Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
|
Archives ·
Devenir membre ·
Log in · Contact
· Blog
|
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6837 Localisation: Suisse
|
Posté le: Ve 11 Déc 2020 22:00 Sujet du message: L'être, les étants et moi |
|
|
Bonjour,
Il y a l’être, le principe qui permet que quelque chose apparaisse, et les étants, ce qui apparaît, la manifestation. Et puis il y a moi : moi/monde-intérieur, et moi/corps. L’être et les étants sont à l’abri de tout souci. Tout souci ne provient que de moi : que ce soit le souci de la vie quotidienne, le souci pour la planète, le souci pour les autres, ou le souci de ma survie. Sans moi, il n’y aurait ni souci, ni même le moindre bénéfice à parvenir à l’abolition de tout souci.
Donc la question, c’est : qui suis-je ? La vision courante, qu’elle soit matérialiste ou religieuse, conduit à voir le moi comme un étant — qu’il soit créé par le hasard, ou par Dieu. Une quête spirituelle peut amener à découvrir que le moi est l’être. Du coup, plus de souci.
Pourtant une question demeure : que signifie : je suis l’être ? Est-ce une relation d’identité, comme s’il s’agissait de deux synonymes pour désigner la même chose ? Non. L’être est, le moi apparaît. Mais alors s’il apparaît, c’est un étant ? Oui, aussi. Le moi est tout à la fois l’être, et un étant.
Voilà qui complique les choses. Parce que cela veut dire que si ce qu’il y a, c’est l’être et les étants, et que si le moi est à la fois l’être et un étant, alors le moi n’est rien en lui-même : il n’est que l’articulation entre l’être et l’étant. Le moi n’est rien de substantiel, c'est vrai, il est le lieu de passage entre l’être et l’étant. Mais c'est cela qui le rend capital : c'est lui qui fait que quelque chose apparaît. S’il n’y avait que l’être éternel et immuable, rien ne serait manifesté. C’est par moi que l’être se manifeste. Et s’il n’y avait que la manifestation, sans être, il n’y aurait pas de conscience. J’ai souvent dit : c’est moi qui crée l’être. En fait, je me rends compte qu’il serait peut-être plus juste de dire : c’est moi qui fait que l’être est conscient.
Lorsqu’on s’éveille à sa propre réalité, ce que l’on découvre, c’est qu’on est l’être même. Et qu’on l’est depuis toujours. Lorsqu’on est absorbé dans cette évidence, on est hors du temps, hors de la manifestation. C’est cette absorption dont parle le Maharshi, et qui est pour lui la seule réalité ; tout le reste, toute la manifestation, le monde des étants, est pour lui illusoire, Maya.
D’autres considèrent que le moi n’a jamais existé, qu’il est pure illusion. Il n’y a pour eux que l’être et les étants, qui sont confondus en une seule et même réalité unique : l'Un. C’est la position de Ramesh Balsekar, ou de Betty par exemple — ou de Didier Weiss ou de Frank Terreaux aussi, me semble-t-il. Ces enseignants disent qu’il n’y a personne : la personne qui parle n’est pas quelqu’un, mais un étant, un personnage, un gugusse, un organisme corps-esprit. Seule la réalité Une et absolue, est. C’est une position qui est dans le prolongement de celle du Maharshi, mais qui est différente pourtant : le Maharshi n’a jamais dit que le moi était illusoire, mais que la manifestation était illusoire. Donc y compris la dimension manifestée du moi. Pour lui, seul le Soi est réel, et donc le moi aussi, lorsqu'il est absorbé dans le Soi — c'est là qu'il découvre QUI il est. Ce qui conduit les uns et les autres à un comportement différent par rapport à la manifestation : pour le Maharshi, un rapport ascétique, pour les impersonnalistes, un rapport déculpabilisé, voire déresponsabilisé pour certains.
