que des anges, mais pas des hommes libres. Acceptons donc les moustiques, la malaria et tout le reste : la bonté de Dieu est insondable, et persuadons-nous que sa sagesse a produit par là un plus grand bien.
Pourtant, sI on voit les choses ainsi, alors la position de Gide apparaît comme la plus cohérente. Plus cohérente que celle d'un Zundel, par exemple. La seule différence entre les deux, c'est que le Dieu de Gide est un Dieu pensé, alors que celui de Zundel est un Dieu vécu. Mais dans la mesure où Zundel inscrit ce Dieu vécu dans une narration, une histoire, une pensée, il s'autorise à ignorer sans y répondre la méprise que Gide signale. La solution de Zundel, qui est la solution de l'Eglise et de la plupart des religions, oblige à supposer l'existence d'un principe mauvais, le Diable, antérieur à l'homme, dont la question de l'origine interroge encore une fois la bonté de Dieu, sans qu'on puisse honnêtement trancher à son avantage.
Il faut changer de perspective. Quiconque a perçu la présence de Dieu, comme Zundel, ne peut douter de sa bonté ni de son amour. Dès lors, pour remettre les choses à l'endroit, ce n'est pas en lui qu'il faut rechercher l'origine du mal. Le mal est un élément dissonant dans l'harmonie du monde, c'est quelque chose qui refuse Dieu, qui se construit en rupture avec lui. Or, ce qui a rompu avec la nature, c'est l'homme. L'homme est né de l'histoire même qu'il se raconte sur le monde et sur lui-même ― il est né de la culture à laquelle il a donné naissance. Gide voit dans cet homme-là, élevé par la culture vers un bien qu'il nomme vertu, le seul bien véritable au monde, le seul Dieu qu'il est prêt à vénérer. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il est en réalité le seul mal au monde ― et le seul bien aussi, d'ailleurs. Il n'y a pas de mal ni de bien en dehors du regard que l'homme porte sur le monde. Lorsque l'homme juge que la nature serait mauvaise, le seul mal à l'oeuvre ici, c'est le regard qu'il porte sur elle. Et lorsqu'il juge du bien, c'est encore le mal qu'au fond il exerce. Accueillir Dieu, cela ne se fait pas en tendant vers une quelconque vertu, mais en prenant le risque de disparaître totalement soi-même, pour le laisser seul être. Renoncer à tout ce que l'homme a construit ― y compris la vertu et la connaissance du bien et du mal.
Bien sûr, remettre ainsi les choses à l'endroit, c'est assez déroutant, parce qu'on a l'impression que c'est là qu'elles sont à l'envers. C'est qu'il n'est pas aisé de penser hors de l'histoire qu'on s'est construite. Se dire que l'émergence du sentiment de justice, c'est l'émergence du mal, cela choque... notre sentiment de justice. Pourtant, la Bible ne dit pas autre chose : Adam et Eve furent chassés du Paradis pour avoir consommé du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le fruit qui permet de juger. Juger du bien et du mal, c'est mal. Il n'empêche : voir le refus qui s'élève en nous lorsque nous sommes confrontés à l'injustice, comme étant la source du mal, voilà qui ne va pas de soi. Et pourtant, ce que nous opérons là, c'est bel et bien un refus. Un "non" qui rompt la parfaite uniformité de la nature. Jamais, avant qu'un enfant d'homme ne se dresse contre la première injustice, un tel "non" n'avait retenti sur Terre. La gazelle qui fuit devant le lion, le chat qui se met à l'abri de la pluie, ne refusent rien, il ne profèrent pas de "non". Il n'y a pour les sujets de la nature qu'une seule partition, et chacun joue sa ligne. L'homme, lorsqu'il dit "non", écrit une nouvelle partition. Il réclame autre chose. Il crée un nouveau monde. Le sien. Et il y est libre, car rien d'autre que lui, dans la nature, n'aurait pu produire une telle rupture avec elle-même. Mais sa liberté se réduit, au fond, à peu de chose : soit être quelque chose, soit n'être rien. Vouloir être quelque chose, c'est actualiser la rupture avec la nature ― autrement dit, c'est se condamner à n'être rien, rien de réel, une simple illusion. Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 5925
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Posté le: Di 25 Nov 2018 11:46 Sujet du message: |
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Et bien moi je suis totalement en accord avec le texte de Gide. Comme tous les grands penseurs et écrivains, c' est remarquablement " dit ", et ça va droit au but.
Il n' y a aucun Dieu dans la nature. Ce sont uniquement des forces qui s' équilibrent.
Le Dieu dont nous parlons " nous ", est intérieur.
