Regards sur l'éveil
Café philosophique, littéraire et scientifique
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 15:45 Sujet du message: La vie hors de l'aquarium. |
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Salut les amis... je viens cette fois discuter de nouvelles expériences... j'avais naguère raconté ici quelques-unes de mes aventures spirituelles... celles-ci m'avaient nettoyé pour de bon et je ne ressentais plus le besoin de chercher quoi que ce soit... je suis retourné à la vie... j'ai écrit beaucoup... encore des fois des révélations fugaces... le voile qui se lève un instant... mais aussi une couche à changer... une amante à faire patienter... les courses à ranger... mais toujours en deçà de ça quelque chose me chuchotait... ne t'en fais pas tu es sur la bonne voie... mais la bonne voie de quoi mon coco... moi je cherche rien... comme m'avait dit un ami cher... si un homme plante un arbre... écrit un livre... et fait un enfant... alors il a fait son devoir sur la terre... ben j’étais dans les clous là... alors après quinze années de mariage... une love affair avec une féline de l’ouest... et pressions sexuelles de la part d’une libraire... je me suis retrouvé dans ce qu’on peut appeler un trou... seul... avec juste de quoi survivre... un seau... un petit frigo... de la connexion... ma guitare... et toujours celui qui chuchote derrière... alors on est pas bien là, mon coco... tu te fous de moi... je dégustais des sushis à cent euros le plateau au bord d’une plage avec une belle japonaise maso que j’allais faire danser la nuit durant... alors de quoi tu parles... et puis là... plus rien... il était parti... et j’ai entendu les petits moucherons bourdonner pour la première fois... mes tempes tambourinaient fort dans mon crâne... et ma respiration se tordait... j’étais arrivé au bout de moi-même... de ce qu’était moi... m’aide... Un nouveau plateau du jeu de la vie s’ouvrait à moi… here come a new challenger!… vous repartez à zéro… prêt ?... plus rien à sauvegarder… plus de bonus... plus de continue… juste toi… ton souffle… et la sensation bizarre dans la gorge que le monde avait changé de texture… les gens me parlaient encore comme avant… sauf que moi j’écoutais plus pareil… y’avait comme une réverb' étrange sur leurs mots… tout sonnait creux… programmé… automatique… alors j’ai souri… et j’ai attendu que la voix revienne… celle du fond… celle qui me chuchotait… doucement… t’es pas mort… t’es juste passé au niveau suivant... |
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Samy
Inscrit le: 31 Oct 2011 Messages: 1992 Localisation: paris
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 15:58 Sujet du message: |
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Hello Mo
Merci pour ton partage. _________________ Si l'on vous demande : Quel est le signe de votre Père qui est en vous ? Dites-leur : C'est un mouvement et un repos . Thomas (evangile apocryphe) |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 16:16 Sujet du message: |
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Samy a écrit: | Hello Mo
Merci pour ton partage. |
Je t'en pris la suite arrive, j'ai hate de partager ça avec vous. |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 16:50 Sujet du message: |
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Comment on réapprend à vivre ?...
À semi SDF... j’avais des économies... un petit job d’animateur qui me faisait fortement chier...
Mes livres me nourrissaient de l’intérieur... mais pas mon estomac...
J’avais envie de les buter... ces ados endormis... avec le smartphone encastré dans le fion H24... génération morte dans le film...
Moi je devais régler le problème de où chier... pisser... me laver...
Trouver de l’eau pour boire...
Vous voulez savoir ce que c’est l’enfer ?... le réel ?...
Le beau milieu de la nuit avec l’envie de chier sans chiotte...
Ou une gorge sèche... pas un robinet à des kilomètres...
Ça... ça fait cogiter… Alors le ventre gonflé... qui hurlait à la mort…
La bouche pâteuse... je suis sorti dehors et j’ai marché…
Perdu... errant... pas loin de chialer…
Impossible de me résoudre à chier dehors...
Et pas de robinet... que dalle…
La nuit était chaude... savoureuse... sans pitié pour moi…
Des voitures passaient sur l’A8…
Et j’aurais voulu que l’une d’elles... n’importe qui...