D’autres encore considèrent que le moi se déploie dans un espace situé entre l’être et les étants. Ils le voient comme le lieu où se rencontrent l’être et la manifestation. Le moi peut être alors soit emporté par l’agitation de la manifestation, cherchant vainement dans la pensée une réponse à son état précaire, sans voir que c’est parce qu’il s’appuie sur la pensée, toujours évanescente parce que manifestée, qu’il se trouve dans cet état précaire ; ou alors il peut s’appuyer sur l’être, situé en amont de la pensée, socle immuable précédant toute apparition manifestée. Ceux-ci ne nient pas la réalité du moi, puisqu’ils en font l’articulation entre l’être et l’étant. Ils voient l’état de libération dans le fait de poser son centre de gravité dans l’être, en dehors des pensées, tout en pouvant toujours se laisser emporter par les pensées et la manifestation, dans une forme de respiration, mais revenant toujours au port immuable de l'être. Les enseignants adoptant cette position sont par exemple Isabelle Padovani, et Denis Marie. Je suis retombé sur ce dernier il y a quelques jours, en dépoussiérant les liens de la page d’accueil du site. Je croyais qu’il n’enseignait plus depuis des années, mais ce n’est absolument pas le cas : il a un blog qu’il alimente régulièrement, et donne régulièrement aussi des séminaires. J’ai regardé celui-ci hier, que je trouve tout-à-fait remarquable :
https://youtu.be/JWYYTZJqIZw
Pour ma part, je me sens le plus proche de cette troisième voie. La où je m'en distingue pourtant, c'est que je pense qu'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu. C’est, je crois, également la position de Stephen Jourdain. Ceux pour qui ces mots sybillins sont d'une fulgurante évidence, ceux-là vivent les choses comme je les vis :
«... Et une fois que vous vous serez planté là et serez devenu cela que vous êtes, n'oubliez pas que cela que vous êtes ne possède aucun droit de propriété sur cela que vous êtes ; mais qu'en revanche, vous, vous détenez le droit imprescriptible de résilier, à tout instant, si ça vous chante, le contrat de location qui vous unit à votre identité la plus essentielle — d'abandonner les lieux sans préavis ni inventaire ; et mieux vaut que ça vous chante ! Car ce n'est que par l'usage de ce droit, réellement exorbitant, à être éternellement UN AUTRE, que vous accéderez à MOI et à votre identité véritable »
Stephen Jourdain, L'Autre Rivage, p. 120 |
|
Revenir en haut |
|
 |
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10383 Localisation: belgique
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 3:32 Sujet du message: |
|
|
Bonjour Joaquim !
Difficile pour moi, de se positionner ... En ce qui me concerne, désormais, tout se passe en première personne, sans trop de problème, et, quand il y a des crispations égotiques, parfois, il y a, toujours Soi, en arrière-fond-avant ...  |
|
Revenir en haut |
|
 |
didier
Inscrit le: 18 Fév 2018 Messages: 3311 Localisation: Région Parisienne
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 11:58 Sujet du message: |
|
|
Bonjour joaquim et daniel.
Pour ma part j'ai une position un peu différente puisque j'accorde une pleine réalité à la manifestation dans le contexte d'une évolution dont l'objet est une expression de plus en plus grande du "divin" sur le plan universel comme sur le plan individuel, dans la lignée de Sri Aurobindo et Dominique Schmidt ; ce qui pour moi ne s'oppose pas fondamentalement aux autres positions exprimées car Cela s'expérimente de multiples manières.  |
|
Revenir en haut |
|
 |
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6837 Localisation: Suisse
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 13:36 Sujet du message: |
|
|
Merci daniel et didier pour vos échos. En effet, il y a de multiples manières. Je pense même que chacun a la sienne, et qu’elle est unique. Parce qu’il n’y a pas d’autre voie vers le Soi que celle que Je suis. |
|
Revenir en haut |
|
 |
riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4334 Localisation: paris
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 15:49 Sujet du message: |
|
|
joaquim a écrit: | Denis Marie. Je suis retombé sur ce dernier il y a quelques jours, en dépoussiérant les liens de la page d’accueil du site. Je croyais qu’il n’enseignait plus depuis des années, mais ce n’est absolument pas le cas : il a un blog qu’il alimente régulièrement, et donne régulièrement aussi des séminaires. J’ai regardé celui-ci hier, que je trouve tout-à-fait remarquable :
https://youtu.be/JWYYTZJqIZw |
précision cette video sur le changement de référentiel est la seconde partie d'une rencontre dont voici la première partie " la nature du changement " :
https://youtu.be/OwoLQV2reAc
et la page youtube de toutes ses videos:
https://www.youtube.com/channel/UCsMx-_RiANbO36G0qyHhDyA _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
|
Revenir en haut |
|
 |
Samy
Inscrit le: 31 Oct 2011 Messages: 1992 Localisation: paris
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 16:48 Sujet du message: |
|
|
Bonjour Joaquim , bonjour à tous.