Joaquim, tu dis :
"Gide ne voit pas dans la nature l'oeuvre d'un Dieu bon. Et de fait, on peut se demander si c'est vraiment un signe de bonté que d'avoir crée des micro-organismes qui mangent le visage des enfants, ou des guêpes dont les larves pondues dans le cerveau d'une araignée la dévorent vivante. Gide ne voit apparaître la vertu qu'avec l'être humain".
Bien sur que non, il n' y a aucun signe de bonté dans cette histoire de micro organismes ! Juste des etres qui s' entredévorent pour assurer leur survie.
La vertu n' apparait qu' avec l' etre humain.
Ceci pour le positif.
Car l' etre humain apporte aussi la destruction.
Je reviendrai par la suite sur le reste de ton texte. |
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ThierryM
Inscrit le: 21 Mai 2015 Messages: 338 Localisation: us
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Posté le: Lu 26 Nov 2018 19:15 Sujet du message: |
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J. et A.
... voila de très beaux textes, mais ce sont aussi des histoires. Rien n'est séparé ... même pas la résistance à la vie (et je m'y connaît ), ou ce monde de fous, apparemment, ou l'atterrissage sur mars <3 |
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 5925
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Posté le: Lu 26 Nov 2018 22:26 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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joaquim a écrit: | J'ai toujours été interpellé par ce dialogue imaginaire de Gide :
Moi. — Il ne peut être question de deux Dieux. Mais je me garde, sous ce nom de Dieu, de confondre deux choses différentes, différentes jusqu’à s’opposer. D’une part, l’ensemble du Cosmos et des lois naturelles qui le régissent ; matières et forces, énergies ; cela c’est le côté Zeus ; et l’on peut bien appeler cela Dieu, mais c’est en enlevant à ce mot toute sa signification personnelle et morale. D’autre part, le faisceau de tous les efforts humains vers le bien, vers le beau ; la lente maîtrisation de ces forces brutales et leur mise en service pour réaliser le bien et le beau sur la terre ; ceci, c’est le côté Prométhée ; et c’est le côté Christ aussi bien ; c’est l’épanouissement de l’homme, et toutes les vertus y concourent. Mais ce Dieu n’habite nullement la nature ; il n’existe que dans l’homme et par l’homme ; il est créé par l’homme, ou , si vous préférez, c’est à travers l’homme qu’il se crée ; et tout effort reste vain pour l’extérioriser par la prière. C’est avec Lui que le Christ a partie liée ; mais c’est à l’Autre qu’il s’adresse lorsque, mourant, il jette son cri de désespoir : «Mon Dieu, pourquoi m’avoir abandonné ?...»
Lui. — Afin que «tout soit accompli», dit le croyant.
Moi. — Mais pour moi qui ne crois pas, je ne puis voir là qu’une tragique méprise. Il n’y a point là d’abandon parce qu’il n’y a jamais eu d’entente ; parce que le dieu des forces naturelles n’a pas d’oreilles et reste indifférent aux souffrances humaines, soit en attachant Prométhée sur le Caucase, soit en clouant le Christ en croix.
Lui. — Permettez : ce ne sont pas les forces naturelles qui ont crucifié le Christ ; c’est la malignité des hommes.
Moi. — Le Dieu que représente et incarne le Christ, le Dieu-Vertu, doit lutter à la fois contre le Zeus des forces naturelles et contre la malignité des hommes. Cette dernière parole du Christ (la seule des sept paroles du Crucifié qui nous soit rapportée par deux évangélistes, les naïfs apôtres Matthieu et Marc, qui ne rapportent que cette parole-là) me retiendrait de confondre le Christ avec Dieu, si déjà ne m’avertissait tout le reste. Comment ne pas y voir, dans cette tragique parole, non point un lâchage, une trahison de Dieu, mais ceci : que le Christ, en croyant et en faisant croire qu’il avait partie liée avec Dieu, se trompait et nous trompait ; que Celui qu’il appelait «mon Père» ne l’avait jamais reconnu pour Fils, que le Dieu qu’il représentait, que lui-même, était seulement, ainsi qu’il dit parfois, «Fils de l’Homme» ? C’est ce Dieu-là, seulement, que je peux et veux adorer.
André Gide, Deux Interviews imaginaires, in Feuillets d’Automne.