Même un Jeffrey Dahmer version Shein...
S’arrête... et m’embarque pour toujours...
Je suis retourné dans mon trou. Je me suis adossé au mur. Silence complet. J’étais merdique à souhait. J’ai éteint la lumière et je suis resté comme ça. J’ai pleuré, je crois.
Et puis là, j’ai entendu chuchoter. Un murmure dans le fond de la cave. Un seau. Un sac plein de jouets abandonnés.
« Vide-le. Mets le sac dans le seau. Tire ce carton… »
Je rallumai. Je m’exécutai.
Une trousse à pharmacie, qui datait de je sais pas quand. Je pétai le loquet. Dedans, des bandages, des pansements, des compresses. Et puis…
« Torche-toi avec ça. »
Des lingettes.
Comprenez bien… à ce moment-là, je ne dis pas que je suis un putain de taré qui entend une voix… c’était l’instinct de survie, sûrement… ou que sais-je…
Je l’ai ressenti comme ça… comme une aide… venue de l’intérieur…
J’ai préparé mon chiotte de fortune… je me suis posé…
Le plaisir… de tout relâcher… fut si intense que je ris… à gorge déployée…
J’étais le plus heureux sur Terre, à ce moment précis… pas même un milliardaire m’arrivait au trou de balle…
Je suis resté là… comme ça… dans mon odeur…
Petite victoire.
Les lingettes étaient toujours fraîches… elles sentaient bon…
Je me suis nettoyé… ça fonctionnait…
J’ai refermé le sac… mis le seau de côté…
Je revivais. |
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daniel
Inscrit le: 15 Fév 2006 Messages: 10301 Localisation: belgique
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 16:51 Sujet du message: |
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Bonsoir Rezk
Dans un premier temps, j'ai cru que tu revenais nous voir pour des raisons spirituels, mais, c'est un nouvel ouvrage, finalement
J'aime bien ton style  |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 18:06 Sujet du message: |
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daniel a écrit: | Bonsoir Rezk
Dans un premier temps, j'ai cru que tu revenais nous voir pour des raisons spirituels, mais, c'est un nouvel ouvrage, finalement
J'aime bien ton style  |
Coucou Daniel,
Non non c'est pas un ouvrage. Je sais pas comment raconter autrement ce qui m'arrive, mais je sais comment c'est arrivé  |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6817 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 19:22 Sujet du message: |
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Bonjour Rez,
Merci pour ce récit poignant. On dit beaucoup sur le forum qu’il s’agit de devenir ‘rien’, parce que c’est seulement lorsqu’on est devenu rien, débarrassé de tout, qu’on peut commencer à être. Certains, comme Swami Ramdâs, l’ont fait littéralement, ils se sont dépouillés de tout. Toi, tu l’as subi, dans ce que tu racontes, mais tu l’as subi sans t’y plier : tu t’es fait dépouiller de tout, mais tu es resté debout. Si on se couche, on ne lâche pas tout, on reste attaché à ce qu’on perd. Mais si on perd tout, et qu’on reste debout, alors vraiment on est nu, on est ‘rien’, disponible pour la vraie bénédiction.
Les sadhus qui ont renoncé à tout gardent juste une écuelle. Elle leur permet de recevoir de la nourriture en aumône, et s’ils trouvent de l’eau, ils peuvent boire et se torcher aussi. Que tu aies eu tant de mal à trouver de l’eau en pleine ville, c’est pour moi le signe le plus effrayant de leur déshumanisation, de leur transformation totale en un espace marchand. Lorsque j’étais enfant, sur chaque place en ville, il y avait une fontaine. Il n’y en avait aucune dans la ville où tu t’es perdu ? |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 21:11 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | Bonjour Rez,
Merci pour ce récit poignant. On dit beaucoup sur le forum qu’il s’agit de devenir ‘rien’, parce que c’est seulement lorsqu’on est devenu rien, débarrassé de tout, qu’on peut commencer à être. Certains, comme Swami Ramdâs, l’ont fait littéralement, ils se sont dépouillés de tout. Toi, tu l’as subi, dans ce que tu racontes, mais tu l’as subi sans t’y plier : tu t’es fait dépouiller de tout, mais tu es resté debout. Si on se couche, on ne lâche pas tout, on reste attaché à ce qu’on perd. Mais si on perd tout, et qu’on reste debout, alors vraiment on est nu, on est ‘rien’, disponible pour la vraie bénédiction.