joaquim a écrit: |
'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu. |
c'est ce que je fais dire à mon héros, dans mon roman par sa phrase.
" je veux ce que je vie"
c'est un geste d'abandon à la résistance de son vécu. , car notre vie est un vécu singulier pour chacun, ou nous pouvons partager la même expérience d'unité dans la saveur d'être de la vie. cette saveur d'etre c'est le lien d'amour qui relie l'etre et l'étant. il y a connaissance que je suis et je suis cela...
Ce don de soi , invite à une rencontre intime , ou nous sommes nus , cad vide d'arriere-pensées , de jugements et donc totalement réceptif à la manifestation.
je ne veux pas autres choses que ce que je vis Maintenant.
DES OUI A la manifestation de mes créations qui s'écoulent dans un Maintenant infini.
Une question me vient, qu'est ce qu'est ce que le Sacré est pour vous ?
nest t'il pas ce qui invite à l'abandon de soi au mystère , un moyen de faire taire la pensée , et trouver la force de Dire OUI sans pourquoi à sa vie?
mais peut etre faut il le mettre dans un autre post? _________________ Si l'on vous demande : Quel est le signe de votre Père qui est en vous ? Dites-leur : C'est un mouvement et un repos . Thomas (evangile apocryphe) |
|
Revenir en haut |
|
 |
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6837 Localisation: Suisse
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 18:05 Sujet du message: |
|
|
Bonjour sèpher,
sèpher a écrit: | c'est ce que je fais dire à mon héros, dans mon roman par sa phrase.
" je veux ce que je vie" |
Voici en écho ces mots qu'on trouve sur la page d'accueil du site :
"En fait, il faut ne pas vouloir y entrer. Il ne suffit pas de ne pas vouloir y entrer : il faut ne pas vouloir y entrer. La passivité ne mène à rien. Il faut être actif, mais une activité entièrement occupée par l’attente — plus encore, entièrement satisfaite par l’attente."
http://www.cafe-eveil.org/
sèpher a écrit: | Une question me vient, qu'est ce qu'est ce que Sacré pour vous ?
nest t'il pas ce qui invite à l'abandon de soi au mystère , un moyen de faire taire la pensée , et trouver la force de Dire OUI sans pourquoi à sa vie?
mais peut etre faut il le mettre dans un autre post? |
Lorsqu’on est dans cette attitude intérieure-là, tout est sacré. Tout est Inconnu, tout est invitation à se mettre en arrêt, à mettre à l’arrêt notre machine à savoir et à croire. Au fond, la foi, c’est cesser de croire. C’est cesser de croire que l’on sait, et faire confiance à ce qui échappe à tout savoir et à toute croyance. Cette confiance est une prise de risque : le risque de l’inconnu. Et elle est une transgression : la transgression de ce qu’on croit. "Si tu rencontres le Bouddha, tues-le".
C’est un geste qui est un non-geste, puisque c’est le geste de cesser de faire. Mais c’est aussi un non-geste qui est un geste, puisque c’est le geste d’oser être. L’être n’est pas quelque chose qu'on puisse simplement laisser être, devant lequel il suffirait de s’effacer pour qu’il nous révèle notre propre être. Non, il a besoin de nous, de notre présence — entièrement donnée, et activement présente. Il n'existe pas d'autre être que celui qui se révèle dans notre présence personnelle. |
|
Revenir en haut |
|
 |
riseohms
Inscrit le: 30 Nov 2009 Messages: 4334 Localisation: paris
|
Posté le: Sa 12 Déc 2020 23:00 Sujet du message: Re: L'être, les étants et moi |
|
|
joaquim a écrit: | Bonjour,
Il y a l’être, le principe qui permet que quelque chose apparaisse, et les étants, ce qui apparaît, la manifestation. Et puis il y a moi : moi/monde-intérieur, et moi/corps. L’être et les étants sont à l’abri de tout souci. Tout souci ne provient que de moi : que ce soit le souci de la vie quotidienne, le souci pour la planète, le souci pour les autres, ou le souci de ma survie. Sans moi, il n’y aurait ni souci, ni même le moindre bénéfice à parvenir à l’abolition de tout souci.
