Regards sur l'éveil
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Sa 13 Juil 2019 16:40 Sujet du message: L'Ego, sa dissolution et les enthéogènes. |
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L’Ego et sa dissolution
Quelques personnes sur ce forum font référence à l’ego, ainsi qu’à la possibilité de le dissoudre, voire de l’éliminer.
Un peu de sémantique : ΕΓΩ en grec, et EGO en latin, signifient tout deux indistinctement JE et MOI.
Dans le langage familier, on parle souvent d’égo pour désigner toute estime de soi excessive.
Beaucoup emploient ce sens, bien souvent, dès que quelqu’un leur tient tête et ne souscrit pas à leurs idées, dispose de connaissances qu’ils n’ont pas , ou qu’il fait preuve de caractère.
Mais qu’est-ce au juste que cet Ego, et qu’est-ce qu’il peut avoir à voir avec l’usage des enthéogènes ?
Qu'est-ce qu'un enthéogène ? : Un enthéogène est une substance psychotrope induisant un état modifié de conscience utilisée à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques.
Nous allons essayer de répondre à ces questions, le plus complètement possible; ce travail ne pourra forcément être que partiel. En effet un très grand nombre de livres ont étés écrits sur le sujet. De plus, internet regorge d’articles.
Voyons ce qu’en disent les psychanalystes :
Sigmund Freud
Sigmund Freud considère que l’égo va au-delà du sens de soi-même pour se convertir en un système de fonctions psychiques de défense, de fonctionnement intellectuel, de synthèse de l’information et de mémoire, parmi d’autres. Le Moi est la première démarche de la propre reconnaissance pour expérimenter la joie, la punition ou la culpabilité.
Anna Freud
Anna Freud quant à elle, a fait de l’ego le centre de la réalité du sujet.
Carl Gustav Jung
Pour Carl Gustav Jung, notre réalité intérieure, dans son optique, s’organise autour de quatre éléments : l’ego, la persona, le soi et l’ombre. L’ego, centre de la conscience, des sensations, des émotions, me permet de me sentir moi à toute heure du jour et de la nuit. La persona (mot latin signifiant « masque ») est la personnalité sociale que chacun endosse pour s’adapter aux attentes des autres et se faire accepter. Le soi fait de nous une totalité corps-esprit : un être humain. Enfin, il y a l’ombre, qui « comprend tous les aspects de notre personnalité que nous ne reconnaissons pas comme nôtres, car inacceptables au regard de l’image que nous voudrions avoir de nous-même et donner à autrui.
Selon Jung, le but d’une vie est de passer de l’ego, notre petite personne, au grand soi grâce au « processus d’individuation ». Il s’agit d’un cheminement intérieur par lequel nous allons tenter de devenir le plus conscient possible, afin de nous « auto-engendrer » en tant qu’individu particulier, homme parmi les hommes, mais unique. Une seconde naissance, en quelque sorte.
Pour Jung, l’enjeu est d’importance. Car « devenir conscient de son soi, c’est permettre à l’univers de devenir conscient de lui-même.
Devenir conscient de l’univers, c’est permettre à sa conscience elle-même de devenir Soi.
En 1900, le jeune psychiatre Carl Gustav Jung (26 juillet 1875 - 6 juin 1961) entre au Bürgholzli, hôpital psychiatrique de Zurich, en Suisse. Six ans plus tard, il se passionne pour les idées de Freud, avec qui il entretiendra une correspondance comptant trois cent quatre-vingts lettres. Jung s’efforce de vérifier les intuitions théoriques du maître, en qui il voit un père – dix-neuf ans les séparent. En 1908, Freud propose de faire de Jung son héritier, son « dauphin ». L’idylle se termine en 1911, car Jung s’éloigne de son interprétation des rêves (le rêve comme réalisation d’un désir sexuel inconscient) pour se plonger dans les mythes, l’histoire des civilisations, la spiritualité. Pour lui, la sexualité n’est pas le moteur de la vie psychique. En 1914, c’est la brouille définitive, Jung quittera la présidence de l’Association psychanalytique internationale, où Freud l’avait installé. Il deviendra l’inventeur de la « psychologie analytique ». Toutefois, la psychanalyse freudienne lui doit son principe de base : l’idée que tout psychanalyste doit en passer par une longue analyse personnelle pour pouvoir exercer.
Heinz Hartmann
Ensuite, en 1937 sous l’impulsion de Heinz Hartmann un nouveau courant de pensée voit le jour : L’Ego-Psychologie. Heinz Hartmann en fit un exposé à la Société psychanalytique de Vienne. Ce concept a fait l'objet de controverses parmi les psychanalystes. Ces idées furent très vite adoptées aux États-Unis alors qu'il faut attendre les années 1950 pour qu'elles trouvent un écho en Europe.
La théorie de Heinz Hartmann prend appui sur la distinction qui, proposée par Freud au début des années 1920 pour rendre compte des conflits intrapsychiques, oppose au ça, système inconscient des exigences pulsionnelles, et au surmoi, système des exigences normatives également inconscientes, le moi, système de choix et de rejet par lequel le sujet se reconnaît comme une individualité cohérente et autonome, ayant pour double tâche de s'adapter aux exigences de la réalité extérieure et de maîtriser les conflits internes.
L’Ego-Psychologie assimile aux fonctions du moi ainsi définies les fonctions psychologiques de l'intelligence, du langage et, plus généralement, toutes les fonctions que la psychologie générale traditionnelle range dans le cadre des activités cognitives et adaptatives.
Parmi les conséquences théoriques d'une telle généralisation on peut noter : l'importance accordée aux tâches d'adaptation à la réalité, l'hypothèse d'un moi relativement indépendant des conflits psychiques internes (zone non conflictuelle du moi) ; l'intérêt pour l'étude du développement d'une organisation aussi complexe (importance du point de vue dit génétique). Parmi les incidences de cette conception sur la technique de la cure, il faut souligner l'importance accordée à l'analyse des systèmes défensifs (vis-à-vis des pulsions) et adaptatifs (vis-à-vis de la réalité).
En psychanalyse moderne : Le mot ego désigne la part de la personnalité chargée d'équilibrer les différentes forces auxquelles est confronté le psychisme de l'individu. Ces forces incluent ses pulsions profondes, sa morale personnelle (comprise dans le surmoi) et la réalité du monde extérieur tel qu'il le perçoit .
Voyons maintenant ce qu’en disent les spiritualistes :
L’ego serait une représentation fausse qu’un individu se ferait de lui-même et ferait écran à sa vraie nature. Certains auteurs parlent de l’ego comme d’une fausse personnalité constituée de souvenirs et d’expériences, qui diffère de la personnalité originale de tout être humain, un produit de sa naissance et de son héritage génétique. Cette confusion produirait une illusion qui prive ceux qui en sont prisonniers, d’une vraie liberté et les enchaînerait à des schémas de souffrance (ego central, orgueil, amour-propre, perceptions erronées du monde …). Une personne libérée de son ego connaîtrait l’éveil spirituel.
Selon le bouddhisme : Le bouddhisme perçoit l’ego comme une construction mentale ne correspondant à aucune réalité tangible. Il s’interroge : «OÙ L’EGO PEUT-IL ÊTRE SITUÉ? DANS LES BRAS, LES JAMBES?» L’objectif – selon le bouddhisme – est de réaliser qu’il n’est ni dans le corps ni dans l’esprit.
Matthieu Ricard
Avis d’un docteur en biologie moléculaire (institut Pasteur) converti au bouddhisme : Le docteur Matthieu Ricard parle de la confusion mentale comme le voile qui empêche de percevoir clairement la réalité – et obscurcit la compréhension de la nature véritable des choses. Sur le plan pratique, c’est l’incapacité de discerner les comportements qui permettent de trouver le bonheur et d’éviter la souffrance. La plus perturbatrice des confusions est celle qui consiste à s’attacher à la notion d’une identité personnelle : l’ego. Le bouddhisme distingue un JE instinctif inné – lorsqu’on pense par exemple J’AI FROID ou JE ME RÉVEILLE – du moi conceptuel de l’ego formé par la force de l’habitude que l’on se représente comme le noyau de notre être.
Han de Wit
Selon le philosophe bouddhiste Han de Wit : L’ego est une réaction affective à notre champ d’expérience. Un mouvement de recul, basé sur la peur. Cette peur nous fait nous retrancher dans une bulle pour nous protéger. L’ego est le résultat d’une activité mentale qui crée et «MAINTIENT EN VIE» une entité imaginaire dans notre esprit.
Deepak Chopra
De l’avis du Docteur Deepak Chopra : auteur de plusieurs livres sur l’être humain et ses possibilités, élève de Maharishi Mahesh Yogi, nous serions confrontés à deux réalités distinctes, à deux étiquettes opposées.
Qui sommes-nous ?
