Regards sur l'éveil
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Di 09 Fév 2020 11:45 Sujet du message: La personne et l'ego |
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Pour débuter ce sujet, voici un texte que personnellement je trouve très intéressant, dans lequel Thomas Merton effectue la distinction entre l’« ego » et ce qu’il nomme « la personne ». Cet extrait provient de son livre « semences de contemplation » en collection « livre de vie, collection du Seuil », pages 208-211.
Thomas Merton a écrit: | […] Mais tant qu'existe ce sentiment de séparation, cette conscience d'une distance, d'une différence entre Dieu et nous, nous n'avons pas goûté la plénitude de la contemplation.
Tant qu'il y a un « moi », sujet précis d'une expérience contemplative, un « moi » conscient de lui-même et de sa contemplation, un « moi » qui possède un certain « degré de spiritualité », nous n'avons pas traversé la mer Rouge, nous ne sommes pas sortis d'Egypte. Nous demeurons dans le domaine de la multiplicité, de l'activité, de l'imperfection, des luttes et des désirs. Le vrai moi intérieur, la vraie personne indestructible et immortelle, le vrai moi qui répond à un nom secret et nouveau, connu seulement je Dieu et de lui, ne possède rien, pas même la contemplation.
Ce moi n'est pas celui qui accumule les expériences, qui examine et s'examine lui-même, car ce n'est pas le moi superficiel et empirique de la vie de tous les jours.
C’est une grave erreur de confondre la personne (l'être spirituel et secret, uni à Dieu) et l'ego, l'être extérieur, empirique, l’individualité psychologique qui est une sorte de masque pour l'être intérieur. Cet être extérieur n'est que l’ombre évanescente, dont la biographie et l'existence se terminent ensemble à la mort. L'être intérieur, lui, n'a ni biographie, ni fin. L'être extérieur peut « avoir » beaucoup, « jouir » beaucoup, « accomplir » beaucoup, mais, en définitive, tous ses biens, ses joies et ses actes ne sont rien, comme lui-même n'est rien qu'une ombre, un vêtement qu'on jette et qui tombe en morceaux.
Une autre erreur consiste à identifier l'être extérieur avec le corps, et l'être intérieur avec l'âme. Bien que normale, c'est une interprétation très trompeuse, parce que le corps et l'âme, après tout, sont des substances incomplètes, des parties d'un seul être entier; et l'être intérieur n'est pas une partie de nous-mêmes, mais un tout. C'est notre entière réalité. Ce qui s'y rattache est fortuit, éphémère et négligeable. C’est pourquoi le corps et l'âme appartiennent, ou mieux, subsistent, dans notre être véritable, la personne que nous sommes. L'ego, d'autre part, est une illusion construite par nous qui « a » notre corps et une partie de notre âme à sa disposition parce qu'il a « assumé » les fonctions de notre moi intérieur, à la suite de ce que nous appelons la « chute » de l’homme. C’est d'ailleurs précisément l'une des conséquences principales de la chute : l’homme s’est séparé de son être intérieur qui est l’image de Dieu. L’homme a été mis spirituellement « sens dessus dessous », si bien que son ego joue le rôle de la « personne » - rôle qu’il n’a en réalité, pas le droit de jouer.
Pour retourner à Dieu et à nous-mêmes, nous devons commencer par nous prendre tels que nous sommes séparés de Lui et de nous-mêmes. Nous sommes des enfants prodigues en pays lointain, « le pays de la dissemblance », et il nous faut, croyons-nous, voyager loin dans ce pays avant d'atteindre le nôtre (que secrètement notre n'avons jamais quitté !).
L' « ego », l’être extérieur », est respecté par Dieu qui le laisse assumer le rôle que notre moi intérieur ne peut encore jouer seul. Dans la vie de tous les jours, nous devons agir comme si nous ressemblions vraiment à notre moi extérieur. Mais en même temps il faut nous rappeler que nous ne sommes pas entièrement ce que nous avons l'air d'être, et qu'il ne restera bientôt plus rien de ce qui semble être notre « moi ».
L'une des erreurs les plus répandues de nos jours est un « personnalisme » superficiel qui identifie la « personne » avec le moi extérieur, l'ego empirique, et se consacre solennellement au culte de ce moi.
