Regards sur l'éveil
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iTristan Invité
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Posté le: Sa 29 Mars 2025 11:53 Sujet du message: À propos du gnosticisme |
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Je partage quelques pensées nées de la lecture du Traité Tripartite, dont je précise que je ne l'ai pas encore achevée.
À propos du Père, il y est dit :
Citation: | Mais lui-même tel qu’il est, tel qu’il existe, et dans sa forme propre, il est impossible à aucun intellect de le comprendre, et aucune parole ne le saurait exprimer, ni aucun œil ne le pourrait voir, ni aucun corps ne le pourrait saisir à cause de sa grandeur insondable et de sa profondeur inaccessible et de sa hauteur incommensurable et de son <étendue> qu’on ne saurait contenir.
Telle est la nature de l’Inengendré : il ne se met à l’œuvre à partir de rien d’autre ni n’est apparié, comme ce qui est limité, mais il est doté d’existence, bien que n’ayant ni figure ni forme extérieure que l’on conçoit à partir des sens. De ce fait, il est aussi l’Insaisissable ; s’il est insaisissable, il s’ensuit qu’il est inconnaissable |
Tel que décrit dans ce texte, le "Père" me paraît être un "Dieu" pour le moins lointain, comme retranché du monde depuis des hauteurs à jamais inaccessibles pour nous. Et, en effet, dans le mythe développé dans ce traité, lorsque les hommes sont engendrés, ils le sont de façon totalement extérieure au "Père", la séparation entre eux et "Lui" est totale, et les hommes entrent dans l'existence dans la plus complète ignorance de qui "Il" est. Et c'est donc au Christ qu'il revient de restaurer l'unité de la Création en intégrant notre monde (le "Logos") au cosmos (le "Plérôme") émané de la lumière du "Père". Il est donc tout à fait explicite dans ce texte que, si ce n'est par la révélation de la doctrine du Christ, les hommes sont dans l’impossibilité de connaître l'existence du "Père" et plus encore de le connaître en personne, si j'ose dire.
Or, pour ma part, le Dieu que je connais n'est pas celui qui est décrit dans ce texte, car, non seulement Il est un Dieu qui est au contraire très proche de nous, mais plus encore, Il a à chaque instant une pleine participation à l'engendrement de notre être dont Il est la substance même, et, en ce sens, ce Dieu que je connais n'est autre que nous-mêmes, ainsi que le monde dans son entier. De plus, je prétends que non seulement, contrairement à ce qui est affirmé, nous pouvons connaître Dieu, mais qu'au surplus, si nos sens sont pleinement impliqués dans cette prise de connaissance, Le connaître ne dépend en aucune manière de quelque doctrine particulière ou de quelque messie que ce soit. Il n'est pas besoin à mon sens de passer par le Christ pour être en Dieu, et je dirais même que la doctrine du Christ peut y faire gravement obstacle. |
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iTristan Invité
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Posté le: Sa 29 Mars 2025 11:56 Sujet du message: |
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Le Traité Tripartite est en ligne ICI.
Citation: | À proprement parler, lui seul, le bon, le Père inengendré et parfait sans déficience, est plénitude, celui qui est plein de tous ses biens, de toute qualité excellente et de toute valeur. Plus encore, il est dénué d’envie, de sorte que, tout en possédant, il donne tout ce qu’il possède, sans que cela ne l’affecte et sans qu’il ne souffre à cause de ce qu’il donne. Car il est riche de ses dons et il trouve son repos dans les grâces qu’il distribue |
Nous avons là une description du Père, qui est don par nature, Il est donc un Dieu qui se dispense avec prodigalité, un Dieu qui s'accomplit dans l'acte même de donner. Ce qui contraste fortement avec le dieu de l'Ancien Testament que les gnostiques considèrent n'être qu'une créature archontique engendrée par un acte inconsidéré de l'éon Sophia, et privée de la lumière du Plérôme de Dieu.
