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amour et eveil
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khouchti
Invité





MessagePosté le: Me 12 Avr 2006 19:50    Sujet du message: amour et eveil Répondre en citant

J'aime beaucoup ce que vous dites et cela me fait réfléchir...
Jaimeré que vous m expliqiez la difference entre aimer et etre amoureux s il vous plait. Jattend votre réponse merci et a bientôt!
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grimo
Invité





MessagePosté le: Me 12 Avr 2006 20:54    Sujet du message: Répondre en citant

aimer ! c'est sans objet ! commencer à aimer quelqu'un, c'est déjà être amoureux ! non ? mais être amoureux ne garantie pas que cela aille dans les deux sens ! :bouquet: violent15
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grimo
Invité





MessagePosté le: Me 12 Avr 2006 21:01    Sujet du message: Répondre en citant

aujourd'hui, je découvre que Dieu est amour ! et que, avec Dieu comme témoin, dans le regard de l'autre, je me reconnais ... ou plutôt, je nous reconnais en essence, là où est Dieu, et d'où l'amour nous constuit, nous crée à chaque instant, dans l'Instant ! m'ouais ! ! ! :cor: :bisou:
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Ael



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Messages: 55
Localisation: En silence

MessagePosté le: Je 13 Avr 2006 9:22    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour khouchti,

Cette question de l'amour, j'avoue me la poser également.

Il y a deux choses qui me gênent dans le sentiment amoureux. D'une part, il sous-entend un attachement qui, à mon humble avis, dessert la sérénité de la relation plus qu'il ne la renforce. Et deuxièmement, il ya derrière cela l'idée de donner un amour, donc qui nous appartiendrait, à une personne.

Je pense, mais je peux me tromper, qu'il n'existe dans tout cela que l'Amour, la Vie et que tout cela n'est qu'une seule et même chose. De la même façon que nul ne nous donne la vie, mais que la vie s'exprime à travers nous, nul de donne son amour, mais l'amour est en toute chose.

Pour parler plus simplement, aimer, c'est être désintéressé, c'est n'avoir qu'un seul coeur, celui de la Vie, c'est vivre sans attachement. Aimer, c'est être et c'est être conscient d'être, rendant ainsi hommage à l'Amour avec un grand A qui nous traverse en permanence.

Seul un ego peut tomber amoureux, c'est dire l'imposture de la situation.

J'ai tenté d'exprimer ce que je ressens face à cette question. S'il vous semble que je m'emmêles les pinceaux, n'hésitez pas à m'aider à redessiner le tableau.

_________________
So be it.
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Je 13 Avr 2006 14:04    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour Khoutchy, et merci pour ta question si simplement posée, qui me touche beaucoup, car j'ai trés souvent des "jeunes", et mes enfants entre autres, qui viennent avec la même, avec beaucoup de sincérité, et une certaine angoisse...

voilà ce que je voudrais pouvoir leur répondre à tous, et ce que je répond à ceux d'entre eux qui aspirent à une compréhension plus profonde.


Je crois qu’il y a une energie d’interaction, dans la relation, et qu’elle s’exprime a tous les plans.Mais c’est subtil, parce que c’est une énergie qui est totalement dépendante de la dualité, et qui fonctionne un peu comme l’électricité, avec un pole négatif et un pole positif :attraction-répulsion, amour-haine.
Il me semble que ce que nous appellons l’amour est quelque chose de bien méconnu, et que nous limitons ce phénomène, en baptisant « amour » l’aspect attraction , sans comprendre comment et pourquoi il est si lié avec son pendant de rejet et de haine.
Alors nous mettons une majuscule au mot, pour signifier la libération de ce lien conditionné par l’identification de deux égos séparés, et nous parlons alors d’AMOUR, libre de la loi d’attraction- répulsion ;