C'est cultiver une pure illusion, l'illusion de ce qu'on appelle couramment la « personnalité », ou, pire encore, une personnalité « dynamique » et « réussie ».
Cette erreur, appliquée à la religion, conduit aux plus graves absurdités - au culte de l'expression personnelle qui corrompt notre moi spirituel et intellectuel.
Notre réalité, notre moi véritable, se trouve au fond de ce qui nous semble le vide et le néant. Ce que nous ne sommes pas semble réel, ce que nous sommes semble irréel. Nous pouvons dépasser cette irréalité et recouvrer notre identité cachée. Et c'est pourquoi le chemin de la réalité est celui de l'humilité qui nous amène à rejeter notre moi illusoire et à accepter le moi « vide » qui n'est « rien » à nos propres yeux et aux yeux des hommes, mais qui est réel aux yeux de Dieu : car cette réalité est « en Dieu », « avec Dieu », et Lui appartient entièrement. Elle est, naturellement, ontologiquement distincte de Lui, ne fait pas partie de la nature divine, et n'est pas absorbée par elle.
Ce moi profond est bien au-delà de celui qui dit « Je veux », « J'aime », « Je sais », « Je sens ». Il connaît, il aime, et il sent à sa manière propre, divine et non humaine; en s'identifiant, en s'unissant, en « épousant », d'une manière où il n'y a plus d'individualité psychologique séparée attirant à soi tout ce qui est bon et vrai, pour aimer et connaître par elle-même, mais où le Bien-Aimé et Celui qui aime sont « un seul esprit ».
Aussi, tant que nous nous sentons, dans la prière, comme un « être » qui se tient au seuil de l'abîme de pureté et de transparence qui est Dieu, nous attendant à « recevoir quelque chose » de Lui, nous sommes encore loin de la connaissance unitive, très intime et secrète, qu'est la contemplation pure.
Du côté où nous sommes, ces ténèbres, ce vide semblent profonds, vastes et attirants. Nous ne pouvons rien faire pour y pénétrer. Nous ne pouvons avancer, bien qu'il n'y ait pas d'obstacle.
C'est peut-être qu'il n'y a pas d'abîme. Nous restons là, sentant en quelque sorte que le prochain pas sera un plongeon, et que nous allons nous retrouver dans l'espace interstellaire. […] |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 5643 Localisation: Suisse
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Posté le: Di 09 Fév 2020 19:48 Sujet du message: |
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Merci pour ce beau texte, didier.
Je rebondis sur ce passage :
Thomas Merton a écrit: | Une autre erreur consiste à identifier l'être extérieur avec le corps, et l'être intérieur avec l'âme. Bien que normale, c'est une interprétation très trompeuse, parce que le corps et l'âme, après tout, sont des substances incomplètes, des parties d'un seul être entier; et l'être intérieur n'est pas une partie de nous-mêmes, mais un tout. C'est notre entière réalité. Ce qui s'y rattache est fortuit, éphémère et négligeable. |
Le corps et l’âme, comme il dit, sont des substances incomplètes. Des parties de notre personne. Dans mon vocabulaire : de la matière (aussi subtile soit-elle). Mais notre être intérieur, lui, n’est la partie de rien : c’est un tout. Un tout qui est, comme il dit plus haut, sans distance avec Dieu. Pourtant, plus bas il ajoute :
Thomas Merton a écrit: | Notre réalité, notre moi véritable, se trouve au fond de ce qui nous semble le vide et le néant. Ce que nous ne sommes pas semble réel, ce que nous sommes semble irréel. Nous pouvons dépasser cette irréalité et recouvrer notre identité cachée. Et c'est pourquoi le chemin de la réalité est celui de l'humilité qui nous amène à rejeter notre moi illusoire et à accepter le moi « vide » qui n'est « rien » à nos propres yeux et aux yeux des hommes, mais qui est réel aux yeux de Dieu : car cette réalité est « en Dieu », « avec Dieu », et Lui appartient entièrement. Elle est, naturellement, ontologiquement distincte de Lui, ne fait pas partie de la nature divine, et n'est pas absorbée par elle. |
Il reste dans le dogme de l’Église. Il ne prend pas le risque qu’a pris par exemple Maître Eckhart, lorsqu'il affirmait la totale unité de cette réalité avec Dieu :
"Si donc je suis transformé en Lui de telle manière qu’il me produise comme son propre être, un avec Lui et non semblable à Lui ; par le Dieu vivant, il est vrai qu’il n’y a pas de distinction."