Gide ne voit pas dans la nature l'oeuvre d'un Dieu bon. Et de fait, on peut se demander si c'est vraiment un signe de bonté que d'avoir crée des micro-organismes qui mangent le visage des enfants, ou des guêpes dont les larves pondues dans le cerveau d'une araignée la dévorent vivante. Gide ne voit apparaître la vertu qu'avec l'être humain. Une vertu qui refuse l'injustice de la nature. Et il s'interroge sur le fait de savoir s'il n'y a pas malentendu à croire que cette vertu serait issue de la nature. Elle est plutôt en rupture avec elle. La culture n'est pas produite par la nature : elle apparaît au moment où l'homme se saisit lui-même comme différent, où il se construit un monde purement à lui, une histoire qui a ses propres règles, dont la première est la justice. Certes, cette histoire puise dans la nature les modèles de ses vertus : le courage, elle le voit chez le lion, l'amour filial, dans les soins que les animaux prodiguent à leurs petits, la noblesse, dans la prestance de l'aigle, etc. Pourtant, il y a méprise : le lion n'est pas courageux, l'aigle n'est pas noble, et l'affection que les animaux portent à leurs petits n'est pas de l'amour. Toutes ces vertus n'existent que dans les histoires que se raconte l'espèce fabulatrice.
C'est cette méprise que signale Gide : ce que le Christ apporte ne relève pas de la nature, mais du surnaturel ; et non pas au sens d'une transcendance divine, mais de l'hétéronomie radicale qui oppose la culture à la nature. Avec l'homme apparaît un principe nouveau, étranger à la nature ; et c'est parce qu'il lui est étranger, parce qu'il est extérieur aux déterminismes naturels, qu'il est principe de liberté. Ce principe se constitue autour de deux pôles opposés que la nature ignore : le bien et le mal. L'aspiration vers le bien, l'homme la réfère à Dieu. C'est là un choix qui n'est pas sans conséquences problématiques, car dans son histoire, Dieu est aussi le créateur de la nature. C'est une évidence du coeur qui l'oblige à voir les choses ainsi, mais cette vérité le place en face d'une énigme insoluble : si Dieu est la source du bien, comment peut-il être le créateur d'une nature qui ignore ce principe et produit indifféremment le bien et le mal ?
La seule solution possible, c'est qu'il soit lui-même l'aboutissement du projet de Dieu : l'avènement d'une créature qui puisse accéder à la notion du bien et du mal, et donc à la liberté, et ainsi révéler Dieu au sein de la nature qu'il a faite. Pourtant le malaise subsiste, celui causé par les organismes qui dévorent le visage des enfants ; mais on peut se consoler en se disant que c'est là le prix à payer pour la création d'un être libre, couronnement de la création. Car pour que que puisse exister la liberté, il faut nécessairement que le mal existe. Un monde où n'existerait que le bien ne peut produire que des anges, mais pas des hommes libres. Acceptons donc les moustiques, la malaria et tout le reste : la bonté de Dieu est insondable, et persuadons-nous que sa sagesse a produit par là un plus grand bien.
Pourtant, sI on voit les choses ainsi, alors la position de Gide apparaît comme la plus cohérente. Plus cohérente que celle d'un Zundel, par exemple. La seule différence entre les deux, c'est que le Dieu de Gide est un Dieu pensé, alors que celui de Zundel est un Dieu vécu. Mais dans la mesure où Zundel inscrit ce Dieu vécu dans une narration, une histoire, une pensée, il s'autorise à ignorer sans y répondre la méprise que Gide signale. La solution de Zundel, qui est la solution de l'Eglise et de la plupart des religions, oblige à supposer l'existence d'un principe mauvais, le Diable, antérieur à l'homme, dont la question de l'origine interroge encore une fois la bonté de Dieu, sans qu'on puisse honnêtement trancher à son avantage.
Il faut changer de perspective. Quiconque a perçu la présence de Dieu, comme Zundel, ne peut douter de sa bonté ni de son amour. Dès lors, pour remettre les choses à l'endroit, ce n'est pas en lui qu'il faut rechercher l'origine du mal. Le mal est un élément dissonant dans l'harmonie du monde, c'est quelque chose qui refuse Dieu, qui se construit en rupture avec lui. Or, ce qui a rompu avec la nature, c'est l'homme. L'homme est né de l'histoire même qu'il se raconte sur le monde et sur lui-même ― il est né de la culture à laquelle il a donné naissance. Gide voit dans cet homme-là, élevé par la culture vers un bien qu'il nomme vertu, le seul bien véritable au monde, le seul Dieu qu'il est prêt à vénérer. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il est en réalité le seul mal au monde ― et le seul bien aussi, d'ailleurs. Il n'y a pas de mal ni de bien en dehors du regard que l'homme porte sur le monde. Lorsque l'homme juge que la nature serait mauvaise, le seul mal à l'oeuvre ici, c'est le regard qu'il porte sur elle. Et lorsqu'il juge du bien, c'est encore le mal qu'au fond il exerce. Accueillir Dieu, cela ne se fait pas en tendant vers une quelconque vertu, mais en prenant le risque de disparaître totalement soi-même, pour le laisser seul être. Renoncer à tout ce que l'homme a construit ― y compris la vertu et la connaissance du bien et du mal.