Les sadhus qui ont renoncé à tout gardent juste une écuelle. Elle leur permet de recevoir de la nourriture en aumône, et s’ils trouvent de l’eau, ils peuvent boire et se torcher aussi. Que tu aies eu tant de mal à trouver de l’eau en pleine ville, c’est pour moi le signe le plus effrayant de leur déshumanisation, de leur transformation totale en un espace marchand. Lorsque j’étais enfant, sur chaque place en ville, il y avait une fontaine. Il n’y en avait aucune dans la ville où tu t’es perdu ? |
Merci à toi, ci.
Je saisi ton propos, même si, pour être honnête, j’ai depuis bien longtemps laissé derrière moi toutes ces références spirituelles qui m’ont pourtant accompagné un temps. Ton message me touche parce qu’il voit au-delà du simple récit : il en saisit la nudité, le vertige, mais aussi la tenue debout, même dans la boue.
Tu as mis le doigt sur quelque chose de très juste : ce qui m’a le plus effrayé, ce n’était pas tant l’état dans lequel je me trouvais, mais le fait qu’autour de moi, rien n’était là pour accueillir ne serait-ce qu’un besoin élémentaire. Aucune fontaine dans les parcs, robinets à sec dans les locaux d’immeubles, poubelles closes et pas une toilette publique à des kilomètres. C’était comme une ville qui disait : “Tu n’as pas le droit d’exister si tu n’as pas d’argent.” Et ça, oui, c’était terrifiant.
Pour situer, le récit se passe à Nice, dans le quartier des Moulins. J’enverrai la suite très bientôt  |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 22:02 Sujet du message: |
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(suite) La fouille de ce trou m’avait sauvé. Alors j’ai continué. C’était un bordel intégral, je tirais un sac, un carton, c’était comme jouer au Jenga... version extrême. Chaque geste pouvait tout faire s’effondrer. Mon cœur fit un bond de sauterelle en rûte quand je reconnus ce contraste familier : ce vert sur fond jaune… une bouteille de JB, intacte, coincée entre un sac Décathlon éventré et une pile de journaux moisis.
Je me suis jeté dessus comme sur une relique. Et j’ai bu. Longues rasades. La gorge qui brûle, le feu dans le ventre. Tout allait mieux. Tout allait… trop vite.
Je me suis écroulé.
Un sommeil sourd, opaque, parfait. Comme un coup de massue net dans la nuque. Je n’en demandais pas tant.
Je me réveillais de justesse… la bouteille vide contre ma poitrine, le sol incrusté dans la gueule… les yeux scotchés par ma bave… un chien aboyais tout proche… je courais vers le seau et me vidais comme jamais… c’était jour de ma convocation au tribunal…
Une loque sur pattes sous le cagnard azuréen... mais une loque à l’heure... on me fouilla... on me fit poireauter... j’identifiais la machine à café... et m’en tirais un... le paradis... l’odeur... l’arôme... la chaleur dans ma gorge... ça tombait tout droit dans l’estomac comme un baume divin... j’en pris un second...
Puis... on nous fit descendre au moins un... là je patientais encore... plus très loin de m’endormir... et c’est là qu’il est apparu... un grand-père en costume... droit comme une queue de billard... une aura... presque divine... il me pria de le suivre...
Le vieil homme referma doucement la porte derrière lui. Un silence. Puis il s'assit, rangea ses lunettes sur l'arête de son nez. Il tenait une feuille imprimée qu’il relisait d’un œil las, mais précis.
— Alors… comment vous en êtes arrivé là ?