Maître Eckhart, Sermon 6. Ce passage a été interdit par l'Inquisition. |
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riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4333 Localisation: paris
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Posté le: Lu 10 Fév 2020 0:35 Sujet du message: |
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bonsoir Joaquim et Didier
joaquim a écrit: | Merci pour ce beau texte, didier.
Je rebondis sur ce passage :
Thomas Merton a écrit: | Une autre erreur consiste à identifier l'être extérieur avec le corps, et l'être intérieur avec l'âme. Bien que normale, c'est une interprétation très trompeuse, parce que le corps et l'âme, après tout, sont des substances incomplètes, des parties d'un seul être entier; et l'être intérieur n'est pas une partie de nous-mêmes, mais un tout. C'est notre entière réalité. Ce qui s'y rattache est fortuit, éphémère et négligeable. |
Le corps et l’âme, comme il dit, sont des substances incomplètes. Des parties de notre personne. Dans mon vocabulaire : de la matière (aussi subtile soit-elle). Mais notre être intérieur, lui, n’est la partie de rien : c’est un tout. Un tout qui est, comme il dit plus haut, sans distance avec Dieu. Pourtant, plus bas il ajoute :
Thomas Merton a écrit: | Notre réalité, notre moi véritable, se trouve au fond de ce qui nous semble le vide et le néant. Ce que nous ne sommes pas semble réel, ce que nous sommes semble irréel. Nous pouvons dépasser cette irréalité et recouvrer notre identité cachée. Et c'est pourquoi le chemin de la réalité est celui de l'humilité qui nous amène à rejeter notre moi illusoire et à accepter le moi « vide » qui n'est « rien » à nos propres yeux et aux yeux des hommes, mais qui est réel aux yeux de Dieu : car cette réalité est « en Dieu », « avec Dieu », et Lui appartient entièrement. Elle est, naturellement, ontologiquement distincte de Lui, ne fait pas partie de la nature divine, et n'est pas absorbée par elle. |
Il reste dans le dogme de l’Église. Il ne prend pas le risque qu’a pris par exemple Maître Eckhart, lorsqu'il affirmait la totale unité de cette réalité avec Dieu :
"Si donc je suis transformé en Lui de telle manière qu’il me produise comme son propre être, un avec Lui et non semblable à Lui ; par le Dieu vivant, il est vrai qu’il n’y a pas de distinction."
Maître Eckhart, Sermon 6. Ce passage a été interdit par l'Inquisition. |
et en même temps il est très ambigüe puisqu'il écrit
thomas Merton a écrit: | Ce moi profond est bien au-delà de celui qui dit « Je veux », « J'aime », « Je sais », « Je sens ». Il connaît, il aime, et il sent à sa manière propre, divine et non humaine; en s'identifiant, en s'unissant, en « épousant », d'une manière où il n'y a plus d'individualité psychologique séparée attirant à soi tout ce qui est bon et vrai, pour aimer et connaître par elle-même, mais où le Bien-Aimé et Celui qui aime sont « un seul esprit ». |
là il semble que le moi profond, l'être intérieur devient un avec l'esprit de Dieu
mais comment cela est possible si comme il l'écrit plus haut Citation: | son être intérieur est l’image de Dieu. |
Dieu est substance, réalité mais une image n'est pas une réalité ou en tout cas une réalité d'une autre nature que celle de Dieu, qui est peut-être en Dieu mais n'est pas Dieu.
de toutes les façons quand on veut rester dans les dogmes de l'église, on est pris dans des contradictions.
Pour moi il n’ y a qu’une seule substance, une seule réalité, un seul sujet et c’est Dieu, autrement dit la conscience-être qui est Soi-même.
Par contre il y a pas mal d’idées qui me plaisent dans le texte de T Merton, l’unité de l’être intérieur avec le corps et donc de la réalité métaphysique avec la réalité physique.
Mais si comme il l'écrit, l’âme-corps ou être intérieur ou la personne est un tout, ce tout n’est pas séparable de la totalité de ce qui est
et il n’est pas non plus une partie de ce tout , il est ce tout se manifestant en tant que telle ou telle personne ,
et notre corps réel n’est pas qu’individuel non plus , il est le monde.
la personne divine ( Dieu) étant indivisible , les personnes que nous sommes ne sont pas des parties mais la personne divine elle-même, le christ en chacun de nous , Dieu en personne, ( vision holographique).