Bien sûr, remettre ainsi les choses à l'endroit, c'est assez déroutant, parce qu'on a l'impression que c'est là qu'elles sont à l'envers. C'est qu'il n'est pas aisé de penser hors de l'histoire qu'on s'est construite. Se dire que l'émergence du sentiment de justice, c'est l'émergence du mal, cela choque... notre sentiment de justice. Pourtant, la Bible ne dit pas autre chose : Adam et Eve furent chassés du Paradis pour avoir consommé du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le fruit qui permet de juger. Juger du bien et du mal, c'est mal. Il n'empêche : voir le refus qui s'élève en nous lorsque nous sommes confrontés à l'injustice, comme étant la source du mal, voilà qui ne va pas de soi. Et pourtant, ce que nous opérons là, c'est bel et bien un refus. Un "non" qui rompt la parfaite uniformité de la nature. Jamais, avant qu'un enfant d'homme ne se dresse contre la première injustice, un tel "non" n'avait retenti sur Terre. La gazelle qui fuit devant le lion, le chat qui se met à l'abri de la pluie, ne refusent rien, il ne profèrent pas de "non". Il n'y a pour les sujets de la nature qu'une seule partition, et chacun joue sa ligne. L'homme, lorsqu'il dit "non", écrit une nouvelle partition. Il réclame autre chose. Il crée un nouveau monde. Le sien. Et il y est libre, car rien d'autre que lui, dans la nature, n'aurait pu produire une telle rupture avec elle-même. Mais sa liberté se réduit, au fond, à peu de chose : soit être quelque chose, soit n'être rien. Vouloir être quelque chose, c'est actualiser la rupture avec la nature ― autrement dit, c'est se condamner à n'être rien, rien de réel, une simple illusion. Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Le don de soi et la relation d' amour, voila pour moi les qualités principales du bien. Et effectivement, bien sur, cela ne peut pas etre exprimé si on est seul. La relation implique que l' on soit, au minimum, deux
On ne cherche la vérité dans l' égo que tant qu' on n' a pas compris que tout est relation. |
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caroline
Inscrit le: 15 Août 2018 Messages: 258 Localisation: Dans l'Un
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Posté le: Ma 27 Nov 2018 15:17 Sujet du message: |
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Je partage cette idée que tout est dans la relation.
Cela-dit, je vois l'Amour comme étant l'énergie qui, dans ce monde de la matière, réunit les caractéristiques polarisées, comme un aimant (aimant !!! ).
De mon point de vue, l'Amour se trouve donc autant du côté du "bien" que du côté du "mal", puisqu'Il unit les deux.
Une fois réunies, les polarités s'annulent.
Sachant celà, je permets à l'énergie de faire son travail de réunion dans la matière tout en me libérant de mes jugements sur les caractéristiques polarisées.
Je laisse l'Amour faire son travail, à travers moi et à travers les autres, sans m'opposer à ce travail.
Et quand je m'oppose, je sais qu'en réalité, cette opposition est seulement dans ma tête.
C'est plutôt arrogant de croire que je peux réellement m'opposer à l'Amour, mais cette croyance engendre des polarités, engendre la vie !
Mais je peux aussi me détendre devant l'apparente opposition qui vit dans ma tête … et voir l'Amour réunir tout doucement les polarités. _________________ Tu es aux commandes autant que je le suis ?
Regarde, je ne tiens pas le volant !
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 8597 Localisation: belgique
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Posté le: Ma 27 Nov 2018 17:54 Sujet du message: |
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Bonsoir tout le monde !
Personnellement, je n'adhère pas à l'approche de Joaquim et de Gide !