Donc la question, c’est : qui suis-je ? La vision courante, qu’elle soit matérialiste ou religieuse, conduit à voir le moi comme un étant — qu’il soit créé par le hasard, ou par Dieu. Une quête spirituelle peut amener à découvrir que le moi est l’être. Du coup, plus de souci.
Pourtant une question demeure : que signifie : je suis l’être ? Est-ce une relation d’identité, comme s’il s’agissait de deux synonymes pour désigner la même chose ? Non. L’être est, le moi apparaît. Mais alors s’il apparaît, c’est un étant ? Oui, aussi. Le moi est tout à la fois l’être, et un étant.
Voilà qui complique les choses. Parce que cela veut dire que si ce qu’il y a, c’est l’être et les étants, et que si le moi est à la fois l’être et un étant, alors le moi n’est rien en lui-même : il n’est que l’articulation entre l’être et l’étant. Le moi n’est rien de substantiel, c'est vrai, il est le lieu de passage entre l’être et l’étant. Mais c'est cela qui le rend capital : c'est lui qui fait que quelque chose apparaît. S’il n’y avait que l’être éternel et immuable, rien ne serait manifesté. C’est par moi que l’être se manifeste. Et s’il n’y avait que la manifestation, sans être, il n’y aurait pas de conscience. J’ai souvent dit : c’est moi qui crée l’être. En fait, je me rends compte qu’il serait peut-être plus juste de dire : c’est moi qui fait que l’être est conscient.
Lorsqu’on s’éveille à sa propre réalité, ce que l’on découvre, c’est qu’on est l’être même. Et qu’on l’est depuis toujours. Lorsqu’on est absorbé dans cette évidence, on est hors du temps, hors de la manifestation. C’est cette absorption dont parle le Maharshi, et qui est pour lui la seule réalité ; tout le reste, toute la manifestation, le monde des étants, est pour lui illusoire, Maya.
D’autres considèrent que le moi n’a jamais existé, qu’il est pure illusion. Il n’y a pour eux que l’être et les étants, qui sont confondus en une seule et même réalité unique : l'Un. C’est la position de Ramesh Balsekar, ou de Betty par exemple — ou de Didier Weiss ou de Frank Terreaux aussi, me semble-t-il. Ces enseignants disent qu’il n’y a personne : la personne qui parle n’est pas quelqu’un, mais un étant, un personnage, un gugusse, un organisme corps-esprit. Seule la réalité Une et absolue, est. C’est une position qui est dans le prolongement de celle du Maharshi, mais qui est différente pourtant : le Maharshi n’a jamais dit que le moi était illusoire, mais que la manifestation était illusoire. Donc y compris la dimension manifestée du moi. Pour lui, seul le Soi est réel, et donc le moi aussi, lorsqu'il est absorbé dans le Soi — c'est là qu'il découvre QUI il est. Ce qui conduit les uns et les autres à un comportement différent par rapport à la manifestation : pour le Maharshi, un rapport ascétique, pour les impersonnalistes, un rapport déculpabilisé, voire déresponsabilisé pour certains.