Tomber amoureux, c’est choir dans cette passion d’une image, d’un réve, d’un idéal de complétude projetté sur un, ou une autre ! Il (ou elle) parait etre ce qui me manque, ce que j’ai toujours cherché, ou désiré….mais cette passion ne dure que le temps que met la réalité de l’autre à détruire le réve.Elle est plus ou moins vite remplacée, soit par l’indifférence, soit par le rejet, ou bien la haine…Au mieux, elle joue son role de passerelle vers une acceptation de l’autre, et vers un amour dont on est pas conscient qu’il fonctionne a partir du manque, du besoin, et des attentes de ce que l’autre nous apporte pour nous sentir « bien », et « heureux » ;
Mais cet amour là aussi est exigence, et conditionné par la satisfaction que la relation apporte a nos besoins inconscients, et lui aussi va disparaître des lors que l’autre ne « comble » plus nos attentes…

L’Amour dont nous parlons, émerge lorsque l’on découvre , que l’on voit et qu’on se libére du fonctionnement de l’égo dans l’interaction avec l’autre…Lorsque on identifie et on voit en soi le jeu des attentes, des projections, des besoins et des manques, des désirs et des exigeances que l’on projette sur l’autre, à défaut d’avoir trouvé en soi sa propre complétude…
Quand on voit tout le jeu de l’attraction –répulsion se mettre en place dans la relation , dans l’interaction de deux « moi je » qui revendiquent leur « légitimité » à être ce qu’ils sont, avec leur spécificité, leurs idées, leurs croyances, leurs « evidences » à tous les niveaux de fonctionnements:spirituels, psychologiques, physiques, matériels, ect ect ;

Quand on voit cela en soi, on réalise que tant que l’on donne une légitimité au « moi », on ne peut au mieux que gerer avec le plus d’équilibre et de respect possible cette loi d’attraction-répulsion, entre le respect de cette « légitimité » que le moi revendique de part et d’autre, et on construit une espèce d’ « économie » de la relation, à défaut d’avoir réalisé l’Amour.

Cet Amour, lui, néssécite de passer de cette gestion de l’interaction qui préserve l’égo, a une vision claire de ces mouvements intérieurs et de leurs motivations profondes.Il n’apparaît vraiment qu’avec cette com-prehension là, et cette prise de conscience profonde et lorsqu’il n’y a plus aucune attente de quoique ce soit, ni de reconnaissance,ni de projection ; Plus de revendication de « légitimité » du moi, mais simplement le don à partir d’une complétude intérieure enfin réalisée.

Le chemin effectué pour découvrir cet Amour là continue au-delà de l’Amour même, jusqu’à cette évidence de l’Unité totale et absolue qui soustend toute chose, cachée sous tout ces voiles…Et du fait que c’était Elle qui animait tout ce parcours, en s’exprimant sous la distorsion de chaque plan…

Mais cela signifie un long et paradoxal chemin au travers de toutes ces étapes ; Une compréhension claire, et un abandon total de l’égo, une consécration et une attention de tous les instants, pour arriver à cette Evidence absolue dont certains d’entre nous on fait l’expérience, dans certains moments de grace ou l’égo avait disparu..

Et avoir Vu, n’est pas être…Etre n’est pas « avoir été »…

Et la relation, au travers de ce parcours là,est vraiment une voie en elle-même, et donne un sens immense a toute cette dualité illusoire…C’est le « yoga de la relation », et l’initiation qu’elle nous propose..

C'est un peu long:-) mais j'espère que tu y trouveras quelque chose qui résonne en toi...


Dernière édition par mushotoku-nad le Ma 31 Juil 2007 20:43; édité 1 fois
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Plume



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MessagePosté le: Sa 15 Avr 2006 12:58    Sujet du message: Répondre en citant

Une vision prétenduement poétique de l'éveil de la conscience désirante:

"Comme je n'étais pas assez divin pour forcer les choses, j'attendais d'exister pour un regard; le gouffre et moi demeurions silencieux, égoïstement silencieux, et n'osions croiser le fer. Tout en moi était plein et fermé, je n'adhérais à rien mieux qu'à moi-même. J'étais sur le seuil.

Un jour pourtant, j'ai été vu. On m'a animé, on m'a dit d'aller jouer avec les autres et qu'il faisait bon là où l'on joue. J'avais un insignifiant patronyme qui ne me convenait pas, on m'avait enclos dans un morceau de chair, sous quelques chiffres et lettres. Quel était alors mon désir? M'évader de la boîte. Mais c'est vainement que je me suis activé à me franchir, toujours rappelé à l'ordre par cet esclave qui squatte la baraque de mon existence. Comme les autres, je noie mon souci dans vos visages, délicieuses énigmes nourrissant mutuellement notre incomplétude."