C’est pourquoi un individu est sacré.
Il est donc très juste de distinguer comme le fait Merton , l’ego ou être extérieur de la personne mais alors le moi véritable qui est cette personne n’est pas une image de Dieu mais Dieu lui-même .
C’est bien ce qui est ressenti lorsque nous redevenons conscience et mettons l’ego entre-parenthèse et à sa place
Meme si :
thomas Merton a écrit: | Dans la vie de tous les jours, nous devons agir comme si nous ressemblions vraiment à notre moi extérieur. Mais en même temps il faut nous rappeler que nous ne sommes pas entièrement ce que nous avons l'air d'être,. |
j'aime aussi la vision Spinoziste qui considère les personnes , les âmes-corps non comme des réalités autonomes ni comme des illusions mais comme des modes ou modifications d'une unique substance indivisible qui est Dieu.
les différences ne sont qu'extérieures, les séparations ne sont pas réelles mais modales et du point de vue intérieur il n' y a qu'un. _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Lu 10 Fév 2020 10:34 Sujet du message: |
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Bonjour Joaquim et Joël,
Le dogme catholique, souligné ici par Joaquim, est omniprésent dans les écrits de Thomas Merton, faisant apparaître une distinction ontologique entre l’homme et Dieu. Mais, comme le signale Joël, cela n’est peut-être pas si clair car pour Thomas Merton, « le Bien-Aimé et Celui qui aime sont « un seul esprit ». On retrouve cette même idée dans un autre livre de lui, « Le nouvel homme », page 127 :
Citation: | Ontologiquement, la source de cette vie nouvelle est extérieure et supérieure à nous, en Dieu. Mais spirituellement la vie surnaturelle et Dieu lui-même, qui la donne, sont au centre de notre être. Celui qui est infiniment au-dessus de nous de nous est aussi en nous, et le point le plus élevé de notre vie spirituelle et physique est immergé en lui. Si nous ne sommes vraiment réels qu’en Lui, c’est parce qu’il partage Sa réalité avec nous et la fait nôtre. La réalité qui nous fait dépendre si intimement de Lui par nature est élevée par la grâce jusqu’à une « unité d’esprit » qui, lorsqu’elle atteint sa plénitude, équivaut à une identité mystique. |
Pour thomas Merton, l’identité est donc de nature spirituelle et mystique, mais pas ontologique. Elle est seulement vécue existentiellement, mais il ne s’agit pas là pour lui seulement d’expérience, comme cela apparaît pages 212-213 :
Citation: | Ce qui arrive, c’est que l’entité séparée qui est nous semble disparaître sans laisser d’autre trace qu’une liberté pure, indiscernable de la liberté Infinie, un amour pur, indiscernable de l’Amour. Il n’y a pas deux amours, l’un attendant l’autre, tendant vers l’autre, recherchant l’autre, mais l’Amour aimant en pleine liberté.
Donnerons-nous, à tout ceci, le nom d’expérience ? Nous pourrions dire, je crois, que tout ceci ne mérite ce nom que dans la mémoire humaine. Autrement il semble inexact d’en parler comme d’une chose qui arrive. Car c’est à un sujet que les choses arrivent, et c’est un être donné qui fait certaines expériences. Or ici, le sujet d’une expérience divisée, limitée ou créée, semble avoir disparu. Nous ne sommes pas nous-mêmes, nous sommes l’Expérience elle-même, bien que tout se passe, si l’on peut dire d’une chose éternelle et immuable, d’une activité si prodigieuse qu’elle est infiniment immobile, qu’elle se passe.
Ici, toutes les épithètes s’effondrent. Les mots n’ont plus de sens. Tout ce que nous disons est fallacieux, à moins de dresser une liste de toutes les expériences possibles et de dire : « Ce n’est pas cela, Ce n’est pas ce dont je parle.
Les métaphores son maintenant devenues désespérantes. Parlons de « ténèbres » s’il le faut ; mais c’est un terme trop lourd et trop grossier. D’ailleurs, il n’y a plus de ténèbres. Nous pouvons parler de « vide », mais ce mot évoque l’idée d’un vol dans l’espace, qui n’a rien à voir ici.