D’autres encore considèrent que le moi se déploie dans un espace situé entre l’être et les étants. Ils le voient comme le lieu où se rencontrent l’être et la manifestation. Le moi peut être alors soit emporté par l’agitation de la manifestation, cherchant vainement dans la pensée une réponse à son état précaire, sans voir que c’est parce qu’il s’appuie sur la pensée, toujours évanescente parce que manifestée, qu’il se trouve dans cet état précaire ; ou alors il peut s’appuyer sur l’être, situé en amont de la pensée, socle immuable précédant toute apparition manifestée. Ceux-ci ne nient pas la réalité du moi, puisqu’ils en font l’articulation entre l’être et l’étant. Ils voient l’état de libération dans le fait de poser son centre de gravité dans l’être, en dehors des pensées, tout en pouvant toujours se laisser emporter par les pensées et la manifestation, dans une forme de respiration, mais revenant toujours au port immuable de l'être. Les enseignants adoptant cette position sont par exemple Isabelle Padovani, et Denis Marie. Je suis retombé sur ce dernier il y a quelques jours, en dépoussiérant les liens de la page d’accueil du site. Je croyais qu’il n’enseignait plus depuis des années, mais ce n’est absolument pas le cas : il a un blog qu’il alimente régulièrement, et donne régulièrement aussi des séminaires. J’ai regardé celui-ci hier, que je trouve tout-à-fait remarquable :
https://youtu.be/JWYYTZJqIZw
Pour ma part, je me sens le plus proche de cette troisième voie. La où je m'en distingue pourtant, c'est que je pense qu'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu. C’est, je crois, également la position de Stephen Jourdain. Ceux pour qui ces mots sybillins sont d'une fulgurante évidence, ceux-là vivent les choses comme je les vis :
«... Et une fois que vous vous serez planté là et serez devenu cela que vous êtes, n'oubliez pas que cela que vous êtes ne possède aucun droit de propriété sur cela que vous êtes ; mais qu'en revanche, vous, vous détenez le droit imprescriptible de résilier, à tout instant, si ça vous chante, le contrat de location qui vous unit à votre identité la plus essentielle — d'abandonner les lieux sans préavis ni inventaire ; et mieux vaut que ça vous chante ! Car ce n'est que par l'usage de ce droit, réellement exorbitant, à être éternellement UN AUTRE, que vous accéderez à MOI et à votre identité véritable »
Stephen Jourdain, L'Autre Rivage, p. 120 |
bonjour Joaquim
Joaquim a écrit: | je pense qu'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu
|
effectivement, Denis Marie parle de prendre appui dans l'immuable, ce qui est permanent en nous , autrement dit l'être
et il dit que c'est la libération
j'ai longtemps pensé cela et j'ai constaté que ce n'était pas la libération.
s'appuyer c'est comme tu dis "se ménager un strapontin de sécurité "et pour moi ce n'est pas être libre
être libre c'est être sans appui ni demeure, comme disent les maitres zen.
dans ce que j’appelle l'état naturel, on ne s’appuie ni sur l’être ni sur la pensée et de ce fait il y a bien cette immobilité dont Denis Marie parle aussi
) mais on ne s'appuie pas non plus sur elle, on l'est .
et cette immobilité naturelle permet effectivement de se donner tout entier à la manifestation"
parce qu'on ne le réfère pas à un autre qu'elle-même qui lui serait extérieur comme un moi ou la conscience ou l'être
ce n'est pas que le moi n'existe pas mais comme tu dis il n'est rien de substantiel , il est rien et donc il n'est rien de mental non plus, parce que c’est juste un processus , un mouvement .
à la place du moi il y a cette immobilité .
ce qui a disparu ce n’est pas le moi en tant que tel mais son histoire mentale , le moi fictif que j’appelle « le double .
le moi réel et vivant c'est-à-dire la personne psycho-physique ne disparait pas et faire partie intégrante de la manifestation,
joaquim a écrit: | le Maharshi n’a jamais dit que le moi était illusoire, mais que la manifestation était illusoire. Donc y compris la dimension manifestée du moi. Pour lui, seul le Soi est réel, et donc le moi aussi, lorsqu'il est absorbé dans le Soi — c'est là qu'il découvre QUI il est. |
Ici je retrouve mon idée : le moi c’est le soi en mouvement et le soi c’est le moi au repos ,
il n’ y a pas deux moi mais un seul.