Ce qui s'illustre bien par cette parole du dieu de l'Ancien Testament, en Exode 20:5-6 : Citation: | moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, |
Toujours à propos du Père, il est dit dans le traité :
Citation: | Celui donc qui est inconnaissable dans sa nature, et qui possède toutes les grandeurs dont j’ai déjà parlé, a la faculté, s’il le désire, de donner la connaissance pour qu’on le connaisse par la surabondance de sa douceur. Il est doté d’une puissance égale à sa volonté. Toutefois, il se maintient dans le silence — qu’il est lui-même |
Donc la nature du Père est inconnaissable, mais il peut néanmoins se faire connaître par transmission de connaissance. Nous avons donc un Père qui désire être connu de ses créatures, ce qui est confirmé par le passage suivant : Citation: | Tant qu’ils sont demeurés dans la Pensée du Père, c’est-à-dire tant qu’ils sont demeurés dans la Profondeur cachée, la Profondeur les connaissait certes, mais eux ne pouvaient connaître la Profondeur en laquelle ils se trouvaient, ni se connaître eux-mêmes, ni connaître quoi que ce soit d’autre. C’est qu’ils existaient avec le Père, et ils n’existaient pas pour eux-mêmes [...].
C’est également pour cela que le Père a prévu à leur sujet non seulement qu’ils existeraient pour lui, mais qu’ils existeraient aussi pour eux-mêmes ; qu’ils existeraient donc dans [sa] pensée en tant que substance intellectuelle, mais qu’ils existeraient aussi pour eux-mêmes |
Mais comme il est dit dans les Évangiles, par la bouche même de Jésus, que nul ne peut venir au Père sans passer par lui, le traité dédouble le Père dans son être. En conséquence de quoi, le Père est porteur en lui du Fils, qui existe dans le Père sans qu'il y ait eu génération du Fils par le Père, les deux ne formant en réalité qu'un seul et même être éternellement.
À propos du Fils, il est dit :
Citation: | Et il porte son fruit qui resta inconnu à cause de son excessive grandeur, et il voulait qu’on le connût à cause de la richesse de sa douceur. Et il révéla sa puissance indescriptible, et il la mélangea à la surabondance de sa libéralité. |
On comprend donc qu'il revient au Fils de faire connaître le Père, ce qui est rendu nécessaire pour que le récit soit conforme aux Évangiles.
Deux éléments essentiels ressortent donc de la lecture de ce texte, et qui permettent selon moi de comprendre comment les gnostiques, et en particulier le ou les auteur(s) du traité, ont élaboré la mythologie gnostique.
D'abord, les gnostiques postulent que le Père tel qu'il est révélé par le Christ dans les Évangiles ne peut pas être le dieu de l'Ancien Testament, leur nature respective, leur personnalité pourrait-on dire, étant trop contrastées. Mais, puisque dans les Évangiles, Jésus ne nie à aucun moment l'existence de Yahvé ni la véracité des Écritures hébraïques, il faut bien que Yahvé existe tout de même et qu'il soit tel que décrit dans l'Ancien Testament. Yahvé sera donc conçu par les gnostiques comme un dieu inférieur, le créateur du monde certes, mais pas pour autant le Dieu véritable, lequel est le Père dont Jésus est venu révéler aux hébreux et au monde l'existence.
Ensuite, la description du Père, en tant qu'il est aussi le Fils, est élaborée à partir du contenu des Évangiles et en conformité avec cette parole du Christ, en Jean 14:6-7 Citation: | Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. |
Le Père étant un Dieu qui désire être connu de ses créatures, mais ne le faisant pas car sa nature ne le permet pas, cette fonction est dévolue au Fils, le Christ, qui est dans le Père de toute éternité et qui partage avec lui sa nature et son être. Il revient donc au Christ de transmettre la connaissance nécessaire à la connaissance du Père, et c'est précisément ce qui sera tout le sens de sa mission lors de sa venue au monde, tel que Jésus l'exprime lui-même dans les Évangiles. |
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iTristan Invité
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Posté le: Sa 29 Mars 2025 11:59 Sujet du message: |
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L'Apocryphon de Jean, qui est un des livres majeurs de la bibliothèque de Nag Hammadi contient un mythe anthropogonique représentatif de l'interprétation gnostique de l'Ancien Testament, et je trouve très intéressant d'observer qu'il repose sur un reversement complet de la perspective hébraïque du second récit de la Génèse.