Pour moi, il y a l'être, en train d'être qui s'exprime indéfiniment ... chaque être, chaque chose, chaque situation en relation ...donc, dans ce qui est présenté, dans le texte, il y a dualité, le lion est comme coupé de son essence, ce qui disparaît quand l'un est recouvert, et demeure la non-dualité ! |
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marie
Inscrit le: 25 Mai 2011 Messages: 2098 Localisation: Bruxelles
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Posté le: Me 28 Nov 2018 14:03 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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joaquim a écrit: | Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Bonjour Joachim et à tous,
un monde de beauté, de justice et de bien c'est un bel idéal, mais comment incarner cela dans un monde polarisé des contraires? |
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 5925
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Posté le: Me 28 Nov 2018 14:38 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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marie a écrit: | joaquim a écrit: | Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Bonjour Joachim et à tous,
un monde de beauté, de justice et de bien c'est un bel idéal, mais comment incarner cela dans un monde polarisé des contraires? |
Quand on cesse de penser " absolu " on se rend compte que ce ne sont pas toujours de vains mots: oui il peut y avoir un progrès dans la justice et le bien. |
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Cricri
Inscrit le: 20 Sep 2010 Messages: 1524 Localisation: Québec, Canada
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Posté le: Me 28 Nov 2018 18:31 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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joaquim a écrit: | J'ai toujours été interpellé par ce dialogue imaginaire de Gide :
Moi. — Il ne peut être question de deux Dieux. Mais je me garde, sous ce nom de Dieu, de confondre deux choses différentes, différentes jusqu’à s’opposer. D’une part, l’ensemble du Cosmos et des lois naturelles qui le régissent ; matières et forces, énergies ; cela c’est le côté Zeus ; et l’on peut bien appeler cela Dieu, mais c’est en enlevant à ce mot toute sa signification personnelle et morale. D’autre part, le faisceau de tous les efforts humains vers le bien, vers le beau ; la lente maîtrisation de ces forces brutales et leur mise en service pour réaliser le bien et le beau sur la terre ; ceci, c’est le côté Prométhée ; et c’est le côté Christ aussi bien ; c’est l’épanouissement de l’homme, et toutes les vertus y concourent. Mais ce Dieu n’habite nullement la nature ; il n’existe que dans l’homme et par l’homme ; il est créé par l’homme, ou , si vous préférez, c’est à travers l’homme qu’il se crée ; et tout effort reste vain pour l’extérioriser par la prière. C’est avec Lui que le Christ a partie liée ; mais c’est à l’Autre qu’il s’adresse lorsque, mourant, il jette son cri de désespoir : «Mon Dieu, pourquoi m’avoir abandonné ?...»
Lui. — Afin que «tout soit accompli», dit le croyant.
Moi. — Mais pour moi qui ne crois pas, je ne puis voir là qu’une tragique méprise. Il n’y a point là d’abandon parce qu’il n’y a jamais eu d’entente ; parce que le dieu des forces naturelles n’a pas d’oreilles et reste indifférent aux souffrances humaines, soit en attachant Prométhée sur le Caucase, soit en clouant le Christ en croix.
Lui. — Permettez : ce ne sont pas les forces naturelles qui ont crucifié le Christ ; c’est la malignité des hommes.
Moi. — Le Dieu que représente et incarne le Christ, le Dieu-Vertu, doit lutter à la fois contre le Zeus des forces naturelles et contre la malignité des hommes. Cette dernière parole du Christ (la seule des sept paroles du Crucifié qui nous soit rapportée par deux évangélistes, les naïfs apôtres Matthieu et Marc, qui ne rapportent que cette parole-là) me retiendrait de confondre le Christ avec Dieu, si déjà ne m’avertissait tout le reste. Comment ne pas y voir, dans cette tragique parole, non point un lâchage, une trahison de Dieu, mais ceci : que le Christ, en croyant et en faisant croire qu’il avait partie liée avec Dieu, se trompait et nous trompait ; que Celui qu’il appelait «mon Père» ne l’avait jamais reconnu pour Fils, que le Dieu qu’il représentait, que lui-même, était seulement, ainsi qu’il dit parfois, «Fils de l’Homme» ? C’est ce Dieu-là, seulement, que je peux et veux adorer.
André Gide, Deux Interviews imaginaires, in Feuillets d’Automne.
Gide ne voit pas dans la nature l'oeuvre d'un Dieu bon. Et de fait, on peut se demander si c'est vraiment un signe de bonté que d'avoir crée des micro-organismes qui mangent le visage des enfants, ou des guêpes dont les larves pondues dans le cerveau d'une araignée la dévorent vivante. Gide ne voit apparaître la vertu qu'avec l'être humain. Une vertu qui refuse l'injustice de la nature. Et il s'interroge sur le fait de savoir s'il n'y a pas malentendu à croire que cette vertu serait issue de la nature. Elle est plutôt en rupture avec elle. La culture n'est pas produite par la nature : elle apparaît au moment où l'homme se saisit lui-même comme différent, où il se construit un monde purement à lui, une histoire qui a ses propres règles, dont la première est la justice. Certes, cette histoire puise dans la nature les modèles de ses vertus : le courage, elle le voit chez le lion, l'amour filial, dans les soins que les animaux prodiguent à leurs petits, la noblesse, dans la prestance de l'aigle, etc. Pourtant, il y a méprise : le lion n'est pas courageux, l'aigle n'est pas noble, et l'affection que les animaux portent à leurs petits n'est pas de l'amour. Toutes ces vertus n'existent que dans les histoires que se raconte l'espèce fabulatrice.