• un corps matériel, un MOI PERSONNEL et EXTÉRIEUR, confronté aux objets et aux autres, et qui a besoin d’approbation. C’est le petit moi, ou l’ego, dont il faut prendre soin, qui a besoin de s’épanouir. Nous avons la responsabilité de l’aider à se développer, mais il nous faut éviter de tomber dans le nombrilisme;
• le grand SOI, le MOI intérieur et impersonnel, qui provient de l’esprit, qui est immatériel et invisible;
Il n’est pas toujours facile et simple de gérer ces deux réalités qui semblent tellement opposées l’une à l’autre. En résumé, nous serions faits d’une référence au SOI, en tant qu’esprit, et d’une référence à l’objet – des objets extérieurs qui nous influencent et qui nous font demander l’approbation des autres. De plus, nos concepts FIGENT les choses en entités artificielles et nous font perdre la liberté intérieure, comme l’eau perd sa fluidité lorsqu’elle se transforme en glace.
Observons maintenant ce qu’en disent les philosophes :
Jean Paul Sartre
Jean Paul Sartre, dans L’Être et le Néant se livre à une analyse du regard de l’Autre sur moi, très opportune ici : il décrit le serveur de café injustement réduit à sa fonction de serveur, comme si son métier constituait son essence, sa nature : il est un serveur ; réduit à la fonction que mon ego attend qu’il occupe pour me servir. Cela, au détriment de tout ce que ce serveur est d’autre. Autrui, les autres, en tant que témoins de ma présence, de mes actes ou paroles, me dépouillent de « ma transcendance ». Ils ne permettent pas, pensent-ils, de leur échapper ; parce qu’ils me limitent à ce que leur ego leur fait voir de moi.
Sartre nous invite ici à dépasser une analyse simplement psychologique du regard et du rôle que l’ego joue dans notre représentation de la réalité. Il s’agit d’approfondir ce fossé ou cet écart qui se creuse entre le « sujet » et « l’objet ». Est-ce dramatique, un manqué impossible à réparer ? Ou un faux problème, une illusion ?... Le vécu des Hommes leur ferait volontiers assimiler l’ego à une souffrance. Il ne refléterait pas qui ils sont, ce qu’ils sont et pensent. Comme un masque social, culturel, qu’il leur serait impossible de retirer. La société consumériste constitue à cet égard un éloge de l’ego, qu’on veut nous faire prendre pour notre véritable identité… : l’avoir, la possession. Ces appétits de l’ego le font s’engager dans toutes sortes de lutte pour obtenir ce qui lui est agréable et éviter ce qui lui est désagréable.
Friedrich Nietzsche
Friedrich Nietzsche : Aurore ( p.84 paragraphe 105 gallimard collection ) : «La plupart des gens, quoi qu'ils puissent penser et dire de leur "égoïsme", ne font malgré tout, leur vie durant, rien pour leur égo et tout pour le fantôme d'égo qui s'est formé d'eux dans l'esprit de leur entourage qui le leur a ensuite communiqué. En conséquence, ils vivent tous dans un brouillard d'opinions impersonnelles ou à demi personnelles et d'appréciations de valeur arbitraires et pour ainsi dire poétiques, toujours l'un dans l'esprit de l'autre qui, à son tour, vit dans d'autres esprits : étrange monde de fantasmes qui sait pourtant se donner une apparence si objective ! Ce brouillard d'opinions et d'habitudes s’accroît et vit presque indépendamment des hommes qu'il recouvre ; de lui dépend la prodigieuse influence des jugements généraux sur "l'homme" - tous ces hommes qui ne se connaissent pas eux-mêmes croient à cette abstraction exsangue, "l'homme'; c'est-à-dire à une fiction ; et tout changement que les jugements d'individus puissants (tels les princes et les philosophes) entreprennent d'apporter a cette abstraction exerce une influence extraordinaire et d'une ampleur irrationnelle sur la grande majorité, - tout cela pour la raison que chaque individu dans cette majorité, ne peut opposer aucun égo véritable qui lui soit accessible et qu'il ait approfondi lui-même, à la pale fiction générale qu'il détruirait de ce fait.»
Emmanuel Kant
Emmanuel Kant : dit dans « anthropologie du point de vue pragmatique », - posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur terre. Par-là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ; et ceci même lorsqu’il ne peut pas dire Je, car il l’a dans sa pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu’elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l’expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l’entendement.
Et plus loin, - Le "Je" et la conscience de soi il dit qu’il faut remarquer que l’enfant, qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu’assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.) ; et il semble pour lui qu’une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l’autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense.
Eugène Labiche
Jean-Luc Berlet
Et ce qu’en dit un dramaturge, Eugène Labiche, suivi d’une partie d’un commentaire de Jean-Luc Berlet :
« Un égoïste est incapable d’aimer un ami. Mais il ne peut pas se passer d’amis : il ne s’aimerait jamais assez à lui tout seul. »
Cette citation humoristique de Labiche résume à elle seule la place paradoxale de l’ego dans la société. Labiche rejoint d’ailleurs sur le mode comique le point de vue du très sérieux Kant évoquant l’insociable sociabilité de l’homme. En fait, tout se passe comme si l’ego était à la fois ce qui éloigne l’individu de la vie sociale tout en l’en rapprochant. En d’autres termes, ce n’est pas par amour de son prochain, mais pas besoin d’être aimé par lui que l’égoïste a besoin de la société. Du coup, toute société humaine semble très bien s’accommoder d’un certain degré d’égoïsme chez les individus qui la composent. C’est la théorie bien connue d’Adam Smith selon laquelle la poursuite des intérêts particuliers permet à une société d’être viable comme si « une main invisible » veillait à rectifier les déséquilibres. Malheureusement, le célèbre économiste anglais à l’origine du capitalisme n’avait pas prévu que sa main invisible pourrait s’avérer « baladeuse » et qu’elle aurait ainsi une fâcheuse tendance au favoritisme !
Le fait est que dans la société moderne caractérisée par le triomphe de l’individualisme, la place de l’ego devient de plus en plus encombrante. Certes, l’égoïsme n’est pas une invention moderne et s’il n’est pas forcément inscrit dans la nature humaine depuis l’origine, il doit probablement découler d’une inflation de l’instinct de conservation liée aux conditions de survie très difficiles aux temps préhistoriques. Comme le dit Rousseau dans le discours sur l’inégalité, l’égoïsme remonte au temps lointain où un homme a mis une clôture autour d’un terrain en affirmant qu’il était à lui seul. C’est d’ailleurs avec beaucoup de subtilité que Rousseau prend soin de distinguer l’amour de soi de l’amour-propre, le premier étant bénéfique à la société et le second nuisible. L’amour ou l’estime de soi pousse l’individu à se rendre digne d’être aimé, d’où ses efforts sincères pour contribuer au développement de la société. Au contraire, l’amour-propre n’étant que vanité et recherche d’honneurs a tendance à privilégier chez l’individu l’artifice au détriment de l’authenticité, ce qui contribue à miner la société. Ainsi pour Rousseau, le contrat social qu’il propose dans son ouvrage éponyme passe par un sacrifice de l’ego individuel sur l’autel de la volonté générale.
Pour en arriver aux psychédéliques, et à ce qu’ils peuvent nous apprendre sur l’Ego :
Selon ce qui ressort de ce que nous avons pu lire plus haut, notamment ce qu’en dit Jung, qui semble définir bien plus clairement que tous les autres ce qu’est l’Ego, notions d’ailleurs corroborées par la quasi-totalité des avis sur le sujet, c’est qu’il existe une relation de dualité entre le moi et le soi, comme le début et la fin, ou encore l’α (alpha) et l’ω (oméga), la conscience et la subconscience.
Il sera évité ici, autant que possible l’aspect ésotérique de cette dualité Moi/Soi, qui pourrait sans doute remplir plusieurs volumes. Contentons-nous, par nécessité de temps de l'aspect exotérique.
La prise de psychédéliques, notamment la psilocybine, la mescaline, le dmt et le lsd, pour les plus communs, est potentiellement capable d’avoir une influence sur l’Ego. Ces substances nous le savons, ont la capacité de le dissoudre.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce dangereux ? Que se produit-il ? Est-ce temporaire ou permanent ? Est-ce une expérience intéressante ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ?
Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre :
Dissolution de l’égo, ça veut dire quoi ? : La prise de psychédélique, dans des quantités allant du seuil de déclenchement des effets au commencement de la dissolution sont habituellement des doses raisonnables, dont les fourchettes sont généralement connues. Je situe le seuil de perte de l’ego vers 300µg, mais ce dosage nécessite un rodage, qui doit s’opérer sur une certaine longueur de temps. Il peut varier en fonction des individus, et de leur connaissance du produit.
Par exemple pour le LSD :
- De 50 à 100µg vous ferez l'expérience d'une amélioration des couleurs et des sons et d'un changement général de conscience. Grosses crises de rire, à ce dosage c’est de l’amusement… Le risque est très limité à ce dosage, cependant, certaines personnes fragiles peuvent y laisser quelques plumes.
- De 150 à 200µg les effets visuels peuvent être forts avec cette dose et vous pourriez avoir des problèmes de communication avec les autres si vous êtes sensible. Des déformations visuelles et auditives se multiplient. Les fractales peuvent commencer à faire leur apparitions si vous fermez les yeux.