Pour résumer, lorsque l'éon Sophia engendre malencontreusement Ialdabaôth, elle lui transmet involontairement un peu de sa puissance divine, donnant à ce dernier le pouvoir de créer et d'engendrer, ce qu'il ne va pas se priver de faire en engendrant les puissances et les anges des ténèbres. Mais ayant lui-même été créé dans les ténèbres, privé de la lumière divine, Ialdabaôth ne connaît ni sa mère ni rien du Plérôme et du Père, et c'est ce qui lui fait proclamer : « Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi. » (Ésaïe 45:5).
Pour l'éon Sophia, responsable de cette catastrophe cosmique, c'est évidemment un drame, elle se met donc en devoir de retirer à son fils la puissance qu'il possède. Or lorsque celui-ci décide avec ses anges de former un homme à son image, l'Adam, ils se trouvent dans l'impossibilité d'animer l'homme en question, et, par un stratagème qu'il serait trop long de développer, la Sophia parvient à le convaincre de transmettre sa puissance à l'homme afin de lui insuffler la vie, ce que faisant Ialdabaôth perd de sa puissance.
De plus, pris de pitié pour l'Adam ainsi livré au forces des ténèbres, Dieu, le Père, projette en lui la Pensée-supérieure (Epinoia) afin de l'éclairer. Constatant cela, et comprenant que l'intelligence de l'Adam le rendrait désobéissant, Ialdabaôth jette l'homme dans une profonde torpeur afin d'extraire cette puissance lumineuse de sa côte, suscitant la conception d'une autre créature, l'Ève. Reconnaissant alors en Ève l'Epinoia, l'Adam s'exclame : « Maintenant, c’est (bien) un os de mes os et de la chair de ma chair ! ». (Genèse 2:23-24)
Enfin, grâce à l'Epinoia d'Ève, l'Adam apprend à manger à l'arbre de la connaissance afin de retrouver la mémoire de sa perfection divine. C'est ainsi que Ialdabaôth décide de les chasser tous deux du Paradis et condamne l'Ève à vivre sous la domination de l'Adam. (Genèse 2:3:16) |
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iTristan Invité
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Posté le: Sa 29 Mars 2025 12:00 Sujet du message: |
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Bonjour,
Toutes les sources que j'ai pu consulter s'accordent pour dire que les codex de Nag Hammadi sont très tardifs, leur rédaction daterait du IVe siècle. Ils seraient des versions coptes de textes grecs à l'origine dont la composition se situerait autour des IIe et IIIe siècles.
Citation: | D’abord rédigés en grec, vraisemblablement au cours des IIe et IIIe siècles, ces textes ont ensuite été traduits en copte, la langue de l’Égypte de cette époque, puis copiés vers le milieu du IVe siècle dans des codices qui ont par la suite été enfouis dans une jarre, probablement au début du Ve siècle.
https://www.naghammadi.org/collections-gnostiques-coptes |
Compte tenu de la cohérence de ces textes avec le contenu des évangiles canoniques, mon sentiment personnel est qu'ils se basent sur les mêmes idées que les canoniques qui devaient alors circuler depuis plusieurs décennies déjà. D'ailleurs, ils ne contiennent aucun élément original qui permettrait de les dater antérieurement aux canoniques et de penser qu'ils seraient issus d'une transmission directe et secrète remontant à la prédication de Jésus. Plutôt qu'un enseignement occulte délivré à quelques privilégiés par Jésus, il semble que ces textes contiennent des spéculations assez tardives dont la spécificité est de s'opposer au judaïsme et à l'idéologie de l'Ancien Testament. Tout ceci concordant avec les conclusions des spécialistes établissant leur origine dans les milieux grecs christianisés du IIe et IIIe, je ne vois aucune raison de rejeter ces conclusions. |
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