Je haussais les épaules. Mes mains tremblaient un peu, le café battait encore dans mes veines.
— J’ai toujours été là… présent pour la gosse, pour elle... Je payais ma part. J’acceptais qu’elle ne m’aime plus. J’étais pas un salaud. Juste... un peu largué, c’est tout.
Il me jeta un regard en coin. Pas moqueur. Pas compatissant non plus. Fatigué.
— Mmh… Elle a porté plainte contre qui, au juste ? Vous êtes qui ?
— Je suis son ex-mari. Le père de sa fille.
Il hocha la tête. Reprit sa feuille.
— Pourtant là… c’est écrit "violation de domicile", plainte déposée comme si… comme si vous étiez un intrus, quoi.
— Ben c’est ce que je dis… elle est folle…
Il tapota le dossier de son doigt.
— Bon bon… Jeune homme, on va pas refaire le match. Les faits sont là. Vous avez cassé la porte. Vous allez devoir repayer. Vous travaillez ?
— Oui… à mi-temps.
— Vous pouvez donner combien par mois ?
— Cent euros…
— Le dommage est estimé à mille euros. Vous avez dix mois pour mettre de côté. C’est clair ? On a un accord ?
— Oui…
Le vieux rangea sa feuille dans un dossier usé. Il resta un moment là, à fixer un coin de la table, le doigt posé sur un trombone.
Puis, presque à contretemps :
— Vous voyez votre fille ?
J’ai senti le poing se former, là, juste sous la gorge.
— C’est elle qui en pâtira le plus, vous savez...
J’avais envie de passer par-dessus son bureau, de lui arracher son dentier, de le mastiquer, de le lui recracher dans la gueule. Comme si je le savais pas. Comme si ça me traversait pas les tripes chaque nuit, chaque minute... Ce ton... ce ton de sacristie, son moralisme bon teint, cette posture de juge en fin de parcours. Même ses gestes m’agaçaient — cette manière qu’il avait de bien recadrer un coin de feuille, de remettre un stylo à sa place, droite, centrée, comme s’il fallait tout ranger avant de jeter le bordel à la déchiqueteuse... moi compris.
Je vous passe les détails. Mais j’avais pas l’argent.
Et je donnerais pas un denier à mon ex-sorcière.
Je donnerais tout à ma fille.
Tout. Jusqu’au fond.
Je sortais des boyaux judiciaires, le cœur poissé, la bouche sèche, un peu plus détruit que la veille.
Le soleil hurlait là-haut comme un ténor d’opéra, en plein vieux Nice. Le genre de cri qui fait trembler les pierres et fondre les crânes.
Plus rien. Ni personne ne m’attendait.
Et pourtant… un souffle. Léger. Brut.
Un vent de liberté — ou juste une illusion — me souffla dessus. Mais j’ai pris. J’avais que ça. |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6817 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 23:01 Sujet du message: |
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Alors là, tu pousses le bouchon un peu loin. Je suis d’accord avec daniel, tu nous racontes une histoire. L'histoire est crédible, mais c'est pas la tienne. |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 23:44 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | Alors là, tu pousses le bouchon un peu loin. Je suis d’accord avec daniel, tu nous racontes une histoire. L'histoire est crédible, mais c'est pas la tienne. |
Tu veux des preuves ? |
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joaquim Administrateur
Inscrit le: 06 Août 2004 Messages: 6817 Localisation: Suisse
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Posté le: Lu 12 Mai 2025 23:51 Sujet du message: |
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Non, si tu m'assures que c'est vraiment ce que tu vis, je te crois. |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Ma 13 Mai 2025 0:03 Sujet du message: |
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joaquim a écrit: | Non, si tu m'assures que c'est vraiment ce que tu vis, je te crois. |
jamais je ne mentirais ici, c est ici que je suis né |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Ma 13 Mai 2025 7:43 Sujet du message: |
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suite: Mais rien n ‘arrivait à rien …le monde me pissait à la gueule aussi fort mais j ouvrais plus la bouche… ma fille me manquait, ma bite me faisait penser à un radis dan le fond d’une poubelle, mon cœur a un artichaut dans le caniveau après le marché, je me sentais bien sans tout ce poids en moins
Au milieu de la place Masséna.