L'amour est ce qui tend, à mon sens, toute conscience dépossédée d'une partie de son essence (la plénitude que fournit aux bêtes cette "raison étrangère" qu'est la Nature) vers l'Autre: notre dépendance au regard de l'autre prend la forme d'un existencial, sans doute, et celui qui n'aime point n'est pas Homme. Nous cherchons partout dans le monde ce qui nous fait défaut par nature: l'autonomie (et non, la liberté). Nous sommes otages de l'altérité, l'Autre est le sens, la matrice de notre être-à-soi. L'amour ne s'oppose pas à la haine, ils constituent le sentier de la sagesse. Il ne s'agit pas d'accepter l'autre, nous n'avons même pas ce choix; l'Autre nous oblige, non à l'aimer ou à le haïr, mais à être-pour-lui comme il est-pour-soi: interaction constitutive de notre condition, que je nomme au sens large amour, tension de toute subjectivité vers ce qu'elle n'est pas, vers ce qui la fait être et qui la tient en éveil. C'est par amour que nous tournons nos regards vers Dieu, par une nécessité profonde liée purement et simplement à notre condition. L'amour engendre l'art et la poésie, il engendre aussi les amoureux, mais pas seulement. C'est aussi par amour que nous haïssons la barbarie totalitaire, par amour que nous engageons de sanglantes batailles contre l'adversité. Et le barbare agit par amour, amour de quelque chose que nous n'aimons peut-être pas, mais amour tout de même. La distinction entre amour et haine échappe à tout regard objectif, seul l'être situé, engagé, l'être humain réel et non "idéal", de par sa position peut les départager. L'amour pur est tout autour de lui, en lui, il le constitue. Il fait corps avec le vivant, et le guide à l'ombre de la mort; j'aime cet être-au-monde, en tant que vivant, et accepte l'impossible sublimation de cet état, en tant qu'être-pour-la-mort.

Etre amoureux, je ne crois pas que cela signifie être "heureux"; c'est plutôt constater perpétuellement l'impossibilité d'une fusion des consciences, c'est "être seul, mais à deux". L'idylle n'a rien à voir avec l'amour empirique: c'est un fantasme irréalisable, une exigeance de la raison qui souhaite donner sens à l'amour, y substituer un idéal; aimer, c'est souffrir l'autre, chercher toujours en lui le désir, sans jamais le combler. C'est le désir de désirer encore et toujours l'autre, essayer de le faire sien sans lui soustirer son essence: l'altérité même. Si l'autre devient pure connaissance, je ne l'aime plus. Aimer, c'est être en manque de ce qui fuit irrémédiablement en l'autre et qui le définit en tant que tel. L'arbre est amoureux du ciel, se tend vers lui, ne l'atteind jamais.

Citation:
Quand on voit cela en soi, on réalise que tant que l’on donne une légitimité au « moi », on ne peut au mieux que gerer avec le plus d’équilibre et de respect possible cette loi d’attraction-répulsion, entre le respect de cette « légitimité » que le moi revendique de part et d’autre, et on construit une espèce d’ « économie » de la relation, à défaut d’avoir réalisé l’Amour.


Car réaliser l'Amour, c'est en éteindre les fondements.
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Sa 15 Avr 2006 13:55    Sujet du message: Répondre en citant

merci plume, pour cette expréssion d'un point de vue qui met trés clairement la valeur de l'altérité dans ce procéssus.Je le trouve d'une grande justesse, quant a nos fonctionnements en tant qu'etres subjectifs, et identifiés a un "moi" délimité, ce qui est l'aspect le plus directement accessible de ce que nous sommes.
je ne dispose certainement pas de ce langage, et des connaissances qu'il laisse à deviner.

".j'aime cet être-au-monde, en tant que vivant, et accepte l'impossible sublimation de cet état, en tant qu'être-pour-la-mort."écrivez vous..