- De 300 à 400µg vous aurez un voyage très fort, si vous n'avez pas de tolérance, restez dans un endroit sûr et préparez-vous à plonger dans vos pensées. C’est là le commencement de la perte de l’égo, et le début des fractales immergeantes , le trip est assez intense, ne prévoyez plus de bouger dans la montée, et éviter de le faire, du début du plateau, jusqu’à stabilisation. Vous pouvez à ce dosage être confronté au début de la perte d’ego. La musique et les sons peuvent commencer à devenir visibles. Vous pourrez peut-être percevoir les pensées des personnes qui vous accompagnent.
- De 400 à 600µg eh bien, si vous prenez une telle dose, je suppose que vous savez vraiment ce que vous faites , vous commencez à vivre l’absorption de l’égo par le soi, qui commence à se manifester. Vous n’existez plus en tant qu’individu, mais vous avez encore conscience d’exister en tant qu’être. Il est possible que vous viviez des expériences mystiques intenses, notamment si vos yeux sont fermés. Vous pouvez vous retrouver dans un monde nouveau, qui peut-être très curieux, et ou les lois communes de la physique ne s’appliquent plus. Il est possible que vous ayez l’impression de tomber en montant, de voler, de flotter, de nager dans de l’eau en respirant sans difficultés, de respirer la lumière, ou de voir à travers vos paupières. Il est possible à ce dosage que vous rencontriez des êtres improbables et curieux, ou que vous entendiez dans votre tête quelqu’un vous parler.
- De 600µg à 1000µg à ce dosage tout peut se produire, l’égo n’existe plus, le soi commence à se dissoudre dans l’universel. Vous pourrez sans doute avoir l’impression de devenir microscopique, de voir des molécules ou des atomes, d’entrer dans la matière, puis de devenir espace et de vous voir aussi grand que les étoiles ou les galaxies, puis de redevenir petit, puis grand, comme si votre âme respirait l’univers. A ce stade il est possible que vous ne vous rappeliez même plus votre nom. Vous pourriez également voir des êtres de lumières, et converser mentalement avec eux. Généralement, l’expérience est extrêmement instructive… Vous devenez l’alpha et l’oméga, hors du temps, qui n’a plus d’importance, vous êtes : Tout, en toutes choses, universel.
Personnellement je n’ai jamais dépassé ce dosage, je m’abstiendrai donc de bâtir des hypothèses sur ce qu’il peut se passer au-delà. Quoi qu’il en soit, un conseil précieux : Conservez toujours dans un coin de votre conscience le fait que vous avez pris un produit psychédélique, et tout ce que vous voyez, ressentez ou vivez est dû à ce produit. C’est extrêmement important !
Est-ce dangereux ? :
Oui cela est dangereux. On ne rentre pas au débotté dans un trip qui dépasse la première fourchette (50 à 100µg), sans guide et sans préparation. L’environnement est extrêmement important ! Plus vous montez dans les dosages, plus il est nécessaire de prévoir un environnement sûr, sans contrainte, et d’avoir du temps devant soi. Prévoyez tout ce dont vous pouvez avoir besoin pour être confortable, éviter soigneusement d’être engoncé dans des vêtements contraignants, un jogging fait parfaitement l’affaire, une simple ceinture ou un jean trop serré peut vous ennuyer sérieusement. Évitez toute source d’emmerde. Ne tripez qu’avec des gens sûrs, et fiables. La lumière et une chaleur douce peuvent-être une source de réconfort si à moment donné vous n’êtes pas trop bien. La musique est importante aussi. Et elle doit plaire à tout le monde. Chacun doit autant que possible veiller au bien-être des autres et de soi-même. Cette attitude positive peut éviter bien des bad-trips.
L’expérience de Fabienne :
Béatrice Mabilon-Bonfils
(Fliege Fred , Entre fusion imaginaire et dépersonnalisation Approche psychoclinique, in Béatrice Mabilon-Bonfils :
La fête techno, Autrement « Mutations », 2004 p. 131-139.) :
Fille unique, étudiante en droit, Fabienne, 28 ans, déclare avoir consommé, dans le cadre des rave-parties, du haschisch, de l’ecstasy, et des drogues hallucinogènes, notamment du LSD et des champignons psilocybes.
- C’était dans un hangar. Un mec m’a offert un acide, au bout d’une demi-heure, ça partait à fond. Les corps et les visages des autres devenaient comme élastiques. J’avais la sensation de me décomposer, mes jambes se rallongeaient, puis se raccourcissaient. Je suis sortie.
J’ai vu une fille que j’avais déjà vue quelque part. J’essayais de lui parler de mon malaise. Elle s’en foutait, comme si je la dérangeais. Alors, j’ai flippé. Elle me disait d’arrêter d’en parler. J’aurais voulu rencontrer un peu de complicité, mais elle me rejetait. Je voulais rester près d’elle, à l’extérieur, mais elle m’a dit de rentrer. L’idée de rentrer à l’intérieur me faisait flipper. Elle m’a dit sur un ton cassant de venir avec elle. Je pouvais pas non plus rester seule dehors, j’aurais craqué. Je suis rentrée à contrecœur. Et là, quand j’ai vu ces regards bizarres, j’ai eu une angoisse comme jamais. Je sentais qu’on était tous pareils. J’avais l’impression qu’ils étaient tous fous, et je savais ce qui se passait dans leurs têtes. Je n’étais plus moi-même, je sentais plus mon corps, puis, ces pensées sont arrivées, les pensées du flash. Impossible de les arrêter. C’étaient pas mes pensées à moi. Et ça s’est plus jamais arrêté depuis, ces pensées-là, ça s’arrête à aucun moment.
Que se produit-il ? :
Contrairement aux idées actuelles, purement sociétales, qui semblent vouloir niveler les êtres humains au nom de la sacro-sainte ‘égalité’, il est bien évident qu’égaux, si nous le sommes en droits (et encore…) ou en devoirs, nous ne le sommes pas face aux psychédéliques !
Pourquoi ? Car la vie elle même ne fait pas de nous des êtres égaux, hormis concernant deux faits : Nous naissons et nous mourrons, en cela l’égalité est stricte.
L’expérience vécue tout au long de notre vie à partir de notre naissance, fait que la perception que l’on peut avoir des traumatismes, des chances, des accidents, des ruptures, des bonheurs, de l’amour, de la spiritualité, des combats gagnés ou perdus… etc, est différente pour chacun d’entre-nous, et modifie profondément ce que nous sommes. Par conséquent, le ressenti d’une expérience nouvelle quelle qu'elle soit le sera également.
Nos névroses conscientes et inconscientes sont autant d’obstacles à un bon ‘voyage’, qu’elles risquent plus ou moins inconsciemment d’entraver, voire de dramatiser.
Soyez honnêtes envers-vous, reconnaissez la part d’ombre enfouie en vous, mais évitez de lui donner une importance qu’elle n’a pas à avoir. Nous avons tous cette part d’ombre, sa connaissance est le début de sa destruction.
Suivant le vécu, la dissolution du Moi, peut-être extrêmement déroutante, voire traumatisante, si l’on y est pas préparé. D’où l’importance d’adapter des dosages progressifs, quelques-fois sur plusieurs années, voire décennies.
A noter toutefois, qu’il est possible d’atteindre cette même dissolution sans psychédélique, par la méditation :
Cet extrait clinique est emprunté à Gilles Roghe. Gilles Roghe, Le corps inachevé, Revue Française de psychanalyse, La dépersonnalisation, Octobre 2013, Tome LXXVII-4, PUF.