Des blondes à la peau blanche comme les chiottes du Palais de Justice suçaient leur glace saveur myrtille, bien tenues par la main de leurs jules, pas confiants. Des ballons de baudruche, prêts à s’envoler au moindre émoi, à la moindre brise venue d’ailleurs.
La petite voix en moi me susurrait :
"Regarde. Tu te sens merdique. Le cul qui colle. Tu sues. Tu pues. Tu sors d’un tribunal — et tout le monde s’en branle."
Et c’était vrai.
Même des vieilles me souriaient, comme si elles espéraient que je les tringlerais vite fait dans une cage d’ascenseur en panne.
Pas tort dans tout ça.
Même le juge se doutait pas que j’étais sorti de mon trou rien que pour le voir, que j’avais bandé comme un chien en me rinçant le visage dans les chiottes du tribunal.
J’ai tiré la chasse, mais j’ai pas voulu me voir dans le miroir.
Non.
Je commençais à haïr les reflets.
Prédisposition. Humanisation.
Je voulais pas voir ce que j’étais devenu.
Il me fallait des lingettes, des sacs poubelle, des bouteilles d’eau.
J’avais mon ordi portable — seul rescapé de mon avalanche sociale.
Je déambulais sur Jean Médecin.
Mais…
Un goût nouveau me caressait le palais.
Une porte s’était ouverte.
Et je n’ai pas pu m’empêcher de sourire.
Boîte de sardines… pain de mie… Coca Zéro… confiture de fraise… Sky marque éco plus... j’avais fait mon stock… le bon côté de notre époque… les restes valent plus rien… les vivants non plus… j’étais passé à la recyclerie… une vieille machine à café… un rice cooker… un mini frigo… pour trois fois rien… fallait bien s’arranger… bricoler une tanière… un terrier dans le monde… je faisais de la place comme je pouvais… tirais les câbles… posais mes sacs… calais mon ordi contre le mur… mon seul frère d’armes… mon seul meuble aussi…
Je me préparais à passer la nuit… une nuit sans personne… sans personne du tout… le calme… le vrai… pas celui des livres… pas celui des vacances… un calme de gouffre… de fin de quelque chose… j’étais là… coupé… proprement… chirurgicalement… de tout… même le ciel semblait pas me reconnaître… plus de lignes… plus de juges… plus de môme… plus de femme… plus rien que moi… moi et le plastique d’une table bancale… moi et ce goût de fer… dans la bouche… dans l’âme…
J’étais quasi au point… pour chier… pour manger… restait plus que la douche… ça viendrait… je la prendrais à la salle de sport… j’suis un putain de Spartiate, moi… un haut niveau… affûté, sec, sexy… personne peut test… mais… mais pour laver le linge mon coco ?...
Là fallait réfléchir… les fringues de sport, ça va… matière légère… tu frottes pendant la douche… hop… rince, essore, suspends… ça ira…
Mais… mais te raser ?...
Ah ouais…
Faut prévoir… après 19h30, y a plus personne dans la salle… désert… juste le néon qui grésille et l’odeur du vieux gel douche… parfait…
Je me raserai la tête sous la douche… propre, rapide…
Et la gueule… dans les chiottes…
Oui monsieur… dans les chiottes… le miroir au-dessus du lavabo, les restes de mousse à raser volés dans les casiers oubliés…
Ça le fait…
Bien mon gars… bien…
Ça prend forme… t’as ton système… t’as ta routine… t’es un homme moderne… sans toit, sans attaches, mais avec une putain de logistique…
Presque beau à voir…
Alors c’est comme ça qu’on fait…
Faut être désolée… désolée d’être désolée, jamais…
Mentissa chantait dans mes oreilles pendant que le ciel se teintait vanille, une teinte molle, pâteuse, douce comme un souvenir qui colle…
Ma vie me manquait…
Mon ex-femme… ma fille… ma maîtresse… mes chiens… ma maison…
J’étais le roi de la montagne, putain… j’avais le feu dans les veines, les idées claires, les placards pleins, les mots affûtés, le cœur qui battait fort.