-J'aime cet etre au monde, en tant que vivant (pour avoir baigner dans l'Evidence incontournable de son sens.), et j'accepte la paradoxale réalisation d'un autre état, en tant qu'être -pour-la-mort.Pour avoir aussi baigné dans cette Evidence de son sens, lors , entre-autre,d'une mort clinique trés...."marquante", dirais-je.

Effectivement, la réalisation de l'Amour conduit a quelque chose qui dépasse cette notion et qui la nie mais sans l'éteindre néanmoins, plutôt en intégrant son essence même dans un dépassement de ses fondements.

Mais, si il n'y avait certains "écrits" pour confirmer cette vision là, je serais bien incapable de l'étayer face à une argumentation contraire...:-)


Dernière édition par mushotoku-nad le Ma 31 Juil 2007 20:46; édité 1 fois
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Plume



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MessagePosté le: Sa 15 Avr 2006 21:34    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis désolé, mushotoku (je me permet d'abréger votre pseudo), d'être parfois aussi obscur dans mon propos, je m'en vais éclaircir un peu tout ça même si vous avez fait le gros du travail.

"J'aime l'être-au-monde, en tant que vivant", c'est à dire que je suis par essence borné à être pour ce monde, en ce monde, à y rester. Et tout ce que j'aime, le fait que j'aime, je le dois à cette présence au monde. Cependant, si l'être-au-monde est une condition de mon Etre, s'il est, encore mieux, une modalité, une des qualités de mon être, une autre de ces qualités, cette fois spécifique à l'homme, est l'être-pour-la-mort: mon rapport au temps prend trois formes, dont l'une me dit que je suis un être fini, et que, malgré l'amour que je voue à la vie, je suis impuissant, faible (le plus faible des animaux, puisque le seul à être confronté à l'Idée de la finitude); je dois me résigner à aimer éperdument, en vain, à aimer parce que, justement, je sais que je perdrais tout. Je ne peux sublimer mon état de vivant qu'en Idée, je le fais d'ailleurs à tout moment, en supposant que je vivrai assez longtemps, par exemple, pour me marier, avoir des enfants, et caetera... Ma raison se sert de l'Idée de la perpétuité de mon être, car c'est la condition de mon projet dans le temps: lorsque je songe à mon avenir, je mets de côté la mort, sans pour autant l'oublier; je la fais se taire un peu, car j'aime vivre. J'accepte toutefois, en tant qu'homme digne de ma condition, de me tromper sur mon destin, de me diriger toujours vers la mort, d'aimer dans sa direction, de m'approcher d'elle sans hésiter. Je ne me raccroche pas, comme le font les animaux, au "piquet de l'instant", mais erre en Idée de ma mémoire la plus poussiéreuse à mes désirs les plus improbables. C'est le sens de mon expression: je suis vivant pour ce monde, mais bien plus, je suis homme pour la mort.

Merci de vous être penché sur mes palabres, et si malgré ce que j'ai dis, ça reste flou, ce sera avec plaisir que je déballerais plus en détail le contenu de mon délire. Et puis, vous pouvez me tutoyer, quand même: je ne suis qu'un môme, en vérité...
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 15 Avr 2006 23:19    Sujet du message: Répondre en citant

mushotoku-nad a écrit:
Mais, si il n'y avait certains "écrits" pour confirmer cette vision là, je serais bien incapable de l'étayer face à une argumentation contraire...:-)


Je ne crois pas que l’argumentation de Plume soit contraire à ces “écrits”. Wink Au contraire, quand il dit:

Plume a écrit:
Car réaliser l'Amour, c'est en éteindre les fondements.


j’y lis, pour ma part, l’injonction faite à l’amour de rester dans un pur état d’ouverture, sans jamais se refermer sur son objet, sous peine d’éteindre ses fondements. On ne saurait mieux dire. Smile