Et comme tu dis le moi est à la fois être ( soi ) et étant ( moi un tel )
l'immobilité dans l'état naturel n'empêche pas d'avoir du souci pour les choses, les autres ou sa propre personne mais dans le sens noble du mot souci : "prendre soin "
tout souci ne disparait pas dans l'état naturel, il sert l'action.
ce qui disparait c'est la dimension psychologique qui pourrait entraver l'action, et je ne dis pas toute la dimension psychologique .
si le moi doit être l'intermédiaire entre l'être et l'étant, il lui faut rester pur et transparent et non pas opaque et bloqué sur lui-même sinon la lumière ne passe pas
Joaquim a écrit: | C’est un geste qui est un non-geste, puisque c’est le geste de cesser de faire. Mais c’est aussi un non-geste qui est un geste, puisque c’est le geste d’oser être. L’être n’est pas quelque chose qu'on puisse simplement laisser être, devant lequel il suffirait de s’effacer pour qu’il nous révèle notre propre être. Non, il a besoin de nous, de notre présence — entièrement donnée, et activement présente. Il n'existe pas d'autre être que celui qui se révèle dans notre présence personnelle. |
oser être c'est une idée qui n'a jamais été claire pour moi , tu pourrais donner un exemple plus concret ? _________________ l’éveil c'est l'esprit qui, libre de tout objet ,reposant en soi et accueillant tout, se révèle à lui-même |
|
Revenir en haut |
|
 |
konrad
Inscrit le: 25 Mars 2018 Messages: 1974 Localisation: En van...dredi.
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 16:12 Sujet du message: Re: L'être, les étants et moi |
|
|
Bonjour,
Je ne suis pas très familier de ces termes philosophiques et je suis, en ce moment, un peu loin de préoccupations spirituelles. Néanmoins votre propos ravive ma flamme intérieure et en passant j’admire votre persévérance à préciser "l'éveil". Ce que je trouve indispensable et salutaire. Cependant je n'ai aucune raisons à l'acquiescement de votre démonstration, je n'ai que des intuitions et une sensibilité. N'empêche, voilà ce qui emporte mon adhésion.
joaquim a écrit: |
c'est que je pense qu'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu. |
Radicalité, qui n'est pas relatif à ce qui est extrême, mais touche à la racine à l'essence. Ce n'est, tel que je l'entends, que dans cet acte de "déracinement" volontaire et conscient que l'on peut accéder à l'absolu. S'il n'y avait pas un acte aussi "radical" l'absolu ne serait pas l'absolu, mais un simple état passager et transitoire.
Je ne comprends pas tout de ce passage de Jourdain, si ce n'est la liberté de "Dieu" de fondre sur "qui" elle veut sans conditions et de la créature de répudier le contrat. Cette "exorbitance" est un "gage" de l'absolu. Il demande tout, ou rien.
joaquim a écrit: | L’être n’est pas quelque chose qu'on puisse simplement laisser être, devant lequel il suffirait de s’effacer pour qu’il nous révèle notre propre être. Non, il a besoin de nous, de notre présence — entièrement donnée, et activement présente. Il n'existe pas d'autre être que celui qui se révèle dans notre présence personnelle. |
Un peu plus haut vous dites : joaquim a écrit: | La passivité ne mène à rien. Il faut être actif, mais une activité entièrement occupée par l’attente — plus encore, entièrement satisfaite par l’attente. |
Cela m'apparait capital, essentiel, il ne peut s'agir que d'un acte personnel. Dire oui donne accès à une forme de plénitude, mais ne dévoile pas l'entièreté de l’illusion. Il est nécessaire que la créature décide librement et consciemment de dire non pour que le voile de "l'hallucination" se lève totalement.
C'est ce non, capital, que je ne décèle pas dans la majorité des propos sur l'éveil que j'entends ou lis ici et là. Et c'est, à mon avis, ce qui fait la différence fondamentale entre personnel et impersonnel.
En tout cas je ne sais si je suis clair, mais vous l'êtes pour moi et je vous en remercie.
Cordialement. |
|
Revenir en haut |
|
 |
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10383 Localisation: belgique
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 16:51 Sujet du message: |
|
|
Bonjour Konrad !
J'espère que tu ne dois pas faire face, à trop de difficultés, en ce moment !