Et maintenant ?
Gollum, ouais…
Gollum qui retourne dans les ténèbres des mines abandonnées…
À fouiller dans la suie et les sacs plastiques pour trouver un reste de dignité…
Un peu de lumière au fond de la gorge.
"J'avoue mes maladresses…
J'avoue même ma paresse…
J'avoue mes ambitions
Sont le reflet de ma passion…"
J’écoutais ça comme un psaume…
Comme une lettre que j’aurais jamais su écrire à personne.
Elle chantait… et moi, je faisais le mort dans le tram…
À moitié allongé dans mon siège… le front contre la vitre, le regard perdu dans le ciel vanille… doux… salement doux… comme un souvenir de paix qu’on n’a jamais eu…
Et là, clipclopant, bringuebalant, dégueu… un gars… la gueule rongée de croûtes, des yeux qui fuient, la main en avant comme un mendiant mécanique… tout le long du wagon…
Les Ukrainiennes devant, la gueule dans leur téléphone… se miraient dans l’écran…
Pas un regard pour lui…
Elles étaient belles… ouais… aussi belles que putes…
Salopes… sales de l’âme et du cœur…
Lustrées, maquillées, cliniques, vitrifiées…
Elles souriaient au néant pixelisé… pendant que lui… il rampait encore en espérant un reste d’humain dans les yeux d’un autre.
C’était mon tour…
— Tu veux quoi mon gars ?
Il articulait à peine…
C’était dur à subir, ça me tirait le bide…
— Parle plus fort, je lui dis… Tu veux quoi ?
— …une pièce…
— Une quoi ? Pièce ? QUOI ? PARLE PLUS FORT SI TU VEUX QUELQUE CHOSE, DEMANDE-LE !
— Une pièce, s’il vouplait… ou une clope…
Je regardais autour…
Les morts-vivants n’en perdaient pas une miette…
Pas un pour bouger…
Je sortais mon portefeuille… il tendit une main tremblante, crasseuse…
— MAIS LES DEUX COMME ÇA…
J’ouvris la poche à monnaie et je versai tout dans ses mains salies…
Les filles de l’Est me regardèrent comme si je venais d’éjaculer sur leurs chaussures neuves…
Dégout…
Mépris…
J’étais tombé du bon côté du mépris… et ça m’allait très bien.
Le gars tenta de me remercier…
Y avait de la chaleur dans ses mirettes, une reconnaissance presque animale…
— C’est bon… c’est bon… va mon gars… courage…
Je retournais à mon ciel vanille… à la fenêtre…
J'avoue mais je suis moi…
Et pour ça, j'suis pas désolée… me chantais Mentissa...
Et mon téléphone vibra.
Je restais figé…
Interdit…
Le message s’afficha.
Et mon cœur… se remit à battre autrement. |
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Rezkallah
Inscrit le: 02 Nov 2014 Messages: 412
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Posté le: Ma 13 Mai 2025 14:46 Sujet du message: |
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suite: Coucou papa ! Ça va ?...
J’en restais sans voix… six mois… six mois sans rien… sans un mot… le silence comme un mur… et là… pop… d’un coup…
Je déglutis… comme si le temps s’était remis à couler… lentement… je lus et relus… savourai… le message chaud encore…
Puis je répondis… presque à voix haute… comme si elle était là…
Ça va super… et toi ma Tandoori ?...