L’amour procède d’un manque, d’une incomplétude, de quelque chose qui nous fait défaut, comme dit Plume, “par nature”. Pour éclairer ce manque, il faut remonter aux origines. Aux origines de la tragédie de chacun d’entre nous. Lorsque le petit d’homme tombe dans le monde (selon l'expression de St-Augustin), il passe de l’état d’équilibre parfait dans l’univers matriciel, à un état de déséquilibre aigu: il ressent pour la première fois la gravité, lui qui flottait sans poids dans le liquide amniotique, il doit passer par un étroit défilé qui lui comprime tout le corps, pour déboucher dans un monde qui l’agresse par la lumière, le froid, le bruit, et surtout, pour la première fois, il se trouve en manque: d’oxygène. Sa première respiration sera accompagnée d’un cri, qui signe sa perte d’autonomie et inaugure sa dépendance vis-à-vis du monde extérieur. Cette dépendance s’élargira encore vis-à-vis des autres, qui sont seuls capables de combler son manque (de chaleur, de nourriture, etc...), mais qui peuvent aussi refuser de le faire. C’est à travers cette double articulation du désir et de l’angoisse que s’établira son rapport à l’autre, puisque ce dernier est capable de le combler, mais aussi de le frustrer, voire de le détruire.

Ce drame-là, le petit d’homme le partage avec tous ses frères mammifères. Mais un autre drame l’attend, qu’il sera seul à vivre: tomber hors de la nature, pour devenir “sujet” dans le monde du langage, dans le monde du sens, du signe, du signifiant. L’enfant s’extirpera hors de son vécu intérieur, physiologique, pour entrer dans le monde de l’Autre, du langage, et devenir à travers ce dernier un être conscient de lui-même. Il faut bien voir là que l'accession au statut de sujet se fait sur la base d’une aliénation radicale: ce que j’appelle “moi” est le fruit de ma chute dans le monde de l’“autre”. L’autre devient ainsi celui par qui j’existe, celui qui me fait accéder au sens que je suis, en même temps qu’il est celui qui est... autre, autrement dit non présent en moi, échappant à mon pouvoir, battant ainsi en brèche mon aspiration à l'autonomie. Le sujet n'existant que dans l'ordre du langage, sa partie réelle, celle qui le fonde dans l'ordre de la nature, lui échappera ainsi toujours: elle ne se laissera jamais englober dans le signifiant, mais apparaîtra au sujet uniquement sous la forme d’un manque, ou comme le dit Lacan, de l’angoisse. Dans son séminaire X sur l’angoisse, Lacan développe ce thème: la fondation du sujet dans l’autre implique l’apparition d’un reste impensable, invisible, inaccessible par le signifiant, abordable uniquement par la voie de l’angoisse, et autour duquel tourne le désir.

C’est là tout le mystère tragique et merveilleux de la “nature” humaine: nous ne sommes pas construit, en tant que sujet, sur “quelque chose”, mais sur “rien”, sur un manque, adossé à un autre qui nous échappe, et en qui nous sommes condamnés à chercher le sens qui nous fonde. Tragique, car le “reste” inaccessible au signifiant, la partie réelle échappant au langage sur laquelle nous sommes construits ne se révèle qu’à travers l’angoisse; et merveilleux, car nous sommes suspendus dans le vide, pure ouverture d’un “rien” sur un autre “rien”. Dans l’amour, j'opère deux gestes: un geste d’appel, parce que j’aime en l’autre ce qui me manque (non pas certaines caractéristiques particulières, mais mon propre sens), et en même temps je donne à l’autre, par l’amour, quelque chose que je n’ai pas, puisque je suis “rien”. Je ne sais pas si vous percevez l’équilibrisme de funambule sur lequel est construite la conscience humaine. Deux “riens”, habités chacun par leur propre manque, se rencontrent. Pire qu'un funambule: deux trapézistes dont aucun n’est arrimé. Si par malheur ils cherchent chacun à se saisir de l’autre, à le prendre en soi pour se l’approprier, ils chutent tous les deux; mais si, par contre, ils demeurent dans l’ouverture, s’ils placent leur centre de gravité dans le “rien” de l’autre, quelque chose se met à fluer et à refluer, quelque chose qui est “rien” pour le signifiant, qui n'appartient donc pas au langage. Ce quelque chose qui n'appartient pas au langage (qui appartient donc, nécessairement, au réel), c'est l'amour, et je crois bien que c'est même le fondement de la réalité. Quelque chose que je ne découvrirai jamais en moi, mais toujours à travers le don du “rien” que je suis, et l’accueil de l’autre.
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 15 Avr 2006 23:37    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour khouchti et grimo, Smile