C'est cette méprise que signale Gide : ce que le Christ apporte ne relève pas de la nature, mais du surnaturel ; et non pas au sens d'une transcendance divine, mais de l'hétéronomie radicale qui oppose la culture à la nature. Avec l'homme apparaît un principe nouveau, étranger à la nature ; et c'est parce qu'il lui est étranger, parce qu'il est extérieur aux déterminismes naturels, qu'il est principe de liberté. Ce principe se constitue autour de deux pôles opposés que la nature ignore : le bien et le mal. L'aspiration vers le bien, l'homme la réfère à Dieu. C'est là un choix qui n'est pas sans conséquences problématiques, car dans son histoire, Dieu est aussi le créateur de la nature. C'est une évidence du coeur qui l'oblige à voir les choses ainsi, mais cette vérité le place en face d'une énigme insoluble : si Dieu est la source du bien, comment peut-il être le créateur d'une nature qui ignore ce principe et produit indifféremment le bien et le mal ?
La seule solution possible, c'est qu'il soit lui-même l'aboutissement du projet de Dieu : l'avènement d'une créature qui puisse accéder à la notion du bien et du mal, et donc à la liberté, et ainsi révéler Dieu au sein de la nature qu'il a faite. Pourtant le malaise subsiste, celui causé par les organismes qui dévorent le visage des enfants ; mais on peut se consoler en se disant que c'est là le prix à payer pour la création d'un être libre, couronnement de la création. Car pour que que puisse exister la liberté, il faut nécessairement que le mal existe. Un monde où n'existerait que le bien ne peut produire que des anges, mais pas des hommes libres. Acceptons donc les moustiques, la malaria et tout le reste : la bonté de Dieu est insondable, et persuadons-nous que sa sagesse a produit par là un plus grand bien.
Pourtant, sI on voit les choses ainsi, alors la position de Gide apparaît comme la plus cohérente. Plus cohérente que celle d'un Zundel, par exemple. La seule différence entre les deux, c'est que le Dieu de Gide est un Dieu pensé, alors que celui de Zundel est un Dieu vécu. Mais dans la mesure où Zundel inscrit ce Dieu vécu dans une narration, une histoire, une pensée, il s'autorise à ignorer sans y répondre la méprise que Gide signale. La solution de Zundel, qui est la solution de l'Eglise et de la plupart des religions, oblige à supposer l'existence d'un principe mauvais, le Diable, antérieur à l'homme, dont la question de l'origine interroge encore une fois la bonté de Dieu, sans qu'on puisse honnêtement trancher à son avantage.
Il faut changer de perspective. Quiconque a perçu la présence de Dieu, comme Zundel, ne peut douter de sa bonté ni de son amour. Dès lors, pour remettre les choses à l'endroit, ce n'est pas en lui qu'il faut rechercher l'origine du mal. Le mal est un élément dissonant dans l'harmonie du monde, c'est quelque chose qui refuse Dieu, qui se construit en rupture avec lui. Or, ce qui a rompu avec la nature, c'est l'homme. L'homme est né de l'histoire même qu'il se raconte sur le monde et sur lui-même ― il est né de la culture à laquelle il a donné naissance. Gide voit dans cet homme-là, élevé par la culture vers un bien qu'il nomme vertu, le seul bien véritable au monde, le seul Dieu qu'il est prêt à vénérer. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il est en réalité le seul mal au monde ― et le seul bien aussi, d'ailleurs. Il n'y a pas de mal ni de bien en dehors du regard que l'homme porte sur le monde. Lorsque l'homme juge que la nature serait mauvaise, le seul mal à l'oeuvre ici, c'est le regard qu'il porte sur elle. Et lorsqu'il juge du bien, c'est encore le mal qu'au fond il exerce. Accueillir Dieu, cela ne se fait pas en tendant vers une quelconque vertu, mais en prenant le risque de disparaître totalement soi-même, pour le laisser seul être. Renoncer à tout ce que l'homme a construit ― y compris la vertu et la connaissance du bien et du mal.
Bien sûr, remettre ainsi les choses à l'endroit, c'est assez déroutant, parce qu'on a l'impression que c'est là qu'elles sont à l'envers. C'est qu'il n'est pas aisé de penser hors de l'histoire qu'on s'est construite. Se dire que l'émergence du sentiment de justice, c'est l'émergence du mal, cela choque... notre sentiment de justice. Pourtant, la Bible ne dit pas autre chose : Adam et Eve furent chassés du Paradis pour avoir consommé du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le fruit qui permet de juger. Juger du bien et du mal, c'est mal. Il n'empêche : voir le refus qui s'élève en nous lorsque nous sommes confrontés à l'injustice, comme étant la source du mal, voilà qui ne va pas de soi. Et pourtant, ce que nous opérons là, c'est bel et bien un refus. Un "non" qui rompt la parfaite uniformité de la nature. Jamais, avant qu'un enfant d'homme ne se dresse contre la première injustice, un tel "non" n'avait retenti sur Terre. La gazelle qui fuit devant le lion, le chat qui se met à l'abri de la pluie, ne refusent rien, il ne profèrent pas de "non". Il n'y a pour les sujets de la nature qu'une seule partition, et chacun joue sa ligne. L'homme, lorsqu'il dit "non", écrit une nouvelle partition. Il réclame autre chose. Il crée un nouveau monde. Le sien. Et il y est libre, car rien d'autre que lui, dans la nature, n'aurait pu produire une telle rupture avec elle-même. Mais sa liberté se réduit, au fond, à peu de chose : soit être quelque chose, soit n'être rien. Vouloir être quelque chose, c'est actualiser la rupture avec la nature ― autrement dit, c'est se condamner à n'être rien, rien de réel, une simple illusion. Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Ce texte va droit dans le mille !