Et elle…
Ça va aussi… je te laisse… je dois aller à la danse… bisous…
Mon corps cessa de fonctionner… un instant suspendu… plus de chair… plus de souffle… juste ce truc… là… dans la poitrine…
Je revoyais…
Toutes ces fois… le mercredi… nos mercredis…
La marche jusqu’au tram… le long des trottoirs rapiécés… les sacs qui cognent aux jambes… elle qui râle… moi qui plaisante…
Le bus numéro 5… bondé comme un ventre de baleine… les rires… la chaleur humaine… les fenêtres embuées…
Le soleil sur la nuque dans les ruelles de Cimiez…
Et puis…
Le grand hall du conservatoire… marbre froid… résonances joyeuses…
Les enfants qui courent… les parents qui attendent…
Les mamans… moi avec elles… le café… l’ordi sur les genoux… à taper quelques lignes… en attendant que la danse finisse…
Que nos enfants sortent… légers encore d’avenir…
Tout ça…
Me revint… d’un coup… en pleine poitrine… enrobé de lumière… une lumière trop vive… qui aveugle l’âme…
Je fis tomber le téléphone…
Le ramassai… comme on ramasse un fragment de soi…
Et j’écrivis…
Danse bien ma chérie… je t’aime
Bisous… à plus tard…
La joie…
Fourbe catin… perverse jusqu’à l’os…
Elle vous fait tomber les armes… vous murmure à l’oreille… vous sucre le cœur… comme une barbe à papa rose fluo… toute douce… toute collante…
Et moi j’y ai cru…
Le soir même… je fêtais la victoire… petite… fragile… mais une victoire quand même…
Je buvais dans mon trou… mon antre… mon caveau choisi…
Je m’enivrais… jusqu’au black hole… le vrai… celui qui t’avale sans bruit… sans cris… sans fin…
Une semaine durant…
Plus de rythmique… plus de jour… plus de nuit… juste des heures qui coulent comme un robinet qui fuit…
Et puis un matin…
Raté le boulot… la gueule dans le béton… plus de repères…
Je bossais pendant les vacances scolaires… oui… drôle d’idée… comme si j’avais pas compris que le monde tournait sans moi…
Et là je le sentis… viscéralement…
Que je haïssais ce job…
La comédie… les sourires… les sales mômes… les chefs médiocres… la lumière crue des néons…
Ras le cul…
J’ai décroché…
Comme on retire un tuyau de perfusion…
Plus rien à injecter…
C’est là…
Que ça a commencé…
L’errance…
Les bugs dans la conscience… comme des pixels morts sur l’écran de l’âme…
Des trous dans le réel… des failles qui clignotent… des scènes qui se répètent…
Marcher sans but…
Respirer sans y penser… oublier de respirer parfois…
Tu te lèves… mais tu sais plus pourquoi…
Tu fais chauffer l’eau… et puis t’oublies la tasse…
Tu sors… t’allumes une clope… et tu la retrouves déjà finie…
Tout est flou…
Les heures s’emboîtent mal… comme des pièces d’un puzzle humide…
C’est là…
Que la machine a commencé à grincer…
L’huile de la joie évaporée…
Les engrenages… rouillés…
Et moi au milieu…
Comme un pantin dont on aurait largué les fils… et cette voix toujours en arrière plan, que j’entendais rire… Le monde continuait de me chier dessus.
Mais moi, je venais d’apprendre à respirer dans la merde.
C’était pas glorieux.
C’était pas Instagrammable.
Mais c’était à moi.
Et c’était réel.
Je sortis jeter mon sac rempli de merde et de pisse.
Ça fouettait trop dans mon trou.
Il était tard. En face, la circulation s’était calmée. L’air était magique, vivifiant… j’en prenais de grosses goulées...
Une pute se dandinait sur un rythme imaginaire. Apparition astral…
Mon sac dans la main, je l’observai…
Ersatz du passé.
Flash charnel d’une autre vie.
Un baiser dans un lit avant de sombrer.
Une levrette sous une douche brûlante.
Une belle pipe devant la télé pendant que les gosses dormaient, en sirotant une bière.
Cela faisait des lustres qu’une peau n’avait frôlé la mienne.
Je restai comme un con à la reluquer.
Et doucement, elle leva le bras.
Elle me fit coucou.
Je tremblai.
Je me retrouvai.
Il n’y avait que moi.
Je lâchai mon sac plein de merde…
Et je pris mes couilles à demain. |
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