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Emil Cioran

 
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Auteur Message
jsf



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Messages: 12

MessagePosté le: Sa 22 Avr 2006 2:47    Sujet du message: Emil Cioran Répondre en citant

Cioran a lui aussi vécu une expérience d'extase (=illumination). Mais le pauvre est resté un peu comme moi, pardon, un peu - completement.

DIVAGATION DANS UN COUVENT (in Précis de décomposition
Il n'est pour l'incroyant, amoureux du gaspillage et de dispersion, spectacle plus déroutant que ces ruminants d'absolu... D'où tirent-ils tant d'obstination dans l'invérifiable, tant d'attention au vague et d'ardeur à le saisir ? Je ne conçois rien à leurs certitudes, ni à leur sérénité. Ils sont heureux, et je leur reproche de l'être. Si au moins ils se haïssaient ! mais ils prisent leur "âme" plus que l'univers; - cette fausse évalutation est la source de sacrifices et de renoncements d'une imposante absurdité. Alors que nous faisons des expériences sans suite ni système, au gré du hasard et de nos humeurs, ils n'en font qu'une, toujours la même, d'une monotonie et d'une profondeur qui rebutent. Il est vrai que Dieu en est l'objet; - mais quel intérêt peuvent-ils y prendre encore ? Toujours pareil à lui-même, infini de même nature, Il ne se renouvelle guère; je saurais y réfléchir en passant, mais en remplir des heures !

...Il ne fait pas encore jour. De ma cellule j'entends des voix, et les ritournelles séculaires, offrandes à un ciel latin et banal. Plus tôt dans la nuit, des pas se précipitaient vers l'Eglise. Ls matines ! Et pourtant Dieu lui-même assisterait-il à sa propre célébration que je ne descendrais point par un froid pareil ! Mais, de toute manière, il doit exister, sinon ces sacrifices de créatures de chair, secouant leur paresse pour l'adorer, seraient d'une telle insanité que la raison ne pourrait en supporter la pensée. Les preuves de la théologie sont futiles comparées à ce surmenage qui rend perplexe l'incroyant, et l'oblige à attribuer un sens et une utilité à tant d'effrois. A moins qu'il ne se résigne à une perspective esthétique sur ces insomnies voulues et qu'il ne voie dans la vanité de ces veilles l'aventure la plus gigantesque, entreprise vers une Beauté de non-sens et d'effroi... La splendeur d'une prière qui ne s'adresse à personne ! Mais quelque chose doit être: lorsque ce Probable se change en certitude, la félicité n'est plus un simple mot, tant il est vrai que la seule réponse au néant se trouve dans l'illusion. Cette illusion, appelée, sur le plan absolu, grâce, - comment l'ont-ils acquise ? Par quel privilège furent-ils amenés à espérer ce que nul espoir du monde ne nous laisse entrevoir ? De quel droit s'installent-ils dans l'éternité que tout nous refuse ? Ces possesseurs - les seuls vrais que j'aie jamais rencontrés - à la faveur de quel subterfuge s'arrogèrent-ils le mystère pour en jouir ? Dieu leur appartient: essayer de le leur subtiliser , serait vain: eux-mêmes ne savent point le procédé grâce auquel ils s'en sont emparés. Un beau jour ils crurent. Tel s'est converti par simple appel: ils croyaient sans en être conscient: lorsqu'il le fut, il prit l'habit. Tel autre connut tous les tourments: ils cessèrent devant une lumiès subite. On ne peut vouloir la foi; ainsi qu'une maladie, elle s'insinue en vous ou vous frappe; personne ne saurait la commander; et il est absurde de la souhaiter si on est pas prédestiné. On est croyant ou on ne l'est pas, comme ou est fou ou normal. - Je ne peux croire ni désirer croire: la foi, forme de délire à quoi je ne suis point sujet... La position de l'incroyant est tout aussi impénétrable que celle du croyant. Je m'adonne au plaisir d'être déçu: c'est l'essence même du siècle; au dessus du Doute je ne mets que l'agrément qui en provient...