Comme l’a si bien écrit mushotoku-nad, être amoureux, c’est être attaché. Mais c’est aussi être emporté, c’est être pris dans un tourbillon qui permet parfois de décoller de soi bien mieux que le confort de certains “détachements” (je ne le dis pas pour mushotoku, évidemment Wink).
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Di 16 Avr 2006 11:02    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour plume.
D'accord pour le "tu".C'est ce langage trés représentatif de...comment dirais-je, heuuuu:un certain niveau intellectuel, disons,qui effectivement je le vois, peut mettre une certaine "distance".Cela doit être ce qu'on appelle "le fossé des cultures" :wink:
J'avoue que tout ce que je connais des sciences humaines, des sciences tout court, de la psycho et de la philo c'est au travers du langage des livres de vulgarisation!!Des tonnes, d'accord, mais bon , ça ne vaut pas les études, c'est sur... :?
C'est vrai que je suis un peu obligée de forcer sur mes neuronnes pour décoder certaines formulations.Alors, effectivement si tu me réponds à moi, je serais ravie que tu utilise cette forme de langage que tu maitrise parfaitement aussi, si j'en crois certains autres mails :lol:
Non que celui -ci soit obscur, comme tu dis, car je sais trés bien qu'il est parfaitement clair et explicite pour certains, mais c'est un code qui n'est pas forcement accéssible à tous.Alors, ma foi, comme je ne saurais parler cette langue, mais que manifestement toi, tu connais la mienne...

Et merci aussi pour cette perspective là, que vous développez avec joachim.
Ma réflèxion était faite à partir du point de vue de ce chemin de détachement effectivement, et donc avec un regard qui pouvait être perçu comme péjorant ce niveau incontournable de la psychée humaine .
Vous replacez tous deux cette dimension a sa place dans ce procéssus, et vous lui rendez magnifiquement sa tragique beauté et son sens!
Cela montre à quel point une chose peut être considérée de façon presque opposée selont d'ou on la regarde.Et comment ce qui fait partie de ce processus de croissance est un mouvement perpétuel dans lequel chaque pas a son sens et sa beauté profonde, qui doit être dépassé aprés avoir été pleinement vécu et assimilé.

l'image des trappézistes est belle, joachim.
Et je suis frappée dans vos deux textes, par cette "condamnation" implicite à aller chercher le Fond par delà la forme, cette quète de plus que soi,grace à ce manque ontologique...
Dommage que tant de psy qui décortiquent si magnifiquement les méandres de la psychée n'arrive pas à en venir a cette dimension, et laisse l'être humain baigner dans cette tragique et absurde absence du sens même de sa vie.

Joachim, comme j'aimerais être déjà concernée par un véritable "détachement" plein d'amour!! :( Je ne connais absolument pas le confort de ces faux détachements qui masquent la peur de ce défis
profond de la relation!!! Bien au contraire !
Je découvre seulement, (par delà la théorie que je prone depuis fort longtemps) cette néssécité de lever le pied dela marche sur laquelle je me tiens pour accéder à la prochaine.
Et ce passage est en cours.Mais pas facile, loin s'en faut!C'est drole.On dirait qu'il y a comme de la colle dessus!

Merci à vous de m'avoir rappellé qu'a chaque étape sa réalité et sa justesse.

'Grimo, Koutchy,(et mes enfants...) je ne retire pas ce que j'ai écrit,mais ... :? bon! Il va falloir vous débrouiller avec toutes ces vérités gigognes!
Chacune a sa place, a son moment de notre parcours....


Dernière édition par mushotoku-nad le Ma 31 Juil 2007 20:52; édité 1 fois
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Plume



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MessagePosté le: Di 16 Avr 2006 16:03    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Comme l’a si bien écrit mushotoku-nad, être amoureux, c’est être attaché. Mais c’est aussi être emporté, c’est être pris dans un tourbillon qui permet parfois de décoller de soi bien mieux que le confort de certains “détachements” (je ne le dis pas pour mushotoku, évidemment ).