Et si la liberté totale avait consisté (et consiste encore) pour le Créateur (mettre le nom qui vous chante) à ne mettre aucune limite, aucune barrière. Dieu serait-il dieu s'il avait dit que ce n'est pas bien d'inventer des bactérie qui mangent le visage des enfants ? ben non, ce serait un demi-Dieu. Et cette liberté va jusqu'à créer des individus avec jugement qui iront trouver que non, ça ne va pas du tout ce type de bactérie, faut l'éliminer...et l'histoire vient d'être inventée pour remédier à quelque chose qui était parfait dès le départ. Non pas parfait dans le jugement qu'on a de la forme, mais dans le fond, la création dans tous ses états.
Je surprend toujours lorsqu'on me demande si j'ai trouvé l'Amour avec un grand A dans l'éveil ...NON, DIEU EST NEUTRE. La conscience Soi est neutre, point. Il n'est même pas question de pointer dans une direction plutôt qu'une autre, c'est la capacité de jugement qui va faire le reste et qui va donner une directive bien ou mal à telle ou tel ressenti. Ce n'est pas faux mais incorrect, incomplet. La dualité est là pour être réunie véritablement dans une parfaite harmonie...comment décider que la face A d'une médaille vaut mieux que la B ?...impossible...
C'est drôle mais c'est ce qui s'est révélé dans l'expérience de 2015, que Dieu (Le Un pour ceux qui préfèrent un truc plutôt métaphysique) ne pourra jamais être le résultat d'une séparation bien contre mal mais d'une réunion en voyant qu'ils sont la même chose dans le fond, de la création pure, mais en apparaissants avec des formes différentes et des résultats différents. Dans ma vie concrètement ça fait en sorte qu'il n'y a plus de bataille qui perdure, chaque chose a le droit d'être, c'est pacifié naturellement. Le blanc peut y être et le noir y sera aussi, l'un ou l'autre ou les deux en même temps. La différence et surtout la préférence pour l'un ou l'autre n'a plus le même impact qu'avant où je tentais désespérément de faire disparaitre le noir au profil du blanc. À mon sens, croire que Dieu c'est bien et pas noir c'est se gourer.
Telle a toujours été la grande liberté selon moi et ce texte me rejoint en ça tout à fait ! |
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marie
Inscrit le: 25 Mai 2011 Messages: 2098 Localisation: Bruxelles
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Posté le: Je 29 Nov 2018 16:52 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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Alain V a écrit: | marie a écrit: | joaquim a écrit: | Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Bonjour Joachim et à tous,
un monde de beauté, de justice et de bien c'est un bel idéal, mais comment incarner cela dans un monde polarisé des contraires? |
Quand on cesse de penser " absolu " on se rend compte que ce ne sont pas toujours de vains mots: oui il peut y avoir un progrès dans la justice et le bien. |
il y a des manifestations pour un monde juste et bon, actuellement, qu'en penses-tu? Quelle est l'attitude juste et bonne pour incarner le monde de monde de Dieu
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Kyrie eleison Invité
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Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 5925
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Posté le: Ve 30 Nov 2018 14:45 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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marie a écrit: | Alain V a écrit: | marie a écrit: | joaquim a écrit: | Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Bonjour Joachim et à tous,
un monde de beauté, de justice et de bien c'est un bel idéal, mais comment incarner cela dans un monde polarisé des contraires? |
Quand on cesse de penser " absolu " on se rend compte que ce ne sont pas toujours de vains mots: oui il peut y avoir un progrès dans la justice et le bien. |
il y a des manifestations pour un monde juste et bon, actuellement, qu'en penses-tu? Quelle est l'attitude juste et bonne pour incarner le monde de monde de Dieu
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Eh ben je ne cherche pas midi à quatorze heures ...
Beaucoup d' etres consacrent leur vie à améliorer la condition humaine ...Nelson Mandela, L' Abbé Pierre, Gandhi ...etc
ET d' autres, de façon plus modeste.
Enfin il y a ceux qui restent dans l' ombre mais sont actifs.
Et de façon plus générale, la gentillesse, le partage, l' entraide...etc
Toutes ces valeurs existent.