C'est vrai, qu'en disant non, à ce qui est, c'est la meilleure façon de se retrouver, en port à faux, et d'en prendre conscience !  |
|
Revenir en haut |
|
 |
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10383 Localisation: belgique
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 17:35 Sujet du message: |
|
|
Bonjour Joaquim !
Tu dis :
Citation: | Pour ma part, je me sens le plus proche de cette troisième voie. La où je m'en distingue pourtant, c'est que je pense qu'il est nécessaire de se donner tout entier à la manifestation, sans se ménager un strapontin de sécurité dans l’immuable. Car ce n’est qu’en s’y donnant tout entier, sans retenue, sans arrière-pensée, ce n'est que dans la radicalité de cet acte d'acceptation-là, qu'on se fait absolu |
Est-c'que ça ne rejoint pas, un peu, en se donnant, entièrement, à la manifestation, l'idée de se déculpabiliser, ou, alors, il s'agit de s'hyper contrôler, si c'est le cas, n'est-ce pas une manière de se mettre, en biais, de la liberté inhérente à l'être !?
Moi, je fais, plutôt, le choix d'être, et de répondre à ce qui se présente ...  |
|
Revenir en haut |
|
 |
konrad
Inscrit le: 25 Mars 2018 Messages: 1974 Localisation: En van...dredi.
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 19:42 Sujet du message: |
|
|
daniel a écrit: | Bonjour Konrad !
J'espère que tu ne dois pas faire face, à trop de difficultés, en ce moment !  |
Bonsoir Daniel,
Non merci, je pense que j'ai les difficultés à ma mesure.
daniel a écrit: | C'est vrai, qu'en disant non, à ce qui est, c'est la meilleure façon de se retrouver, en port à faux, et d'en prendre conscience !  |
En fait ce n'est pas dire non à ce qui est, car ce qui est ; est ! Mais dans ce qui est, faut-il tout prendre ? Faut-il dire oui à tout sans réserve ? Pour moi, non veut dire poser une limite, rendre à César ce qui est à César en quelque sorte.
Je dis oui à ce qui m'arrive, car cela m'arrive. Mais je dis aussi non si dans ce qui m'arrive se glisse un alinéa écrit en tout petit en fin de contrat.  |
|
Revenir en haut |
|
 |
joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6837 Localisation: Suisse
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 20:35 Sujet du message: |
|
|
Merci konrad !
Vous avez raison, le oui ne suffit pas : il faut aussi le non. C’est le non, bien plus que le oui, qui nous est réellement personnel. Ce qui nous institue en tant que personne, c’est notre capacité à dire non. Nous ne savons pas qui nous sommes, mais nous nous découvrons à travers ce que nous refusons — tout ce qui nous aliène. J’aime beaucoup cet exemple que donne Maurice Zundel, et qui répond du même coup à la question de Joel :
«Vous vous rappelez cet épisode raconté par Gottfried Keller: un enfant qui est enfant unique d'une mère devenue veuve, qui n'a que lui au monde, qui lui prodigue toute sa tendresse et toute son attention, qui va l'élever dans un protestantisme traditionnel à base biblique, qui lui a appris à faire ses prières le matin et le soir et avant de se mettre à table, cet enfant revient de l'école, se met à table sans faire sa prière et, rappelé à l'ordre par sa mère, feint de ne pas entendre, finalement se braque, se butte, refuse, dit non. "Tu ne veux pas faire ta prière?" - "Non" - "Eh bien, va te coucher sans souper. " L'enfant relève le défi, va se coucher sans souper, sa mère se ravise, lui apporte son souper dans son lit. C'est trop tard depuis ce jour il cessa de prier.
Ce détail infinitésimal a eu pourtant une pleine signification: il nous rend sensible l'autonomie qui commence à s'éveiller dans une âme, ce sentiment d'un être humain qu'il y a en lui quelque chose d'inviolable où personne ne peut pénétrer sans son aveu.