Pour se décoller la pulpe du fond (comme dirait ce brave Colucci), pour prendre ses aises, rien de tel qu'un bon rouge qui tache! Mon amoureuse à moi, c'est ma guitare, Fernande, elle est une belle classique aux hanches voluptueuses, elle a le coeur dans la main et sa voix est douce, comme celle d'une femme sauf qu'elle ne me crie jamais dessus lorsqu'elle traîne au milieu de mes chaussettes sales. Par contre, elle manque de caractère, ne se refuse pas, ne rechigne pas, ne gronde pas, elle se contente d'obéir à mon doigté; en plus elle a un bouton sur le nez (je l'ai cognée dans un mur, par inadvertance soi-disant, par ébriété en fait). D'où le fait qu'il m'arrive de la tromper avec Miss Jack Daniel's (et ses nombreuses soeurettes, vétues de quelques glaçons très suggestifs; j'ai ma petite favorite, Miss Bourbon 97), et avec, je le confesse, de vraies femmes... bien qu'elles ne supportent pas toutes cette étrange polygamie.
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joaquim
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MessagePosté le: Di 16 Avr 2006 22:48    Sujet du message: Répondre en citant

mushotoku-nad a écrit:
Ma réflèxion était faite à partir du point de vue de ce chemin de détachement effectivement, et donc avec un regard qui pouvait être perçu comme péjorant ce niveau incontournable de la psychée humaine ..
Vous replacez tous deux cette dimension a sa place dans ce procéssus, et vous lui rendez magnifiquement sa tragique beauté et son sens!
Cela montre à quel point une chose peut être considérée de façon presque opposée selont d'ou on la regarde...


Chère mushotoku-nad,

J’ai beaucoup apprécié les mots que tu as écrit pour khouchti, et ils valent leur pesant d’or, car il viennent, j’en suis convaincu, d’un détachement vrai, c’est-à-dire d'un détachement qui ne se prétend pas acquis. Comme tu le dis, la même chose peut être considérée de façon presque opposée selon d’où on la regarde, et c’est pour ceux qui l’auraient regardée d’un autre point de vue, du point de vue de qui voudrait accéder à du définitif, que j’ai insisté sur la précarité de la condition humaine (dans le sillage de Plume qui en avait si bien sculpté le cri), car c’est cette précarité qui garantit l’authenticité de l'amour qu'on peut offrir. Être établi définitivement dans l’amour, ce serait être établi définitivement dans la suffisance. Le don n’est pas total s’il n’engage l’être entier, et on ne saurait parler d’engagement total d’un être assuré de lui-même, d'un être qui n’aurait rien à risquer. C'est le risque qu'on prend qui fait la valeur du geste. Pas n'importe quel risque, bien sûr. Le risque de la rencontre. Avec une personne, avec une pensée ou même avec un objet. Dans l’engagement total, il n'y a d’autre assurance que celle de savoir que l’accession à soi-même ne se fera qu’en prenant le risque de l’Autre.

mushotoku-nad a écrit:
Je ne connais absolument pas le confort de ces faux détachements qui masquent la peur de ce défi profond de la relation!!! Bien au contraire !:-(


J’espère que tu n’as pas cru que je supposais le contraire. J’avais justement pris la précaution de le préciser. Wink Mais un certain nombre de personnes sont venues sur ce forum qui étaient en quête d’une réalisation définitive. Un écueil redoutable que j'ai essayé de mettre en lumière. Il croient qu’on peut acquérir la Force. On peut acquérir des forces, certes, mais la Force, elle, ne nous habite que parce qu’on assume sa précarité.
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mushotoku
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MessagePosté le: Lu 17 Avr 2006 1:21    Sujet du message: Répondre en citant

je crois que c'est aborder là quelque chose de trés important, Joachim, lorsque tu parles de l'attitude qui est en quète d'une réalisation définitive, et abolue! Je crois que c'est réellement un piège énorme, car "qui" veut cela?Dans ces instants de Présence Totale, il n'y a personne pour vouloir la réalisation, ni la libération, et ce n'est une réalité qu'un instant aprés l'autre.Ce qui ce met à avoir cette prétention c'est un égo qui se veut dieu, saint, eternel et immuable,s'attribut la "mémoire" de ces moment là et veut les faire durer, comme le souligne si souvent Krishnamurti.
Et c'est un aspect que j'ai vu en moi-même à une époque!!

