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La naissance de la tragédie
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 11 Déc 2004 23:41    Sujet du message: La naissance de la tragédie Répondre en citant

L’accession à la conscience de soi est tributaire du contact avec un autre être lui-même conscient de soi. Comme l’a très bien décrit Lacan, la conscience de soi naît chez l’enfant à travers l’image que lui renvoie de lui-même le regard de l’autre. La conscience de soi ne ressort dès lors pas du domaine du réel, mais du domaine du symbolique, car elle n’existe pas en-et-par-soi, mais dans la relation à l’autre, et nécessairement à travers le langage. Phronimos a très bien résumé la pensée de Lacan en ces termes:

      «L'analyse du "Stade du miroir" est l'illustration de ce processus par lequel se constitue un sujet qui ne peut jamais se saisir comme tel. Il représente en effet le moment où l'enfant acquiert par un processus d'identification lié à la fonction de l'imaginaire, le sentiment de son corps propre. Si, dans un premier temps, l'enfant se prend pour autrui dans sa relation imaginaire (il parle de lui à la troisième personne ), dans un second temps il introduit une distance par rapport à cet imaginaire et arrive à comprendre

      1/ que l'image et la réalité diffèrent et que

      2/ l'image qu'il voit dans le miroir est bien la sienne. Pour Lacan, le "Stade du miroir" est bien "formateur pour la fonction de Je" car il structure le corps vécu qui était au préalable morcelé. Mais surtout cette expérience préfigure l'opposition du sujet et du moi; le "stade du miroir" manifeste "la matrice symbolique où le je se précipite en une forme primordiale, avant qu'il ne s'objective dans la dialectique de l'identification à l'autre et que le langage ne lui restitue dans l'universel sa fonction de sujet" (Ecrits I).

      L'émergence de la subjectivité est ainsi immédiatement vouée à l'aliénation imaginaire à l'autre au moment même où la fonction symbolique du langage lui restitue quelque chose d'elle-même. Ainsi on pourrait avancer qu'au moi correspondent la dimension de l'imaginaire, le regard et la réification (il est objet, voir plus loin Hegel); et qu'au sujet correspondent le je, la tension et la scission, le désir et la dimension symbolique du langage.»


L’émergence de la soi-conscience est ainsi également la naissance de la tragédie humaine, puisque la conscience, au moment où elle se saisit dans un acte jubilatoire comme une réalité consistante, bascule dans l’illusion, puisqu’elle n’est en fait que la projection dans un espace symbolique du rapport qu’entretient son appareil psychique avec le monde et avec autrui. «L'émergence de la subjectivité est ainsi immédiatement vouée à l'aliénation imaginaire à l'autre au moment même où la fonction symbolique du langage lui restitue quelque chose d'elle-même.». On trouve ici exprimé dans le langage de l’existentialisme du XXème siècle les enseignements des anciennes traditions spirituelles, qui affirmaient le caractère illusoire du moi tel qu’il nous apparaît dans la conscience, puisqu’il provoque notre propre aliénation, à nous-mêmes et au monde, dès lors qu’on s’identifie à lui.

Phronimos, que j’ai cité ci-dessus, livre dans son article sur Lacan un bref résumé de la philosophie de Sartre, qui exerça une influence sur Lacan, mais qui présente pour notre propos un intérêt particulier. Il écrit:

      «Pour Sartre le sujet authentique est "néant" car il échappe à toute définition, à tout emprisonnement à une quelconque essence prédéfinie: par différenciation d'avec les objets fabriqués dont l'essence précède l'existence, le sujet humain est libre, il n'est rien de prédeterminé avant les actions qu'il choisit de faire, c'est-à-dire qu'il n'est jamais, par sa conscience qui est pure transcendance, ni identique à lui-même, ni identifiable. Il est ainsi liberté, scission constante d'avec lui-même. Pourtant il peut s'aliéner, se réifier, car chacun peut céder à la mauvaise foi, s'identifier à une essence, à un personnage à un rôle: il cesse alors d'être néant, il devient quelque chose et perd la liberté constitutive de son humanité, sa subjectivité authentique. Il se réduit ainsi pour autrui à un image à laquelle il adhère.»