Et en effet c'est bien cela qui est une des expériences humaines les plus courantes et les plus fondamentales, en creux sinon en relief dans le sens que c'est presque toujours lorsque la dignité est méconnue que l'homme en prend conscience. C'est quand elle est foulée au pieds qu'il se rend compte qu'il y a en lui une valeur infinie et à laquelle d'ailleurs il ne sait pas donner un nom mais, dans ce moment de révolte contre une agression qui le piétine, il prend conscience d'une certaine dimension dont, la plupart du temps, il ne deviendra pas pleinement maître, il n'arrive pas à la réaliser mais enfin, c'était clair: il y a dans l'homme une zone d'inviolable.
http://www.cafe-eveil.org/forum/viewtopic.php?p=38018#38018
Le non, c’est dire : je ne suis pas cela. Ce sont comme les coups de ciseau d’un sculpteur, qui nous révèle à nous-mêmes en nous dégageant de notre gangue. Cette instance en nous qui dit non — le sabre de Jourdain — c’est ce que nous sommes vraiment. Mais elle ne se révèle jamais elle-même : elle nous dessine toujours en creux. La présence active dont je parle, c’est se laisser investir par cette instance, pour devenir elle — c’est-à-dire soi. Pour cela, il ne suffit pas de s’effacer : il faut se faire totale confiance, s’accorder le droit d’être, sans réserve. |
|
Revenir en haut |
|
 |
Alain V
Inscrit le: 24 Fév 2007 Messages: 6971
|
Posté le: Di 13 Déc 2020 21:26 Sujet du message: |
|
|
Chacun son parcours ...
Dans mon parcours, finalement, les choses se simplifient avec le temps.
Je joue la carte de la manifestation. Je veux dire que c' est bien ce monde, le monde dans lequel j'évolue, qui m' intéresse vraiment.
Il est un fait que j' y suis mais ... sans l'avoir demandé.
Voilà qui est parfaitement hors de ma volonté.
Ce qui me motive donc c'est de savoir quel est le sens de tout cela, plutôt que de réfléchir sur le " Tout " ou " l' unité " .
Ceci étant, je continue à lire les réflexions profondes exposées ici, notamment celles de Joaquim et de Joël. Elles me donnent un éclairage sur ma démarche , car finalement tout est lié.
Quel est le sens de ce monde manifesté ?
Plus j' avance et plus cela me paraît simple et évident.
Nous sommes ici, avec cette conscience particulière qui nous caractérise, pour expérimenter ce qui fait la vie : le bonheur, le malheur, la souffrance et le bien être.
Mais plus profondément : l' altérité, la relation à l' autre.
Cela est pour moi source de révélations.
Je pense que tout est relations et que c'est dans les relations que tout se produit.
C' est un peu comme une alchimie parce que cela peut révéler des dimensions cachées.
Pour moi les mots ne sont que des symboles, c' est le fait d' exister en tant qu' humain et de faire cette expérience qui compte.
La révélation de Monet n' est pas uniquement celle du paysage extérieur et de la couleur, c' est aussi et surtout, celle du rapport particulier et intime qui lie le peintre au paysage.
Ainsi, encore une fois, cela signifie que cette révélation ne se trouve pas dans les choses et les êtres, pris isolément, mais dans leur relation.
On peut dire que c' est en quelque une aventure : l'aventure de la conscience. |
|
Revenir en haut |
|
 |
daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10383 Localisation: belgique
|
Posté le: Ma 15 Déc 2020 6:06 Sujet du message: |
|
|
Bonjour Joaquim !
Entre nous, dans les différentes approches que tu proposes (celle de Ramana, de padovani, la tienne ...) je ne vois pas comment, elles expliquent le malheur ... si on lie le malheur à l'égo, combien peuvent en sortir(de l'égo) ... j'ai du mal, à cautionner l'existence de l'être, même totalement neutre, au regard du malheur qui s'abat sur les étants !?  |
|
Revenir en haut |
|
 |
|
|
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets Vous pouvez répondre aux sujets Vous ne pouvez pas éditer vos messages Vous ne pouvez pas supprimer vos messages Vous ne pouvez pas voter dans les sondages
|
Powered by php B.B.
© 2001, 2005 php B.B. Group · Theme and Graphics
by Tim Blackman
Traduction par : php.B.B-fr.com
|
|