Et je réponds à tous ces moines roses ou chlorotiques: "Vous insistez en pure perte. J'ai regardé aussi vers le ciel, mais je n'y ai rien vu. Renoncez à me convaincre: si quelquefois j'ai pu trouver Dieu par déduction, je ne l'ai jamais trouvé dans mon coeur: l'y trouverais-je que je ne saurais vous suivre dans voitre voie ou dasns vos grimaces, encore moins dans ces ballets que sont vos messes et vos complies. Rien ne surpasse les délices du désoeuvrement: la fin du monde viendrait que je ne quitterait point mon lit à une heure indue: comment irais-je alors courir en pleine nuit immoler mon sommeil sur l'autel de l'Incertain ? Même si la grâce m'obnubiltait et que des extases me fissent frémir sans relâche, quelques sarcasmes suffiraient pour m'en distraire. Oh, non, voyez-vous, j'aurais peur de ricaner dans mes prières, et de me damner ainsi bien plus par la foi que par l'incrédulité. Epargnez-moi un surcroît d'effort: de toute manière mes épaules sont trop lasses pour soutenir le ciel..."

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Invité






MessagePosté le: Sa 22 Avr 2006 11:51    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour jsf

Cioran, et daumal qui le parle sibiem, et tous ses amis et adeptes du Grand Jeu...( http://perso.wanadoo.fr/manna/Game/point8888.htm )


Mais accepter profondement cette "evidance", lacher toute résistance et prendre ce néant du coeur de soi, c'est le passage vers l'Evidence, traverser l'absurde et exploser dans la Signifiance...

Daumal, Cioran aussi manifestement, et les autres ont joué sur la frontiére, liés dans les filets du moi, aux abords de sa dissolution; le lieu de tous les nihilismes...


____" Par quel privilège furent-ils amenés à espérer ce que nul espoir du monde ne nous laisse entrevoir ? De quel droit s'installent-ils dans l'éternité que tout nous refuse ? Ces possesseurs - les seuls vrais que j'aie jamais rencontrés - à la faveur de quel subterfuge s'arrogèrent-ils le mystère pour en jouir ? Dieu leur appartient: essayer de le leur subtiliser , serait vain: eux-mêmes ne savent point le procédé grâce auquel ils s'en sont emparés. Un beau jour ils crurent."____

Peut-être faut -il avoir connu les rives dont ils parlent si bien, pour comprendre ces horizons désespérés, et découvrir qu'il faut larguer ces ammarres de désespoir, accepter pleinement ce non -être!
Avoir traversé l'océan noir de l'absurde et le non-sens de la mort de toute idée de soi pour découvrir la Danse du TOUT et sa Signifiance emerger au coeur même du néant.... Et trouver enfin ce trésor qui efface le désir de tous les autres

"Inoubliable" voyage au coeur de Soi!

A chacun son "expérience!!
Il ne sagit pas là de croyance, ni d'inventer un sens "consolatoire" mais d'oser la mort et la dissolution absolument , au lieu de la regarder de loin en l'habillant de mots de désespérance et de cynisme ,en restant sur la rive, tétanisé par le non-sens apparent....

Juste un pas de plus....Le pas dans ce Vide...!
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Invité






MessagePosté le: Sa 22 Avr 2006 11:56    Sujet du message: Répondre en citant

Oups....décidement! log out, log in...je ne m'y retrouve pas trés bien :-)

c'était encore mushotoku, "l'invité"...
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jsf



Inscrit le: 21 Avr 2006
Messages: 12

MessagePosté le: Di 23 Avr 2006 0:31    Sujet du message: Répondre en citant

Excellent, merci pour ton lien, j'étais et suis toujours coléoptériste passionné, donc j'ai failli m'identifier à Daumal. Smile
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virgilewest



Inscrit le: 27 Sep 2006
Messages: 16

MessagePosté le: Sa 24 Nov 2007 4:14    Sujet du message: Répondre en citant

Zunya !! Heureux de te retrouver ici, voilà quelques temps que je suis tes aventures... Et au fait, pourquoi n'y a-t-il rien à accéder sur zunya.org ?

Pour ma part, j'avais bien essayé Cioran, mais son dégoût et sa haine de la chute, sorte finalement de complaisance quelque part, je trouve, m'ont été peu supportable. Et d'ailleurs, arrivé à une cinquantaine de pages de "précis de décomposition", je ne pouvais plus le supporter, non que je ne l'aimais pas ou que j'ai quelque chose contre lui, non, mais le poids de ses fin de phrase ne m'était plus soutenable... Bon, voilà, ce sera pour un autre, et j'espère avec bonheur ^^
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vertigo
Banni


Inscrit le: 10 Fév 2006
Messages: 38

MessagePosté le: Sa 24 Nov 2007 20:23    Sujet du message: Répondre en citant

Ce n'est pas le malheur, c'est le bonheur, le bonheur insolent,
il est vrai, qui conduit à l'aigreur et au sarcasme.
Emil Michel Cioran (De l'inconvénient d'être né)
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