Ce qui est très remarquable et en même temps très troublant, c’est que Sartre n’ait pas perçu cette liberté radicale comme une source inépuisable de renaissance à soi-même à partir de son propre centre d’inviolabilité, mais fondamentalement comme un état tragique. Il en donne une illustration saisissante dans son roman “La Nausée”, qui culmine dans ces phrases:

      «A présent, je me reconnais, je sais où je suis: je suis au Jardin public. Je me laisse tomber sur un banc entre les grands troncs noirs, entre les mains noires et noueuses qui se tendent vers le ciel. Un arbre gratte la terre sous mes pieds d’un sombre noir. Je voudrais tant me laisser aller, m’oublier, dormir. Mais je ne peux pas, je suffoque: l’existence me pénètre de partout, par les yeux, par le nez, par la bouche...
      Et tout d’un coup, d’un seul coup, le voile se déchire, l’ai compris, j’ai vu.

      6 heures du soir.


      Je ne peux pas dire que je me sente allégé ni content; au contraire, ça m’écrase. Seulement mon but est atteint: je sais ce que je voulais savoir; tout ce qui m’est arrivé depuis le mois de janvier, je l’ai compris. La Nausée ne m’a pas quitté et je ne crois pas qu’elle me quittera de sitôt; mais je ne la subis plus, ce n’est plus une maladie ni une quinte passagère: c’est moi.

      Donc, j’étais tout à l’heure au Jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J’étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j’ai eu cette illumination.

      Ça m’a coupé le souffle. Jamais, avant ces derniers jours, je n’avais pressenti ce que voulait dire “exister”. J’étais comme les autres, comme ceux qui se promènent au bord de la mer dans leurs habits de printemps. Je disais comme eux “la mer est verte; ce point blanc, là-haut, c’est une mouette”, mais je ne sentais pas que ça existait, que la mouette était une “mouette-existante”; à l’ordinaire l’existence se cache. Elle est là, autour de nous, en nous, elle est nous, on ne peut pas dire deux mots sans parler d’elle et, finalement, on ne la touche pas. Quand je croyais y penser, il faut croire que je ne pensais à rien, j’avais la tête vide, ou tout juste un mot dans la tête, le mot “être”. Ou alors, je pensais... comment dire? Je pensais l’“appartenance”, je me disais que la mer appartenait à la classe des objets verts ou que le vert faisait partie des qualités de la mer. Même quand je regardais les choses, j’étais à cent lieues de songer qu’elles existaient: elles m’apparaissaient comme un décor. Je les prenais dans mes mains, elles me servaient d’outils, je prévoyais leurs résistances. Mais tout ça se passait à la surface. Si l’on m’avait demandé ce que c’était l’existence, j’aurais répondu de bonne foi que ça n’était rien, tout juste une forme vide qui venait s’ajouter aux choses du dehors, sans rien changer à leur nature. Et puis voilà: tout d’un coup, c’était là, c’était clair comme le jour: l’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite: c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans l’existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc: la diversité des choses, leur individualité n’était qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre – nues, d’une effrayante et obscène nudité.»


      Jean-Paul Sartre, La Nausée, Gallimard, folio, 1938, pp.180-182.


Voilà un auteur qui s’élève, par un intense questionnement intérieur, au-dessus de la médiocrité quotidienne, et perçoit la réalité au-delà des apparences plaquées qu’elle nous présente lorsqu’on la subit paresseusement. C’est le chemin que les traditions spirituelles invitent à suivre pour échapper à l’ensorcellement des apparences, et accéder à ce qui est. Et pourtant Roquentin (c’est ainsi que se nomme le narrateur du roman) se retrouve englué dans une réalité qui lui demeure étrangère, il ne ressuscite pas à sa vraie nature à travers elle, mais découvre au contraire en elle une qualité qui l’étouffe, et qui est lui-même: «La Nausée ne m’a pas quitté et je ne crois pas qu’elle me quittera de sitôt (...): c’est moi.» C’est une expérience de même nature, bien que d’une intensité notablement moindre que celle que décrit Patrick Süskind dans “Le Parfum” (cf. le post sur ce sujet).

J’ai lu ces derniers jours, après m’être abonné à la Revue du 3ème millénaire et en avoir commandé certains anciens numéros, plusieurs descriptions d’une prise de conscience de la “réalité de la réalité”, vécue non pas sous son aspect tragique, mais rédempteur; j’en retranscris une ci-après:

      «Un dimanche d’automne à la campagne. Quelques amis sont venus passer le week-end et le repas terminé, certains se préparent à faire une promenade dans les bois, d’autres à passer l’après-midi à bavarder devant le feu de cheminée. Je suis dans la cuisine pour effectuer quelques rangements avant de les rejoindre, lorsque soudain je prends conscience que quelque chose est changé, différent.

