Regards sur l'éveil

électron libre · Inscrit le: 18 Nov 2005 Messages: 26

Dans le fil des expériences visionnaires de Rimbaud (états de conscience non duels avec association des sens dans "voyelles"), j'aimerais partager avec vous cette citation d'André Breton, tirée d'un des manifestes du surréalisme :

"Tout porte à croire qu'il existe un point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et l'avenir, le haut et le bas, le communicable et l'incommunicable cesseront d'être perçus contradictoirement."
Extrait du premier Manifeste

Je souhaiterais vous parler prochainement de l'un des plus grand poètes spiritualistes du XXème siècle, issu du courant surréaliste mais démarqué en "Grand Jeu" : René Daumal, et vous conter ses recherches d'abolition du moi et sa quête de la Connaissance...

luz-azul · Posté le: Lu 21 Nov 2005 20:18 Sujet du message:

électron libre · Inscrit le: 18 Nov 2005 Messages: 26

Breton a eu toutefois le mérite de chercher ce que Rimbaud et d'autre ont trouvé, même s'il est resté sur le seuil de l'intuition et non du vécu. Son éveil fut partiel, mais néanmoins louable de la part d'un matérialiste convaincu. L'oeil s'est entrouvert avant de se fermer. L'écueil fut de rester "bloqué" dans l'inconscient, en percevant de loin une "surconscience" possible...

D'ailleurs, le sujet doit-il rester cantonné à l'obtention de "l'état inconditionné", comme un fait accompli, sans les prémisses et les germes ? Ne peut-il concerner également la virtualité, la quête de l'éveil ?

En ce sens, Breton fut un chercheur, il a cru avant de vivre, et cette intuition me parait certes partielle mais encourageante.

luz-azul · Posté le: Ma 22 Nov 2005 8:53 Sujet du message:

Je vous suis bien, mais alors en quoi son texte mérite-t-il d’être cité ?

Il y a des millions d’autres nous-mêmes qui sont dans le même cas. Sur ce forum, par exemple, beaucoup sont bien plus avancés que lui en la matière et le disent de manière plus profonde. Certes, ils ne s’appellent pas André Breton...

Mais alors qu’est-ce qui donne la valeur d’un texte ? Le nom de l’auteur ou bien la seule vérité décrite ?

Bien amicalement . Smile

joaquim · Posté le: Ma 22 Nov 2005 21:10 Sujet du message:

Bien sûr qu’une expérience vécue vaut mieux qu’une expérience relatée, ou que des réflexions à son propos. Toutefois, avec l’éveil, il y a une difficulté incontournable qui surgit: c’est que l’éveil n’est pas une expérience au sens propre du terme. Cela a pour conséquence qu’un témoignage est incapable d’en restituer l’image véritable, parce qu’il n’y pas d’image véritable de l’éveil. Il ne peut y avoir que signe, écho éloigné, ou, pour reprendre les termes de Jaspers: la conscience ne peut jamais affirmer la réalité de la transcendance, mais uniquement l’exprimer en tant que chiffre. La valeur des témoignages qui sont déposés sur ce forum (je remercie au passage chacun de celles et ceux qui nous ont fait un si précieux cadeau Smile

) réside ainsi avant tout dans les échos et les liens qu’ils permettent de tisser entre les différentes personnes qui se retrouvent dans la parole de l’autre. Mais vouloir donner à cette parole une valeur en soi parce qu’elle contiendrait une empreinte de l’éveil serait à mon avis une erreur. Dès qu’un témoignage est déposé, il perd le contact avec la réalité qui l’a fait naître, et ne devient plus qu’une chose dans le monde, attendant que le contact vivant d’un esprit en recherche vienne lui redonner vie.

Dès lors, la démarche d’électron libre n’a pas à se justifier quant à la valeur intrinsèque des textes qu’il propose à la réflexion, du moment qu’ils ont un lien avec le thème du forum, mais uniquement quant à la capacité qu’ont ces textes à éveiller une réflexion et un dialogue féconds. Et je pense personnellement que les oeuvres produites par des auteurs connus et reconnus sont particulièrement propices à cela. Car tant qu’on n’échange que sur nos propres expériences (je ne dénie bien sûr nullement la valeur de tels échanges), on reste dans une forme d’intimité qui court le risque, si elle se satisfait trop d’elle-même, de devenir complaisante, comme on le voit trop souvent dans de nombreux cercles spirituels. Alors que confronter nos regards à un paysage extérieur, loin de trahir la vérité dont on aimerait rendre compte, oblige à affiner son regard et à déplacer sa perspective; or, c’est précisément dans cet affinement du regard et dans ce déplacement de la perspective que renaît une braise de vérité, et non pas dans tel ou tel paysage censé la contenir. Seule l’action compte. Et l’action, sur le forum, c’est partager, et c’est aussi alimenter nos réflexions sur le terreau de la culture dont nous sommes tous issus — y compris ceux qui entretiennent avec elle un contentieux tenace. Wink