C'était lors d'une retraite de méditation de dix jours, dans le courant du Theravada. Theravada signifie " la doctrine des anciens " et désigne l'école orthodoxe, monastique et centrée sur une pratique assidue de la méditation. On y pratique la méditation assise dite Vipassana qui signifie " vision profonde ", pendant treize heures par jour, sans parler, sans lecture, sans musique. L'emploi du temps est strict et répétitif : lever tôt, alternance de séances de méditation assise d'une heure et pauses courtes ou longues. Le propos est d'élaguer toutes les distractions habituelles pour maintenir l'attention orientée vers les sensations présentes, en laissant de côté l'imaginaire et les commentaires. Très vite ce fut difficile. Mon corps se révoltait contre la station assise prolongée. Les genoux, le dos ne cessaient de se plaindre. Le plus dur était de tenter de conserver une relative immobilité de la posture et simplement observer les sensations, agréables, désagréables ou neutres. Je m'aperçus rapidement que les sensations neutres provoquaient l'ennui et la fuite dans l'imaginaire, que je cherchais à éteindre et fuir les douloureuses pour attendre après les agréables. Impossible de conserver une attention stable, continue et équanime. Mon attention me semblait comme autonome et hors de ma sphère de contrôle, tout comme mon corps d’ailleurs qui refusait de se plier à cette discipline que mon idéal lui imposait. Après environ trois ou quatre jours de ce qui était devenu une sorte de combat pour rester attentif, avec des moments de découragement, d'accalmie et de lutte acharnée, d'instant en instant, il s'est passé quelque chose. Ça a commencé lors d'une séance de méditation assise. A force de lutter pour contrôler mon attention et la ramener inlassablement et laborieusement au corps, j'ai commencé à éprouver une grande lassitude face à cette impuissance contre laquelle je ne cessais de me heurter. J'eus la brève sensation que, finalement, ce corps qui pratiquait, ressentait, souffrait, se reposait, n'était pas vraiment moi. Mais d'un autre côté, je ne pouvais encore moins m'identifier à cet esprit, à cette attention volatile, ou à cette volonté poussive et si vite essoufflée. Il s'en est suivi une sorte d'abandon, ou plutôt une reddition, comme si le moi déposait les armes et cessait un peu de lutter pour tenter de s'approprier ce qui se vivait, s'expérimentait. A la pause, je suis allé m’asseoir dehors, sur un banc. Et tout à coup, ça m'est tombé dessus, comme une bulle qui éclate : si je n'étais pas ce corps, si je n'étais pas ce psychisme, cette volonté, cette conscience, alors qui étais-je ? Ou plutôt, où pouvait bien être ce je ? A cet instant la question " qui ? " m'occupait toute entière. Mais pas comme une idée, comme un état. J'étais comme exilé de ce que j'avais toujours plus ou moins perçu comme moi. Ou plutôt c'était comme si le moi s'était dissout, laissant la place à cet état interrogatif, ce centre vide et questionnant. Les premiers instants je fus comme paralysé. Dès que je percevais l'intention, par exemple, de bouger le bras, de me lever du banc, la question " qui ? " (qui bouge ? Qui se lève ?) était si forte qu'elle inhibait toute action. Si une pensée s'élevait le " qui ? " la vidait de sa force et de son intérêt. Je suis resté là, sur ce banc, à laisser cet état se diffuser. Comme j'étais entraîner à observer sans saisir il me semblait qu'une instance continuait d'observer ce qui se passait mais ce qui se passait ne m'appartenait plus. C'était une sorte d'état sans Je. Il y avait la perception mais personne pour se l'approprier. Progressivement le questionnement " qui ? " devint moins intense et laissa la place à une sensation plus diffuse qui venait nimber tout ce qui était perçu, senti, vu, pensé, d'une sorte de voile brillant de singularité interrogative. Comme si je voyais les couleurs pour la première fois. Et simultanément tout était comme un film dont j'étais le spectateur, mais un spectateur témoin, à la fois très intéressé, curieux, mais pas intimement concerné par toute cette mise en scène. Cet état demeura toute la journée, comme une brume. Après la nuit, j'étais revenu à la sensation d'être moi. Mais plus jamais elle n'eut le même caractère de certitude. Le moi était comme définitivement frappé d'un sentiment de doute et,finalement, d'incertitude. Étrangement ce moment de vacance de moi-même m’apparaît, encore aujourd'hui, des années après, comme une expérience centrale de ma vie. Nous retrouvons bien dans ce fragment clinique les éléments constitutifs de la dépersonnalisation et le sentiment d'avoir vécu une expérience des plus intime et des plus centrale. La notion de vide et d’absence que nous aborderons plus loin est bien présente. Le thérapeute note que : ...la spécificité et l'intelligence de l’entraînement bouddhiste vient atténuer le risque de dislocation par le mise en place de contenants qui viennent border et jalonner l'expérience.
Ce n’est pas un trip report, mais cela pourrait l’être. N’est-ce pas ?
Est-ce temporaire ou permanent ?
C’est temporaire, bien sur, mais dès la première prise à des dosages de 1er niveau (50-100µg), vous devriez déjà prendre conscience que vous n’êtes plus pareil qu’avant. En effet vous êtes réellement différents. Après la première expérience sous acide on se rends compte qu’il y a un décalage entre les gens et nous. Pour ma part, j’ai toujours pensé que j’avais eu beaucoup de chance de vivre cette expérience, lors de ma première prise. Cela constitue un bagage, que peu de personnes ont la possibilité d’intégrer.
La dissolution de l’égo Il y a l’avant et l’après, et l’après nous apprends à être positif, humble, efficace, serviable avec nos amis et notre famille, aimant, courageux, fier et heureux d’être, et dépouillé de tout caractère envieux ou jaloux. Cela facilite beaucoup la vie. De plus, il semblerait que nous puissions bénéficier d’une protection efficace ainsi que d’une aide continuelle contre les malheurs de la vie. Et ces aspects eux sont aussi permanents qu’une victoire à l’issue d’un combat.
Toutefois, si cela ne nous est pas dû, ou si nous tripons pour de mauvaises raisons, dans de mauvaises conditions, sans être préparé ou suffisamment renseigné, ni suffisamment mûr, il risque de nous arriver certains soucis (sic report de Fabienne plus haut), qui eux aussi peuvent êtres permanents. Mais ils le sont très rarement. Quoi qu’il en soit, il est inutile de détester l’état psychotique dans lequel on se retrouve, il convient de l’accepter comme une leçon de vie, et peut-être même de l’aimer ; en y arrivant, le problème finira par se résoudre de lui-même.
Est-ce une expérience intéressante ? :
Pour ma part, vous l’aurez compris la réponse est oui à 100 %. Clairement, le risque de bad trip fait flipper tout le monde, même les plus courageux et à juste raison. Au cours de mes expériences j’ai vécu quelques débuts de bad, vites réprimés et un seul gros bad, la dose était de 250µg (un panoramix à l’époque, fin 1996) pris dans de mauvaises conditions et avec la mauvaise personne. Il m’a rendu bien malade pendant deux jours. Il m’a fallu une semaine pour m’en remettre. Cependant, je n’ai jamais tant appris sur moi-même (prise de conscience de ma part d’ombre) ! J’y pense encore dès fois, mais je ne referai pas les même erreurs.
De tout ce qui précède, vous pouvez tirer facilement une synthèse, qui vous indiquera si vous êtes fait pour ça : Suivez votre cœur, c’est un bon guide !
Quels en sont les avantages et les inconvénients ?
Les avantages peuvent être multiples :
Tout d’abord, l’aspect initiatique de l’expérience, que l’on pourrait qualifier de baptême par le feu.
Luc 3-16 : Alors il leur dit: «Moi, je vous baptise d'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de détacher la courroie de ses sandales. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu.
A mon sens il est possible d’ interpréter ce verset de la façon suivante :
Le Moi, vous baptise par l’eau (l’amour), mais il en viendra un bien plus puissant, le Soi, qui vous baptisera en vous permettant d’avoir un esprit saint (dépouillé de ses défauts) par le feu (substance psychédélique).
Cela ne serait aucunement étonnant au vu des traditions initiatiques antiques :
En Grèce :
Les Éleusinies
Lors des cérémonies effectuée au cours des éleusinies (mystères d’Éleusis), les récipiendaires recevaient l’initiation en buvant du kykéon, boisson inconnue jusqu’à ce jour, préparée à priori sur la base d’une céréale (seigle à ergot?), de miel, et peut-être de pavot.
En Amérique du sud :
Teonanacatl
Dans un document de médecine aztèque, il est question de trois sortes de champignons intoxicants. L'un d'eux, le teyhuintli, provoque une «folie qui peut parfois perdurer et dont le symptôme le plus important est un rire incontrôlable; il existe d'autres champignons qui provoquent toutes sortes de visions: visions de guerres ou de démons, par exemple. Toutefois, d'autres champignons n'en sont pas moins désirés par les princes pour accompagner leurs festivités et leurs banquets et ces champignons atteignent un prix élevé. On les cherche pendant de longues nuits terrifiantes et impressionnantes.».
L'opposition des Espagnols au culte païen des Aztèques et à leur adoration du champignon sacré a été très dure. Même si les conquérants du Mexique abhorraient l'usage de tous les hallucinogènes à des fins religieuses - peyotl, ololiuqui, toloache et autres - et menaient un combat terrible contre cette coutume, c'est au teonanacatl qu'ils en voulaient le plus.
A cause de leur fanatisme religieux, leur attention était particulièrement attirée par cette forme de vie végétative décriée et crainte à cause de son pouvoir de provoquer des hallucinations, de tenir les Amérindiens en haleine, de leur permettre de communiquer directement avec les dieux.
Nous connaissons également les Yuruparis de l'Amazonie colombienne avec l’ayahuasca ou yagé, qui est une préparation fournissant à ses utilisateurs des hallucinations visuelles, celles-ci considérées comme un voile que le chaman doit lever lors de cérémonie. À base de lianes, prise sous forme de breuvage, elle est consommée traditionnellement par les chamans des tribus amérindiennes d'Amazonie qui l'utilisent pour ses capacités curatives conformément aux croyances et pratiques locales.
Par extension, ayahuasca est le nom donné aux lianes du genre Banisteriopsis dont l'écorce sert principalement à la composition de cette boisson.