Ce que c’est ? C’est la liberté. C’est l’amour parfait. C’est le renoncement pur. C’est la jouissance de Dieu.
Ce n’est pas la liberté inhérente à un objet quelconque ; ce n’est pas l’amour en tant qu’acte commandé par un élan qui vient de nous ; ce n’est pas un renoncement qu’on projette et qu’on réalise à la manière d’une vertu.
C’est une liberté qui vit et circule en Dieu, Qui est la liberté. C’est un amour aui aime dans l’Amour. C’est la pureté de Dieu faisant Ses délices de Sa propre liberté.
Et maintenant que la contemplation devient ce qu’elle est véritablement destinée à être, c’est moins quelque chose d’infusé par Dieu dans une créature, que Dieu vivant en Dieu et identifiant une vie créée à Sa propre vie, de sorte qu’il ne reste plus rien d’important que Dieu vivant en Dieu.[…] |
Et il ne s’agit pas là d’un aboutissement mais d’un commencement, car en effet, un peu plus loin :
Citation: | Pourtant c’est aussi un commencement. C’est le niveau le plus bas d’un nouvel ordre dans lequel tous les niveaux sont incommensurables et impensables. Ce n’est pas encore la perfection de la vie intérieure. |
C’est là, pour moi, – je n’ai pour l’instant pas trouvé de texte de Merton allant dans ce sens – que « la personne », que je fais figurer dans le titre de ce sujet, prend toute sa dimension ainsi que tout son sens. |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ve 24 Juil 2020 9:52 Sujet du message: |
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Voici ce qu'on trouve page 51 du livre "l'expérience intérieure" de Thomas Merton :
Citation: | Puisqu'en effet notre "je" le plus profond est l'image parfaite de Dieu, lorsque ce "je" s'éveille , il découvre en lui-même la présence de Celui dont il est l'image. Et par un paradoxe qui transcende toute expression humaine, Dieu et l'âme semblent n'avoir qu'un seul "je". Ils sont (par grâce divine) comme une seule personne. Ils respirent et agissent comme un seul être . Ni "l'un" ni "l'autre" n'est perçu comme objet. |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Je 03 Déc 2020 15:02 Sujet du message: |
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On trouve dans la "vie divine" de Sri Aurobindo, dans le chapitre intitulé "les progrès vers la Connaissance - Dieu, l'homme et la nature" un passage traitant de cette Personne spirituelle objet de ce fil. Je vous laisse le plaisir de cette découverte dans l'extrait concerné :
Citation: | [...]trouver son individualité égoïste n'est pas se connaître ; l'individu spirituel vrai n'est pas l'ego mental, l'ego vital, l'ego corporel : ce premier mouvement est avant tout un travail de la volonté, du pouvoir, de la réalisation égoïste de soi et, en second lieu seulement, un travail de la connaissance. Aussi, un temps arrive nécessairement où l'homme doit regarder au-dessous de la surface obscure de son être égoïste et chercher à se connaître ; il doit se mettre en quête de l'homme réel : sans quoi, il s'arrêterait à l'éducation élémentaire de la Nature et ne passerait jamais à son enseignement plus profond et plus vaste; si grandes que soient sa connaissance et son efficacité pratiques, il serait à peine supérieur à l'animal. Il doit tout d'abord explorer sa propre psychologie et en distinguer les éléments naturels — l'ego, le mental et ses instruments, la vie, le corps — pour finalement découvrir que toute son existence ne peut s'expliquer par le simple fonctionnement de ses éléments naturels, ni ses activités n'avoir pour but qu'une affirmation de soi et une satisfaction égoïstes. Cette autre explication, cet autre but dont il ressent le besoin, il peut les chercher dans la Nature et l'humanité et se mettre en quête de son unité avec le reste du monde ; il peut les chercher dans la supranature, en Dieu, et partir à la découverte de son unité avec le Divin. En fait, il suit les deux chemins et, hésitant constamment, cherche constamment à se fixer dans les solutions successives qui s'accordent le mieux avec les découvertes partielles qu'il a faites sur sa double ligne de recherche et de découverte.