Malgré le fait que le monde soit à feu et à sang par ailleurs.
Je ne traverse pas la vie en me disant : c' est une illusion.
J'y suis : je participe ( à mon petit niveau ).
Je ne cherche pas l' absolu ( meme si je suis perfectionniste )
Je vis dans le monde du relatif et je crois a une amélioration possible
Chacun son truc, chacun son histoire |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5643 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 02 Déc 2018 20:29 Sujet du message: |
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Cricri a écrit: | Et si la liberté totale avait consisté (et consiste encore) pour le Créateur (mettre le nom qui vous chante) à ne mettre aucune limite, aucune barrière. Dieu serait-il dieu s'il avait dit que ce n'est pas bien d'inventer des bactérie qui mangent le visage des enfants ? ben non, ce serait un demi-Dieu. Et cette liberté va jusqu'à créer des individus avec jugement qui iront trouver que non, ça ne va pas du tout ce type de bactérie, faut l'éliminer...et l'histoire vient d'être inventée pour remédier à quelque chose qui était parfait dès le départ. Non pas parfait dans le jugement qu'on a de la forme, mais dans le fond, la création dans tous ses états. |
Oui, absolument. Le jugement prétend remédier à quelque chose qui était parfait avant qu'il ne s'en mêle. C'est son irruption dans la vie qui crée l'imperfection, et donc l'histoire. Une histoire qui vise une perfection future, inaccessible, sans voir que la perfection est déjà là, réalisée dans l'instant. Pourvu qu'on se défasse de ses propres jugements. On ne voit pas que le problème, c'est celui qui voit le problème. Et que la solution du problème, c'est de réaliser qu'on est autre chose ― plus, bien plus ― que celui qui voit le problème. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5643 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 02 Déc 2018 20:39 Sujet du message: Re: A propos de Dieu, et du mal |
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marie a écrit: | joaquim a écrit: | Accepter de n'être rien, voilà qui est plus intéressant : c'est accueillir en soi tout ce qui est, mais l'accueillir d'une manière nouvelle, c'est l'accueillir dans un monde nouveau, un monde construit par l'homme, un monde de beauté, de justice et de bien, Ce monde-là révèle Dieu, il révèle une qualité éminente de Dieu, qu'il ne pouvait pas exprimer tant qu'il était seul : le don de soi, la relation d'amour. |
Bonjour Joachim et à tous,
un monde de beauté, de justice et de bien c'est un bel idéal, mais comment incarner cela dans un monde polarisé des contraires? |
Il ne s'agit pas de l'incarner ― c'est-à-dire l'incarner à partir de notre idée préconçue de ce que serait l'idéal ― mais au contraire de nous débarrasser du jugement, y compris de celui de l'idéal. Voir que l'idéal, c'est accueillir ce qui est, tel qu'il est. Cela ne veut pas dire cautionner les injustices et les maladies ; mais ne pas créer, à partir de la révolte légitime contre elles, un monde parallèle, un monde projeté, qui lui, est seul le vrai problème, est la prison dans laquelle on s'enferme. Sortir de cette prison, c'est entrer dans la vraie vie, c'est courir le risque du mal ― sans le nommer ainsi ― c'est courir le risque de la maladie et de l'injustice, en sachant que ce n'est pas à cela que se mesure la plénitude de la vie, mais au risque que l'on prend à la vivre. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5643 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 02 Déc 2018 20:51 Sujet du message: |
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Alain V a écrit: | Et bien moi je suis totalement en accord avec le texte de Gide. Comme tous les grands penseurs et écrivains, c' est remarquablement " dit ", et ça va droit au but.
Il n' y a aucun Dieu dans la nature. Ce sont uniquement des forces qui s' équilibrent.
Le Dieu dont nous parlons " nous ", est intérieur.
Joaquim, tu dis :
"Gide ne voit pas dans la nature l'oeuvre d'un Dieu bon. Et de fait, on peut se demander si c'est vraiment un signe de bonté que d'avoir crée des micro-organismes qui mangent le visage des enfants, ou des guêpes dont les larves pondues dans le cerveau d'une araignée la dévorent vivante. Gide ne voit apparaître la vertu qu'avec l'être humain".
Bien sur que non, il n' y a aucun signe de bonté dans cette histoire de micro organismes ! Juste des etres qui s' entredévorent pour assurer leur survie.
La vertu n' apparait qu' avec l' etre humain.
Ceci pour le positif.
Car l' etre humain apporte aussi la destruction.
Je reviendrai par la suite sur le reste de ton texte. |
Mais alors, cette vertu dont parle Gide, et que l'homme incarne dans le monde, est-elle issue de la nature, oui ou non ? Si oui, alors d'où tire-t-elle sa légitimité à juger la nature ? Et si non, alors d'où vient-elle ? |
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