L’ayahuasca s’absorbe la nuit au cours d’une cérémonie qui dure environ six à sept heures, guidée par des chamans qui vont en réguler les effets, ainsi que l’énergie des individus et du groupe, par leur présence, leurs chants et différents rituels.
Voici quelques-uns des effets de cette plante prise dans le contexte d’un traitement chamanique :
• Elle déclenche des réactions physiologiques telles que nausées et vomissements. C’est un processus de purification imposé par le produit. Quand la personne est suffisamment purifiée ce type d’effet désagréable cesse de lui-même.
• Elle met la personne dans un état modifié de conscience : la conscience est élargie et, à partir de là, les ressentis corporels, émotionnels ou imaginaires sont amplifiés.
• Elle peut provoquer des visions et des hallucinations.
• Certains scientifiques émettent l’hypothèse qu’elle réveille les mémoires inscrites dans l’organisme, et plus particulièrement dans l’ADN.
• Elle permet de « voir », de conscientiser, de revivre des éléments de l’histoire personnelle et familiale, mais aussi de l’histoire de la genèse de l’humanité. Certains l’appellent la plante qui psychanalyse.
En inde :
Soma
C’est dans des hymnes dont ceux du Rig-Veda, que l’on mentionne le soma. Boisson sacrée des mythes de l’hindouisme, dont même les Devas, les dieux subissent les effets, elle possède entre autre un pouvoir enivrant supérieur à l’alcool que l’on trouve sur Terre. Elle est personnifiée par le dieu Soma, qui dans l’hindouisme moderne devint dieu de la Lune.
Cependant l’ivresse que le soma procure n’est pas son pouvoir principal. Il agit avant tout sur l’esprit, excitant la pensée, favorisant les idées et l’inspiration, entre autre pour la poésie. Il fortifie les états d’esprits, redonnant courage aux guerriers et motivation. De plus il agit également sur la santé, guérissant les maladies et donnant plus de vigueur sexuelle.
Lors du passage de la période védique au brahamisme, le soma devint une plante terrestre, car on désigne l’amritra comme le breuvage céleste, celui des dieux qui confère l’immortalité tout en procurant une ivresse supérieure. Les botanistes ont essayé de trouver qu’elle était cette plante et la théorie la plus récente et courante dit qu’il s’agirait d’un champignon, l’Amanita muscaria, connu pour ses effets hallucinogènes. Cependant la théorie reste très incertaine, car aucun texte ne dit que le soma est un champignon.
Soma est un mot sanskrit (सोम) qui désigne dans l'hindouisme une plante et un breuvage rituel. Ce mot est construit sur la racine SU- qui signifie « presser, pressurer, écraser pour extraire un suc », et le suffixe -ma par lequel se construisent des noms d'action. À son origine le soma a été placé « sur la montagne » par Varuna, ordonnanceur de la Terre, et consommé par Indra, pour faire de lui le roi des dieux (dans le panthéon hindou) et lui permettre de vaincre Vritra, un dragon retenant les Eaux, empêchant ainsi de poursuivre la création du monde. Il était censé donner l'immortalité aux dieux du panthéon hindou. Cette boisson est passée dans la culture humaine à travers ses prêtres. Ainsi, le soma est devenu le « pressurage » par lequel, dans le rituel védique, les brahmanes officiants extrayaient le suc des racines d'une plante spécifique. Dans ce pressurage, dans ce soma, se manifestent les puissances qui agissent afin que la lignée des vivants connaisse l'immortalité (amrta). Soma est devenu l'amrita boisson proche de l'ambroisie de la mythologie grecque et qui se retrouve même dans le sikhisme.
Le mot soma peut ainsi désigner une plante, ses racines, le suc rituellement extrait de ces racines, la libation offerte et aussi la lune.
En turquie :
Gobekli Tepe
Il y a encore bien d’autres exemples, parfois moins convaincants car peu ou pas de textes nous sont parvenus. Néanmoins il existe un site archéologique à Göbekli Tepe dans le sud de la Turquie, qui à révélé un complexe cultuel, daté du néolithique, ou des pierres levées en forme de champignons comportent des gravures représentant un grand nombre d’animaux. Certaines des gravures semblent également comporter des champignons. Certains cependant avancent qu’il s’agirait de serpents.
En afrique :
Iboga
Au Gabon, après être longtemps resté dans le secret des initiés, l'iboga a été décrétée "patrimoine national et réserve stratégique" en 2000. Pour Bernadette Rebienot, présidente de l'Union des tradipraticiens de la santé au Gabon, "le traitement à l'ibogaïne enlève la partie initiatique de l'iboga, on n'est donc pas vraiment à la source. En Occident, les chercheurs pensent connaître l'iboga, mais ils me font rigoler... Nous, nous la connaissons depuis la nuit des temps. Il faut une collaboration entre nous, c'est complémentaire et c'est pour le bien de l'humanité", prévient la nganga ("tradipraticienne"), qui plaide auprès de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la reconnaissance de la pharmacopée traditionnelle.
En 1962, un jeune toxicomane, Howard Lotsof, expérimente avec six compagnons une nouvelle substance hallucinogène dont lui a parlé un ami chimiste : l'ibogaïne. Contre toute attente, après trente-six heures d'expérience, le jeune Américain et ses amis, tous accros à l'héroïne ou à la cocaïne, se sont libérés de leur dépendance. Un sevrage définitif pour Howard Lotsof et d'au moins six mois pour les autres, période durant laquelle ils sont restés en contact.
Mais les échecs existent aussi : "Pour moi, ça n'a pas marché", confie Daniel, dépendant depuis plus de trente ans à l'héroïne, à la cocaïne et "à toutes sortes de drogues". "Je prenais des doses industrielles, et j'ai touché le fond avec la méthadone, cette drogue que les médecins ont l'impression de te donner comme solution...", ironise Daniel, qui a repris de la méthadone deux semaines après son traitement.
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Ayahusca
A noter que dans les rapports de personnes ayant consommé de l’ayahuasca, l’image de la double hélice de l’ADN revient très souvent.
Personnellement, je suis convaincu, qu’au delà du bénéfice purement spirituel, les psychédéliques en favorisant la communication entre les cellules ont le pouvoir de les syntoniser entres elles, et ainsi de les nettoyer et éventuellement de les guérir.
Hypothèse : Cette syntonisation ne pourrait-elle pas ‘éventuellement’ éviter le développement anarchique de cellules cancéreuses ? Nous manquons terriblement d’études à ce sujet, les psychédéliques n’ayant été médicalement utilisés surtout qu'en psychiatrie.
J’ai personnellement 52 ans, et malgré plus de 30 ans de tabagisme, Je n’ai aucun problème de santé, alors que ma mère est décédée d’un cancer du poumon à l'age de 47 ans…. Alors qu'elle ne fumait que très peu...
Ces substances pourraient être alors une sorte de panacée capables de soigner à la fois le corps, l’âme et l’esprit des personnes les consommant, à la façon du Soma des Védas…
Albert Hoffman
Après tout, Albert Hoffman n’a t’il pas vécu 102 ans ?
L’Ego commence là ou l’intelligence prend conscience d’être.
Il fini, là où l'intelligence, n'a plus aucune importance.
Merci de m'avoir lu.
Allez en paix,
Ellebore. _________________ Ellebore
Psychonaute
Par amour.
Dernière édition par Ellebore le Lu 15 Juil 2019 8:32; édité 1 fois |
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patapfort
Inscrit le: 06 Juin 2019 Messages: 26 Localisation: Bretagne
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Posté le: Di 14 Juil 2019 8:36 Sujet du message: |
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Merci..... bel effort d'explication de l'égo et de ses bouleversements.....
Beau travail de recherche et d'explication.... |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5638 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 14 Juil 2019 21:19 Sujet du message: |
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Bonjour Ellebore, merci pour ce brillant exposé, et de nous partager ton expérience.
Ellebore a écrit: | Nous retrouvons bien dans ce fragment clinique les éléments constitutifs de la dépersonnalisation et le sentiment d'avoir vécu une expérience des plus intime et des plus centrale. |
C’est intéressant, cette juxtaposition de la notion de dépersonnalisation, et celle d’expérience des plus intime et des plus centrale. Comme quoi, dépasser ce qu’on croit être soi, c’est accéder à la véritable intimité. C’est d’ailleurs quelque chose que l’on observe aussi dans la vie courante : tant qu’on est dans le souci de soi, on est dans la mise en scène ; c’est lorsqu’on s’engage vraiment et qu’on se donne, qu’on s’oublie alors, et qu’on devient vrai.
A la lecture de ton exposé, une réflexion m’est venue, que je me suis souvent faite : combien le contact avec l’essentiel peut être tributaire de contingences triviales.
On a peu parlé des drogues hallucinogènes sur le forum. Mais on en avait parlé sur l’ancien, non sans soulever certaines polémiques. Si cela intéresse certains, je remets ici l'échange principal.
Plume a écrit: | (...) Je vais parler deux minutes de la drogue, pour exposer un point de vue différent du tien, aerienne (je n'ai pas d'expérience en ce qui concerne... enfin, le reste de tes révélations ). Je parle en connaissance de cause, je précise avant tout malentendu: je n'ai que vingt modestes piges, mais j'ai pas mal douillé dans ma vie, comme beaucoup de gens qui, pourtant, n'en font pas tout un plat.