Mais à ce stade et à travers tout cela, ce qu'il cherche encore obstinément à découvrir, à connaître, à accomplir, c'est lui-même ; sa connaissance de la Nature, sa connaissance de Dieu ne font que l'aider à se connaître lui-même, à réaliser la perfection de son être, à atteindre l'ultime objet de sa propre existence individuelle. Tournées vers la Nature et le cosmos, elles peuvent revêtir l'aspect de la connaissance de soi, de la maîtrise de soi — au sens mental et vital — et de la maîtrise du monde où nous nous trouvons ; tournées vers Dieu, elles peuvent aussi prendre cet aspect, mais en donnant au monde et au moi un sens spirituel plus élevé ; ou elles peuvent prendre la forme, si familière et déterminante pour la mentalité religieuse, de la recherche d'un salut individuel dans des cieux au-delà, ou par une immersion séparée en un Moi suprême ou un suprême Non-Moi — béatitude ou Nirvana. Tout du long, cependant, c'est l'individu qui recherche la connaissance individuelle de son moi et lé but de son existence séparé ; tout le reste, même l'altruisme, l'amour et le service de l'humanité, l'effacement, l'annihilation de soi s'y ajoute — sous quelque déguisement subtil que ce soit — comme une aide et comme un moyen pour satisfaire son unique, sa grande préoccupation : réaliser son individualité. Cela peut sembler n'être qu'un égoïsme élargi, et l'ego séparateur serait alors la vérité de l'être, persistant en l'homme jusqu'à la fin, ou du moins jusqu'à ce qu'il en soit enfin délivré en s'éteignant dans l'éternité sans traits de l'Infini. Mais derrière il y a un secret plus profond qui justifie son individualité et son exigence : le secret de l'individu spirituel éternel, le Purusha.
C'est parce qu'il y a cette Personne spirituelle, cette Divinité dans l'individu, que la perfection ou la libération — le salut, - comme on l'appelle en Occident — doit être individuelle et non pas collective. Toute perfection de la collectivité que l'on puisse rechercher, ne peut en effet venir que de la perfection des individus qui la constituent. C'est parce que l'individu est Cela, qu'il est si nécessaire pour lui de se trouver lui-même. En se soumettant, en se donnant complètement au Suprême, c'est son propre moi qu'il découvre et réalise parfaitement grâce à cette parfaite offrande de lui-même. Dans l'abolition de l'ego mental, vital, physique et même de l'ego spirituel, c'est l'Individu sans forme et sans limites qui goûte la paix et la joie de son évasion en sa propre infinité. Dans l'expérience qu'il n'est rien ni personne, ou qu'il est tout et chacun, ou qu'il est l'Un absolu au-delà de toutes choses, c'est le Brahman dans l'individu qui accomplit la fusion prodigieuse, la merveilleuse union, Yoga, de cette éternelle entité d'être avec son unité d'existence éternelle qui, vaste, contient tout, ou, suprême, transcende tout. Il est impératif de dépasser l'ego, mais on ne peut dépasser le moi — à moins de le découvrir suprêmement, universellement. Car le moi n'est pas l'ego ; il est un avec le Tout et avec l'Un, et en le trouvant c'est le Tout et l'Un que nous découvrons en notre moi : la contradiction, la séparation disparaissent, mais le moi, la réalité spirituelle demeure, unie a l'Un et au Tout par cette disparition libératrice.[...] |
Si quelqu'un était intéressé par le chapitre entier, dont l'objet est plus étendu que ces considérations sur "la personne spirituelle", je pourrais l'ajouter sur le fil consacré à Sri Aurobindo. |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ve 04 Déc 2020 10:20 Sujet du message: |
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Toujours concernant l’individu universel voici ce que nous dit Sri Aurobindo, un peu plus loin à la fin du chapitre de la "Vie divine" intitulé « De la septuple ignorance à la septuple connaissance ». La disparition de l’ego, lors de son approche des cimes de l’Être et de l’Esprit, n’entraine pas, selon lui, la « destruction de la vraie individualité » en laquelle personnel et impersonnel ne s’opposent pas :