En même temps, c'est trés subtil, car c'est aussi l' égo qui peut s'emparer de cette vérité pour justifier une certaine complaisance....J'ai observé que Voir cela, c'est comme découvrir que le chemin passe sur un fil;(j'appelle ces domaines subtils et paradoxaux du chemin le fil du rasoir, ou du funanbule...)
Dans ce domaine du détachement, je me rend compte aussi de toute la subtilité et de la vigilance néssécaire.
Le "faux détachement" qui cache la peur de la relation et de ce qu'elle implique; de l'engagement, de l'autre et de tout ce qu'il révèle;celui qui masque l'indifférence , l'égoïsme ou l'incapacité d'aimer;celui vers lequel on va "en désespoir de cause", et qui est un abandon, ect ect !La "neutralité bienveillante" a laquelle on trouve souvent référence est un immense accomplissement dont on peut se targuer un peu prématurement, et qui trouve trés vite ses limites pour peu que la vie chatouille un peu fort la sensibilité....
J'ai vraiment découvert a quel point c'était un point délicat qui peut cacher bien des fuites, bien des souffrances, et d'auto-aveuglement, et nier la"colle" qui nous retient sur cette marche, de quelque attachement que l'on parle, c'est nier toute cette part humaine dont tu parlais plus haut, et refuser l'initiation qu'elle nous propose....

Ce qui n'empèche pas d'être là, devant ce passage qui se fait( ou se rate!!) toujours dans l'ici et maintenant,et conscient justement de manière de plus en plus aigûe de ce qui nous retient! C'est là que je découvre avec le plus d'évidence la richesse de ce risque de la rencontre dont tu parle, quelle qu'elle soit!
je vis cela comme le lieu privilégié d'un barattage profond, qui s'en va remuer trés loin des eaux que je croyais à tord "déjà" pures et transparentes, un creuset alchimique qui fait remonter en surface un tas de scories enfouies ..
D'ou le regard porté sur la question de koutchy, qui ne faisait que refléter mes propres découvertes, en oubliant effectivement cet autre point de vue!

Non, je n'ai pas cru que tu supposais le contraire:-), mais j'ai réalisé que la perspective a partir de laquelle je parlais pouvait paraitre déniger toutes les immenses leçons que le parcours relationnel nous proposent d'apprendre, d'étapes, en étapes, marches aprés marches sur un chemin subtil et pleins de paradoxe...
Et je me suis souvenue de mon premier méssage sur les" mots" qui ne sont pas la chose,;-) et qu'ils sont entendus par chacun a partir de ce lieu intime qui les habille d'un sens autre que celui dont je les ai fait porteurs..

Mais voilà..?n'est ce pas là aussi prendre le risque de la relation:-)?

.
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joaquim
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Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Ma 18 Avr 2006 20:20    Sujet du message: Répondre en citant

Plume a écrit:
"Un jour pourtant, j'ai été vu. On m'a animé, on m'a dit d'aller jouer avec les autres et qu'il faisait bon là où l'on joue. J'avais un insignifiant patronyme qui ne me convenait pas, on m'avait enclos dans un morceau de chair, sous quelques chiffres et lettres. Quel était alors mon désir? M'évader de la boîte. Mais c'est vainement que je me suis activé à me franchir, toujours rappelé à l'ordre par cet esclave qui squatte la baraque de mon existence. Comme les autres, je noie mon souci dans vos visages, délicieuses énigmes nourrissant mutuellement notre incomplétude."


Quelle étrange cour de récré qu’un forum, où l’on habille de quelques lettres une braise dépourvue de chair, où l’on tend vers l’autre une main longue et ténue comme un fil, comme un lasso qu’on jette à la mer. Fixité des mots, insaisissables visages de pierre, qu’on attaque au burin pour en dégager la vie. Enigme nue de l’autre, sans rien qui la révèle sinon la trace de ses pas dans le sable. Et pourtant, il suffit de maintenir le fil sous la tension d'une présence, pour que cette drôle de guitare sur écran le fasse vibrer et qu'ici aussi, il fasse bon jouer ensemble. Wink
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