Je n'ai jamais tenté de me suicider, de peur de ne pas savoir me rater... Par contre, j'ai touché à toutes sortes d'acides, de capsules et de poudres, assez pour affirmer que certaines drogues frayent une voie toute particulière à l'éveil. Le LSD aura fait une impression notable, à ce sujet, sur mon esprit: je me suis à de nombreuses reprises banni de la sphère du temps et de l'espace, plongé dans les obscures méandres de l'inconscient. Le LSD inverse les topiques freudiennes, en quelque sorte; la conscience devient l'objet d'un regard nouveau, celui de "l'autre", c'est à dire que la réalité est construite comme dans un rêve. Je choisis soudainement de mesurer dix mètres de haut et d'embrasser un lampadaire "sur la tête". Ce qui donne au réel une dimension indescriptible, celle d'un "pour-moi" exclusif. Je façonne le monde par le langage poétique... Bon, mon dernier trip a failli me coûter la vie, soit, mais reste que mon existence se nourrit chaque jour de ces dérives passées, qu'elle s'en voit grandie. Les drogues sont mauvaises, mais "tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort"... J'ai bien pris conscience que le réel, celui dans lequel nous nous cotoyons, n'est pas compatible avec la drogue. J'ai encore quelques séquelles (physiques, et psychiques: je ne pèse que 50 kilos et tout médicament ingurgité est susceptible de faire remonter une vieille "perche" d'antant), mais dans l'ensemble, je ne regrette pas. "La vie est joie et souffrance: je choisis les deux!"
(...)
Eh bien, on souffre tous, vois-tu, d'une manière ou d'une autre; certains gémissent, d'autres se taisent: nous sommes tous des hommes. La réelle dignité n'est pas là. Celui qui marche sur le tas de ses ossements, qui les toise du haut de l'instant présent, et qui leur dit merde, celui là s'aime, se respecte et croît. Je crois que tu a saisi la teneur de ce geste, aerienne, sous ce mot "transcender". Celui qui perd son temps à ramasser ses squelettes, à les trier, à les collectionner, met sa vie au service du pur et simple fatum: laissons faire les choses, et restons nous mêmes, tel est le slogan de ces gens-là. Il n'y a pas de solution miracle, le malheur est une part incompressible de l'existence. On peut en parler, pas l'annihiler, pas comparer les souffrances. Ce sont, avant tout, des vies. Dire "cette souffrance est la mienne A MOI" peut être fondé empiriquement, mais dans tous les cas, ça ne reste qu'un "exemplaire" de souffrance, comme l'amour particulier n'est qu'une partie de l'Amour pur.
Je crois que l'éveil est comme le dit aerienne, une déprise de soi (j'ai longtemps cru que c'était l'inverse... ). Aussi, rien ne sert de palabrer sur son triste cheminement si ce n'est que pour marquer sa différence. Le but est de trouver, en chaque moment de sa vie, un noyau d'universalité, un morceau, si infime soit-il, permettant de se relier soi-même aux autres hommes, histoire de ne pas sombrer dans le nombrilisme caractéristique du "il n'y a que moi qui". Le but est bien plutôt de se trouver, malgré les différences, des droits de prétention à l'humanité digne de ce nom. "J'ai vécu ceci, et je vous en rapporte cela: c'est ma contribution à l'édifice éternellement inachevé des hommes". |
Plume a écrit: | 1m 76, et je précise que je suis un mec. Je te laisse juge... J'ai perdu 8 kilos en prenant 10 centimètres.
Puisqu'on parle de drogue: je ne cherchais, précisemment, que la défonce. Pas d'autre but. Quand je parle d'inconscience, c'est après la prise. En règle générale, je me perchais consciemment. Les produits me ramenaient à l'état d'enfant, vierge de toute expérience, ivre du moindre rayon de soleil...
Tous les risques que j'ai pris, toutes les gammes de folie que j'ai explorées, sont pour moi des bribes de savoir d'une rareté précieuse. Exemple: il y a énormément d'aspects sous lesquels analyser un même buisson. Pris de LSD, de mescaline, de kétamine ou autre, on aplanit une pente sans problèmes: voilà, elle est plate, je ne fais plus d'efforts (facile ). Dans un buisson, il y a une foule qui se tasse, qui éclate, des variations de densité. Des entités presque imperceptibles et qui s'étreignent, qui ont une estime naturelle les unes pour les autres; elles coéxistent, elles coopèrent. Un buisson parle, réclame un visage: je le lui donne, alors il me regarde avec cet oeil pluriel, me remerciant de l'avoir considéré comme un bout du monde, de l'avoir rangé dans ma mémoire tel un jeu de volumes et d'essences. Un peuple secret que j'ai profondément respecté durant tout mon trip... Cette expérience m'a ouvert des voies nouvelles en poésie par exemple, de même que mon rapport au temps: une matière malléable, extensible lorsqu'on évolue avec 5 grammes de champignons dans l'estomac...
Chaque pigment coloré devient un poème; un mur respire, et tous les sens approuvent ce phénomène. La conscience fait des bonds dans le temps; elle oublie, elle raconte, romance, invente ce qu'elle ne sait pas. Pour être plus précis: elle laisse sa place à l'inconscient, bien plus qualifié en matière de symbolisation, de création pure à partir de soi. Des fantasmes, des désirs et phobies infantiles trouvent un exutoire dans la matière. Terrifiant, mais enrichissant sur le plan de la connaissance de soi. La douleur n'est plus qu'une donnée comme une autre; si on veut, on l'efface. Toute forme hallucine, se meut, change de texture, de couleur, de poids et de taille. Une poubelle ouvre la bouche et chante. Le sol est mou comme un flanc, les pas que je fais ne sont pas les miens: mon corps ne m'appartient plus, je le vois même de l'extérieur (ça paraît incroyable. Et pourtant...) La mort ne fait plus peur: comment faire la différence, quand on vogue sous LSD, entre ciel et mer, entre rêve et réalité, entre vie et mort? C'est impossible. On se laisse bercer. On pratique le rêve. C'est cela, le socle de ma vie: j'ai découvert le secret du psychisme: un simple contrat entre conscience et inconscient, délimitant deux territoires qu'on essaye de maintenir l'un en dehors de l'autre. La drogue viole ce traité, un peu comme le sommeil, mais en éveil. C'est une déclaration de guerre. Et comme dit Levinas: la guerre, c'est le surgissement de la "dure réalité" (ce qui sonne comme un pléonasme). La séparation des "pôles" est nécessaire pour vivre en communauté. Mais les plus grands sages ne diffèrent point des fous, au contraire: les fous ont ouvert une porte de trop. |
joaquim a écrit: | L’éveil est sans rapport avec la morale. Il n’est pas le fruit de la vertu, mais de la transgression. Pas n’importe quelle transgression: la plus radicale qui soit, celle qui enfreint la frontière délimitant "notre" monde, notre identité. Elle implique toujours une prise de risque: oser mettre en jeu tout ce qu’on est, s’en dessaisir, et plonger résolument vers l’inconnu. De tous temps, les drogues hallucinogènes ont été utilisées pour effectuer le saut sacré. Ce saut est dangereux, et les sociétés traditionnelles ont érigé des barrières sévères pour réserver l’accès aux mixtures des dieux à ceux qui y avaient été préparés. Comme tu le dis, Plume, la folie est là, toute proche, derrière une porte de trop ouverte, ou mal ouverte.
La substance hallucinogène détruit l’état d’équilibre habituel de la conscience, opère la transgression qui fait sortir celle-ci de son adhésion au monde qui est le sien. Mais tout n’est pas joué pour autant: selon que la conscience sera capable d’un acte de foi en ce qui l'arrache à elle-même, ou qu'au contraire elle cherche tant soit peu à se ressaisir d'elle-même, elle débouchera dans la plénitude de la désappropriation et dans une radicale nouveauté, ou plongera dans le vide angoissant de sa propre dérobade à une quelconque prise sur elle-même. Les chamans, les prêtres et tous ceux qui initiaient, dans les cultures traditionnelles, les aspirants pour les préparer au contact avec les dieux, les astreignaient à une discipline sévère, dans laquelle la plus grande attention était apportée à l’édification morale. Car si la morale est incapable de conduire à l’éveil, il est nécessaire qu’elle soit devenue comme une seconde nature, pour permettre, au moment du grand saut, le retournement qui ouvre à la grâce, et prévenir le mouvement insensé d'un impossible retour à soi. Voici un très bel exemple d’un tel retournement, décrit par Henri Michaux dans “Les grandes épreuves de l’esprit”, Chap. V: Le Dépouillement par l’espace, Gallimard, Pléiade, Oeuvres complètes tome III, p. 378:
«Un croissant dépouillement m’ouvrait à plus d’espace lequel à son tour me dépouillant davantage me préparait à une nouvelle invasion d’espace. Ainsi je devenais capable de ressentir de plus en plus d’espace à mesure que la lourdeur se défaisait en moi, me laissant à la fois parfaitement indigent et comblé.