Citation: | […]Nous nous débarrassons en même temps de l'ignorance égoïste ; car aussi longtemps qu'elle nous tiendra enchaînés — à quelque étape que ce soit —, la vie divine restera inaccessible, ou son expression demeurera imparfaite. Car l'ego est une falsification de notre individualité vraie, due au fait que celle-ci s'identifie et se limite à cette vie, à ce mental, à ce corps : c'est une séparation d'avec les autres âmes qui nous enferme dans notre expérience individuelle et nous empêche de vivre en tant qu'individu universel ; c'est une séparation d'avec Dieu, notre Moi suprême, qui est l'unique Moi en toutes les existences et l'Habitant divin en nous. Quand un changement de conscience se produit, quand celle-ci atteint à la hauteur, la profondeur et l'immensité de l'esprit, l'ego ne peut survivre ; trop petit et trop faible pour subsister dans cette immensité, il s'y dissout, car il n'existe que par ses limites et périt quand elles disparaissent. L'être emprisonné dans une individualité séparée s'échappe, devient universel, assume une conscience cosmique où il s'identifie avec le moi et l'esprit, avec la vie, le mental, le corps de tous les êtres. Ou bien il s'échappe vers le haut, dans un suprême pinacle, un infini, une éternité d'existence pure, indépendante de son existence cosmique ou individuelle. Perdant son enceinte séparative, l'ego s'effondre dans l'immensité cosmique, ou tombe dans le néant, incapable de respirer sur les cimes de l'éther spirituel. Si, par habitude de la Nature, une partie de ses mouvements subsiste, ceux-ci finissent également par se détacher et sont remplacés par une nouvelle façon personnelle-impersonnelle de voir, de sentir, d'agir. Cette disparition de l'ego n'entraîne pas la destruction de notre individualité vraie, de notre existence spirituelle vraie, qui a toujours été universelle et une avec la Transcendance ; mais il y a une transformation, et l'ego séparateur est remplacé par le Purusha, visage et symbole conscients de l'être universel, moi et pouvoir du Divin transcendant dans la Nature cosmique.
Dans le même mouvement, et du fait de cet éveil en l'esprit, l'ignorance cosmique se dissout, car nous nous connaissons en tant que moi intemporel qui se possède dans le cosmos et au-delà du cosmos ; cette connaissance devient la base du Jeu Divin dans le temps, réconcilie l'un et le multiple, l'unité éternelle et l'éternelle multiplicité, réunit l'âme à Dieu et découvre le Divin dans l'univers. C'est par cette réalisation que nous pouvons nous approcher de l'Absolu comme origine de toutes les circonstances et de toutes les relations, posséder le monde en nous-mêmes dans sa plus vaste étendue, tout en demeurant consciemment relié à sa source et, en l'intégrant ainsi, l'élever et réaliser à travers lui les valeurs absolues qui convergent en l'Absolu. Si notre connaissance de nous-mêmes est ainsi parachevée dans tous ses éléments essentiels, notre ignorance pratique — qui prend les formes extrêmes du méfait, de la souffrance, du mensonge et de l'erreur, et qui est la cause de toutes les confusions et discordes de la vie —, fera place à la volonté juste de se connaître. Ses valeurs fausses ou imparfaites reculeront alors devant les valeurs divines de la vraie Conscience-Force et du vrai Ânanda. La conscience juste, l'action juste, l'existence juste — non au sens humain et imparfait de notre petite morale humaine, mais dans le mouvement large et lumineux d'une existence divine —, ont pour conditions l'union avec Dieu, l'unité avec tous les êtres, une vie gouvernée et formée du dedans vers le dehors, où la source de toute pensée de toute volonté, de toute action soit l'Esprit œuvrant selon la vérité et la loi divine qui ne sont pas élaborées et construites par le mental d'Ignorance, mais existent en soi et s'accomplissent spontanément — moins une loi que la vérité agissant dans sa propre conscience et suivant le processus libre, lumineux, plastique et automatique de sa connaissance.