L’espace n’avait résonance avec rien, cependant répondant à l’essentiel, à tout.
Je n’avais plus à renoncer. Je n’avais pas eu à renoncer. La renonciation était faite et accomplie avant que je l’eusse pressentie. Dans l’instant j’avais été dépouillé, sans avoir été consulté, sans avoir eu le temps de l’envisager, de voir même ma préférence, traité comme je devais l’être, en aveugle dont on ne demande pas l’avis, qui en fait de dépassement est et sera toujours ignorant, brouillon, bruyant, immanquablement mésinformé, toujours inférieur à la conduite à tenir. Mais à cette opération, que je n’avais pas pu comprendre, terminée avant que je l’eusse pu examiner, je donnais mon agrément exalté, reconnaissant, rebondissant de ravissement en ravissement plus grand, dans cet enthousiasme inouï, dans une ferveur comme seule la disparition miraculeuse de la “lourdeur” peut donner.
Désencombré de tout entourage, nettoyé de toute consistance, de toute propriété, de tout sens d’une quelconque appropriation, incapable d’en concevoir une autour de moi et démuni du minimum préalable qu’il faut pour qu’il y ait attachement, j’étais dans une extase d’espace.
Celui qui ne sait pas à quoi il doit croire venait de recevoir — je ne vois pas d’autre mot — quelque chose comme un sacrement, un sacrement spatial.
Comme si l’Infini, pour se rendre manifeste, avait pris l’espace comme simple et suffisant révélateur, espace devenu signe et hymne. L’embaumé que j’étais, d’un coup dégourdi, se retrouvait ouvert d’une ouverture comme puceron en qui se serait ouverte la gueule d’un baleinoptère, d’une ouverture qui n’était que pour l’immense, qui ne pouvait se refermer.»
Je trouve ce passage tout-à-fait saisissant; je ne crois pas avoir lu de description plus vibrante de l’opération de la grâce, de cet émerveillement à se découvrir surgir d'un mouvement qui aboutit dans sa propre origine.
Cette expérience de l’absorption dans l’infini de l’espace, Michaux l’a obtenue par le recours à une drogue hallucinogène. Voici comment il décrit les préparatifs de son “voyage”:
«Depuis longtemps, je m’étais proposé d’aller un jour, à bonne altitude, contempler sous c.i. (une des substances à choc psychique, parmi les plus anciennement connues) un horizon de montagne. J’étais venu pour cela en ce lieu. Pour savoir si action il y aurait sur moi et laquelle. Plusieurs jours s’écoulent. Enfin, j’absorbe la substance, d’autres fois convoitée. Le temps passe. Rien. Je ne ressens aucun changement. Les montagnes devant moi gardent la même apparence. Trop de santé en moi peut-être revenue. Alors, les repas ayant parfois une action de déclenchement, je descends à la salle à manger.
La nuit vint trop tôt. J’avais dû mal calculer.
J’avais pensé à mon retour retrouver les montagnes, plus capables mêmes, dans le crépuscule, de m’impressionner. Quand je revins, elles n’étaient plus là. Même les plus hauts sommets avaient cessé d’être visibles. Jusqu’au dernier ils avaient disparu dans la nuit.
Consterné, mon voyage manqué, seul sur la vaste terrasse au-delà de ma chambre, sans rien avoir à contempler devant moi, ne sachant plus que faire, je demeurais anéanti.
Enfin, avant de rentrer je lève la tête. Un ciel noir s’étendait partout avec beaucoup d’étoiles. Je m’y abîmai. Ce fut extraordinaire. Instantanément dépouillé de tout comme d’un pardessus, j’entrai en espace. J’y étais projeté, j’y étais précipité, j’y coulais. Par lui happé violemment, sans résistance.
Prodige jamais soupçonné... Pourquoi ne l’avais-je connu plus tôt? Après la première minute de surprise il paraissait tellement naturel d’être emporté dans l’espace. Et pourtant, combien de fois n’avais-je pas regardé d’aussi beaux et de plus beaux ciels sans autre effet qu’une vraie et vaine admiration. Admiration: antichambre, rien qu’antichambre. Une fois de plus je le vérifiais.
C’était — ce que je vivais — bien autre chose que de l’admiration, un registre tout différent.
Quoi au juste? Ce n’est pas facile à saisir. Comme soustrait à la terre, me sentant emporté invinciblement par le haut, entraîné toujours plus loin, grâce à un merveilleuse invisible lévitation, dans un espace qui ne finissait pas, qui ne pouvait pas finir, qui était sans commune mesure avec moi, qui toujours plus me tirait à lui, je m’élevais, de plus en plus, aspiré inexplicablement, sans qu’évidemment je pusse jamais arriver. D’ailleurs, arriver où?
Cela aurait pu être épouvantable, c’était rayonnant.
Le statique, le fini, avaient fait leur temps. Il n’en restait rien, ou comme rien. Dépouillé, je filais, projeté: dépouillé de possessions et d’attributs, dépouillé même de tout recours à la terre, délogé de toute localisation, dépouillement invraisemblable qui semblait presque absolu, tant j’étais incapable de trouver quelque chose qu’il ne m’eût pas ôté.
C’est certain, jusqu’ici je n’avais pas vu, pas vraiment vu le ciel. J’y avais résisté, le regardant de l’autre bord, du bord du terrestre, du solide, de l’opposé.
Cette fois, la rive effondrée, je m’enfonçais. Vertigineusement je m’enfonçais en haut.»
Ce que vit Michaux en cet instant, c’est l’éveil. La sortie hors des frontières, non pas seulement de son corps, mais de “soi”. La substance hallucinogène avait étourdi sa conscience, l’obligeant à lâcher sa prise sur elle-même. C’est ce même effet qui est obtenu par ces injonctions paradoxales qu’adressent les maîtres zen à leur disciples, et qui n’ont pour but que de déstabiliser la routine de l’enracinement en soi. Une énergie vitale se trouve alors mise en mouvement, qui est celle, je crois, que les Chinois ont nommée Chi, et les Hindous kundalini. C'est la même énergie qui est à l'oeuvre dans la passion amoureuse.
Pour Michaux, le voyage s’arrêta au moment où cessa l’effet de la substance:
«Si extraordinaire qu’eût été le ciel ouvert, le lendemain il n’était plus. Avant même la fin de la nuit. Alors qu’en fait il n’avait pas dû changer beaucoup, il n’était plus. Sa profondeur, dans laquelle si loin je pénétrais, je n’y pénétrais plus du tout. Il s’est gelé.
Les étoiles se sont remises en place, dans les figures qu’elles paraissent composer entre elles. Je vois froidement les dimensions apparentes, leur éclat apparent (c’est-à-dire comparé).
Je suis ici et elles sont là: j’ai atterri.
La conscience dualisante est revenue, qui est la pluralisante, qui est la plurilocalisante. La terrasse est ici et mon corps dessus. Le ciel plus loin. La montagne qu va apparaître avec l’aurore, là! Dans cette direction, Lausanne — au-delà, sur la gauche.
La terrasse est en brique, la montagne en terre, moi en tissu conjonctif, nerveux, osseux, etc. et en conscience de la situation. L’espace n’est plus qu’une notion, une évaluation, une donnée. Bourrée de sensations, d’impressions expertement intégrées et d’appréciations, mon être n’a plus qu’une petite place à donner à l’impression d’espace.
Dans les heures admirables que j’avais vécues, toute substantiation ou matière abolie, j’étais investi d’espace, investi on ne peut savoir à quel point, au point où nous étions presque pareils, indifférenciés.»
Retour dans la dimension horizontale. |
Plume a écrit: | Oui, j'ai beaucoup lu Michaux. Il parle d'ailleurs d'un "certain plume"...
"L'espace du dedans" m'a fait toucher du doigt certains vertiges que j'avais déjà appréciés. J'avais peur de ne pas être compris sur ce thème de la drogue; merci, Joaquim, de me montrer le contraire. L'expérience de la grâce, de la danse dyonisiaque dépourvue d'autre but qu'elle-même... la poésie selon Valery... je ne dis pas que c'est à vivre, Fabienne. Je dis que le risque augmente le gain. J'ai longtemps erré entre deux gouffres, j'ai embrassé l'espace dans son absolue continuité, comme Michaux j'ai découvert ce qu'un crépuscule a d'éternel. Aucune résistance, l'éveil m'emplit, me soustrait au monde, m'offre à la contemplation de la plénitude, à l'unité complète de moi au monde. Je vois tout, étrangement, pour la première fois, comme Dieu sans doute le voit: non de l'intérieur, ni de l'extérieur, mais au sein du flux dont la conscience est soudainement exclue: ce flux, c'est l'Etre, l'être en tant qu'il devient toujours autre que lui-même. Je me fond dans les objets de mon penser. Plus de matière, plus de temps; de l'absolu, partout de l'absolu.
Ne parlons pas ici de fumées, Fabienne. Cett expérience-là, dont tu parles, est inverse. Quand je fume, je m'enfonce, timidement, tel un paranoïaque, dans un moi qui se fait monade. Je m'englue dans mon essence, et j'ai peur du changement. J'ai fumé des joints pendant 6 ans, j'ai arrêté il y a deux mois: je palpais la squizophrénie du bout des doigts (encore quelque chose qu'on pourrait analyser: expérience prodigieusement effrayante, que celle de débattre avec soi-même sans parvenir à un consensus... se dire "tiens,qui me parle? Bon dieu, mais c'est moi!"). Mescaline, LSD, MDMA... les acides sont tout autrement plus dangereux, et leurs effets sont indescriptibles dans leur totalité, même par Henri Michaux: le visuel est altéré (couleurs nouvelles, formes toujours en pleine mutation, espace vivant), ainsi que le tactile (fumer une cigarette devient si difficile... ta bouche se trouve sensiblement éloignée, sur la droite, ou la gauche, de sorte que ce n'est pas ta bouche qui fume, pas celle que tu vois, mais celle qui, à quelques mètres de là, sent sur ses lèvres la cigarette... Ce ne sont pas tes jambes qui marchent... le corps et l'esprit ont divorcé), l'auditif (mon amie qui me parle et que j'entend se trouve à cinquante mètres de moi, ou inversement), ...
C'est donc, je persiste, une expérience de plus qui m'ouvre, dés lors, différemment à ce réel dans lequel nous vivons tous. Le temps que tu vis sous LSD, tu le manipules, il te trompe... il y a une sorte de jeu. Rien de réel n'a plus d'importance. J'ai failli mourir, d'ailleurs, la dernière fois: une barrière d'environs 1m50, qui me paraissait minuscule, fut enjambée sons effort; il y avait une falaise derrière, et comme la mort pouvait, aussi, être drôle et "testable", j'allais pour sauter. On m'a fait comprendre que le LSD ne te coupe du réel qu'en apparence. De là, je suis parti en bad trip... Pendant trois jours, la terreur de ne jamais sortir de cet état, ainsi que des montées de plus en plus puissantes (coeur qui bat la chamade, espèce de boule d'energie au fond du ventre, qui tremble et bourdonne; monde environnant qui prend des proportions monstrueuses... tête qui gonfle, chauffe, envie de mourir pour évacuer la douleur; impossible de fermer les yeux, car on voit des choses diaboliques, ineffables, des images tirées de rêves très anciens, remaniées, tranformées, accouplées pour donner un "film" plus vrai que nature...), m'ont fait vivre des instants de folie pure. J'ai pensé à oublier mon nom (car on ne fait qu'expérimenter: et si je faisais ça pour voir...); instantanément, je ne m'en souvenais plus. Vraiment. J'en pleurais d'incrédulité. Lorsqu'on vit trois jours ainsi "perché", on en sort assez fier et grandi, je veux dire... on respire un air d'une qualité nouvelle, voyez-vous. Vivre, après quelques années d'essais de ce genre, est un plaisir non dissimulable. Fabienne, je n'incite personne, je transmet ce que j'ai découvert et que vous ne savez peut-être pas, après tout... |
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Di 14 Juil 2019 23:01 Sujet du message: |
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Bonsoir,
Merci Patapfort.
Et un grand merci à toi Joaquim pour ces excellents textes que j'ai lu avec délectation.
Tu dis : Combien le contact avec l’essentiel peut être tributaire de contingences triviales.
Et combien cela est vrai !
Une des nombreuses citations 'géniales' tirée du 'Petit Prince' d'Antoine de Saint-Exupéry (à l’œuvre remarquable d'humanité, notamment Citadelle, que j'affectionne particulièrement) :
"On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux."
C'est que bien souvent, nous sommes si éloignés de la simplicité que nous passons à côté de l'évidence. Seul un amour vrai, beau, sincère de tout ce qui est, peut nous donner suffisamment de légèreté pour capter cet essentiel, le comprendre et nous en imprégner. Mais, nous faisons ordinairement trop confiance à nos sens; et ils sont souvent trompeurs... _________________ Ellebore
Psychonaute
Par amour. |
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rien
Inscrit le: 15 Oct 2017 Messages: 689 Localisation: toulon
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Posté le: Ma 16 Juil 2019 13:32 Sujet du message: |
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bonjour ;
merci pour ces textes et tranches de vies !
ce que l'on perçoit a travers sa vision en dehors de nos propres schémas d'habitudes , c'est la conscience qui s'ouvre a nouveau et c'est là toute sa beauté !
maintenant quoi faire de cette expérience vécue , c'est vraiment délicat a digéré nan ? _________________ une croix , chacun la sienne et dieu pour tous .
a lire symboliquement , bisous bisous et reste là; |
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Ellebore
Inscrit le: 13 Juil 2019 Messages: 527 Localisation: La terre
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Posté le: Me 17 Juil 2019 22:37 Sujet du message: |
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Bonsoir Rien,
Tu dis, maintenant quoi faire de cette expérience vécue , c'est vraiment délicat a digéré nan ?
C’est à toi ce qu’il appartient de choisir ce que tu souhaites en faire...
Ce n'est qu'une expérience, et le rôle de chacun est de se faire les siennes. Aucune expérience n'est imposée, sinon celles que la vie t'impose. Chaque vie est différente, chaque perception de la vie l'est également, et pour une même expérience vécue par plusieurs personnes, combien d'avis contradictoires ?
Cela en rend difficile la compréhension synthétique. Pour autant, cela n'est pas forcement impossible.
Synchronicité, déjà vu, pressentiments, nde (near death expérience)... : autant de phénomènes, qui restent tributaires des acquits propre de la personne, et sont souvent quasi incommunicables... Ces phénomènes nous enrichissent sans que nous puissions les expliquer 'logiquement'...
Ils font partie de nous et de notre vécu, ils sont notre expérience de vie.
Certains y font peut-être plus attention que d'autres, et cela les marquent davantage, mais combien peuvent se prévaloir de la compréhension du phénomène ?
Après, au vu du contenu de mon post, je crois volontiers que beaucoup de mes dires peuvent être délicats à digérer, voire à simplement admettre comme possibles. Cependant, je reste convaincu qu'il est nécessaire de faire table rase de ce que l'on croit savoir, au bénéfice de ce que l'on peut essayer de comprendre.
La théorie de la superposition quantique selon les mathématiques pures, peut logiquement prouver qu'une particule peut-être à deux endroits en même temps, ce qui est physiquement impossible : mais peut-on se fier à notre forme de mathématique pour résoudre des opérations quantiques ?
De même on admet en géométrie qu'un simple point n'a pas de dimension, cependant, on conçoit aussi généralement qu'un segment qui lui est constitué de points successifs a une dimension, n'est-ce pas aberrant ?
Mathématiquement, nous pourrions alors poser que 0+0=1…
Mais ce n’est pas les points d’un segment qui lui donnent sa dimension, mais les vides qu’ils délimitent entre les points qui le composent.
Cela tend à prouver la différence qu’il peut exister entre deux types de raisonnements, l’un géométrique, et l’autre purement mathématique.
Nous savons aussi que si nous ne considérions pas la vitesse de déplacement des électrons autour du noyau de l'atome (de 22000km/s à 300000km/s), l’énormité de la distance entre les électrons et le noyau par rapport à leurs dimensions extrêmement réduite, imposeraient que la matière ne soit constituée presque que : de vide !
Également, si nous considérons théoriquement que le photon a une masse nulle, sans doute parce que sa masse expérimentale est très très faible, nous basons tous nos calculs sur sa masse théorique, qui est fausse !
Autre type de raisonnement que l'on pourrait peut-être qualifier de légèrement capillotracté, mais qui n’est pas sans intérêt : Conventionnellement nous admettons tous que la couleur rouge est rouge. Une personne qui verrait le rouge 'vert' depuis sa naissance, reconnaîtrait nécessairement ce que lui voit réellement 'vert' comme du rouge.
Comment pouvons-nous savoir si nous avons tous la même perception des couleurs ?
Là ou je veux en venir, c'est que l'on se fait très souvent des idées en se basant sur des notions que l'on a acquises de façon incomplète, ou via des on-dit, ou sur l'avis de pseudos spécialistes et/ou scientifiques, ou bien encore parce que ces notions sont conventionnellement admises.
D'autant qu'il semble bien plus logique et facile d'écarter un raisonnement qui semble étrange, que de l'admettre à priori, et voir à posteriori s'il est possible de le réfuter ou de le vérifier. Dans le second cas, la démarche semble plus judicieuse, non ?
Ellebore. _________________ Ellebore
Psychonaute
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rien
Inscrit le: 15 Oct 2017 Messages: 689 Localisation: toulon
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Posté le: Me 17 Juil 2019 23:25 Sujet du message: |
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ah oui tout a fait ! quel monde étrange vive la vie _________________ une croix , chacun la sienne et dieu pour tous .
a lire symboliquement , bisous bisous et reste là; |
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