Tels sembleraient être la méthode et le résultat de l'évolution spirituelle consciente : une transformation de la vie de l'Ignorance en la vie divine de l'esprit conscient de la vérité, un changement du mode d'être mental en un mode d'être spirituel et supramental, une expansion du moi hors de l'ignorance septuple jusqu'en la septuple connaissance. Cette transformation serait l'aboutissement naturel du processus ascendant de la Nature, à mesure qu'elle élève les forces de la conscience d'un principe à un principe supérieur, jusqu'à ce que le plus haut, le principe spirituel, s'exprime et prédomine en elle, intègre en sa vérité l'existence cosmique et l'existence individuelle des plans inférieurs et transforme tout en une manifestation consciente de l'Esprit. L'individu vrai, l'être spirituel émerge, individuel et cependant universel, universel et transcendant pourtant le moi : la vie n'apparaît plus comme une formation de choses et une action de l'être créées par l'Ignorance séparatrice. |
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rien
Inscrit le: 15 Oct 2017 Messages: 689 Localisation: toulon
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Posté le: Di 06 Déc 2020 22:54 Sujet du message: |
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quelle aventure intérieure , quelle merveille d'équilibre de
forces en actions que celle du vivant , rien que pour " ça " la foi s'engendre d'elle même... sans rien du tout , tellement simple , c'est beau , un chemin sans chemin magnifique ! _________________ une croix , chacun la sienne et dieu pour tous .
a lire symboliquement , bisous bisous et reste là; |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Ve 18 Déc 2020 8:58 Sujet du message: |
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On trouve encore dans « La Synthèse des yogas » de Sri Aurobindo un passage traitant de cet aspect, livre I, page 103 :
Citation: | Même lorsque le petit ego est aboli, la vraie Personne Spirituelle demeure, ainsi que la volonté, le travail et la félicité de Dieu en elle et l’usage à des fins spirituelles de sa perfection et de ses accomplissements. Alors nos œuvres seront divines et accomplies divinement ; notre mental, notre vie et notre volonté, consacrés au Divin, aideront à l’accomplissement, chez les autres et dans le monde, de ce que nous avons tout d’abord réalisé en nous-mêmes – toute l’Unité, l’Amour, le Pouvoir, la Liberté et la Force, la Splendeur et la Joie immortelle que nous pouvons manifester dans un corps, car tel est le but de l’aventure terrestre de l’Esprit. |
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vertgandazert
Inscrit le: 20 Août 2015 Messages: 421 Localisation: Nantes
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Posté le: Ve 18 Déc 2020 9:47 Sujet du message: |
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Bonjour,
@didier, pour répondre à votre question sur un autre "fil", je n'ai pas lu Sri Aurobindo, je trouve la citation que vous rappelez très intéressante et très juste.
Enfin c'est exactement ce que j'aime croire et penser.
Merci _________________ La vie est une expérience, alors expérimentons |
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didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3027 Localisation: Région Parisienne
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Posté le: Di 20 Déc 2020 10:41 Sujet du message: |
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Un peu plus loin, page 122 de la « Synthèse des yogas », Aurobindo résume ce qu’il considère comme étant « l’idéal » visé qu’il exprime par les formules suivantes - cette partie est relative au "don de soi dans les oeuvres" - mais qui pourraient en avoir d’autres équivalentes :
Citation: | Vivre en Dieu et non dans l’ego ; se mouvoir sur les vastes fondations de la conscience de l’Âme totale et du Transcendant, et non dans la petite conscience égoïste.
Être parfaitement égal face à tous les évènements et tous les êtres ; voir et sentir qu’ils ne font qu’un avec nous-mêmes et un avec le Divin ; sentir que tout est en nous et que tout est en Dieu ; sentir Dieu en tout en nous-mêmes en tout.
Agir en Dieu et non dans l’ego. Et d’abord, ne pas choisir l’action en fonction des besoins et des points de vue personnels, mais en obéissance aux ordres de la suprême Vérité vivante au-dessus de nous. Ensuite, dès que nous sommes suffisamment établis en la conscience spirituelle, ne plus agir par notre propre volonté séparée ni par un mouvement indépendant, mais de plus en plus laisser l’action se produire et se dérouler sous l’impulsion et la direction de la Volonté divine au-dessus. Enfin, suprême résultat, s’identifier à la Shakti divine dans la connaissance, la force, la conscience, les actes et la joie de l’existence ; sentir un mouvement dynamique qui n’est plus dominé par les désirs mortels ni par les impulsions et les instincts vitaux, ni par l’illusoire libre arbitre mental, mais lumineusement conçu et entrepris dans une joie intérieure immortelle et une connaissance de soi infinie. Car telle est l’action qui découle de la soumission consciente de l’homme naturel au Moi divin et de sa fusion en l’Esprit éternel ; à jamais l’Esprit transcende et guide la Nature cosmique. |
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