      Tout est net, clair, limpide, immédiat, comme si un voile avait été enlevé, comme si une vitre avait disparu. Je n’ai plus l’impression de regarder autour de moi, le centre du regard a disparu, “je” ne suis plus dans le regard.

      Les autres, le monde qui m’entoure, le personnage que je suis participent d’une même vie, d’une même substance, sans séparation, sans rupture, dans un même mouvement fluide et harmonieux. Les gestes coutumiers se déroulent d’eux-mêmes, simples, faciles, portés par un silence intérieur intensément présent. Silence et amour infini qui émane de sa propre nature irradie de lui-même et de toute chose.

      L’apparence du monde n’a pas changé mais le monde vit autrement, habité par ce silence et cet amour qui sont le coeur de toute chose et de toute vie. Le personnage (que je suis) n’a pas changé, mais “je” n’est plus dans le personnage, remplacé par ce silence et cet amour qui rayonne et chante à l’infini.»


      Marigal, Un Voyage sans Itinéraire, Revue 3ème Millénaire, No 47, 1998, p. 28.


Françoise Bonardel a signalé la parenté en même temps que la différence entre la conscience tragique de Sartre et l’éveil bouddhique:

      «La réalité-humaine est souffrante dans son être, parce qu'elle surgit à l'être comme perpétuellement hantée par une totalité qu'elle est sans pouvoir l'être, puisque justement elle ne pourrait atteindre l'en-soi sans se perdre comme pour-soi. Elle est donc par nature conscience malheureuse, sans dépassement possible de l'état de malheur." L'être et le néant, Gallimard, Tel, 1943, p. 129. (...) Sartre semble considérer comme un point final indépassable la situation existentielle à partir de laquelle le bouddhisme commence quant à lui à opérer. Car la seule "délivrance" envisageable pour l'existant c'est, nous allons le voir, de consentir à l'expulsion de soi à quoi le contraint l'existence, sans qu'il soit à ce propos possible de confondre révélation de la contingence et illumination (satori). (...) Si l'on ne peut donc créditer l'angoisse d'être en soi facteur d'Eveil, le décollement de la conscience ainsi devenu perceptible ne révèle pas seulement à l'existant qu'il abrite son propre néant puisqu'il lui est également donné d'entrevoir le "rien" de sa liberté, ouvrant il est vrai un abîme bien plus vertigineux encore (...) : "Dans l'angoisse la liberté s'angoisse devant elle-même en tant qu'elle n'est jamais sollicitée ni entravée par rien.» L’être et le néant, op.cit., p. 71.


Le saut dans le néant exige, pour pouvoir nous restituer notre être véritable, la reddition complète et sans condition de celui qui se croit être et ne fait pourtant que masquer notre être véritable. Sartre est un peu comme quelqu’un qui se trouverait au bord d’un précipice, fasciné et attiré par le vide mais ne trouvant pas en lui la confiance suffisante pour s’y précipiter sans réserve. Plutôt que confiance, je préfère en fait le terme de foi, malgré les lourdes connotations qu’il traîne derrière lui, car nul n’est capable, de son propre chef, de sauter dans le vide. Pour se sacrifier soi-même, il faut que, d’une manière ou d’une autre, intervienne la grâce. Par quel miracle pourrait-on en effet renoncer délibérément à soi? Tout acte que nous accomplissons ne peut qu’affirmer quelque chose de nous, quand bien même ce serait notre volonté de renoncer à nous-mêmes qu'on affirmerait. Seule la grâce peut donner à notre petit moi la force, qui s'appelle alors la foi, de se sacrifier lui-même, de sauter dans le vide. La foi, ce n'est pas l'espoir que « quelqu'un » vienne nous sauver. La foi, c'est une confiance, un état de confiance si intense, qu'on y puise la force de renoncer à soi, d'accueillir Dieu. C'est Dieu qui se cherche à travers nous.
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lune
Invité





MessagePosté le: Me 22 Déc 2004 10:14    Sujet du message: Répondre en citant

J'aime bien votre conclusion. Si l'on en croit le dictionnaire, avoir confiance signifie se fier à quelqu'un, à quelque chose. Il est cependant paradoxal de remarquer que l'état de confiance se construit parfois sur et dans une gande solitude, sur le renoncement aux images, aux représentations, dans l'abandon de toutes ces "balises" faussement sécuritaires. Ne reste alors plus qu'un immense élan d'ouverture de tout notre être. Dépouillés de toutes ces entraves, humbles et disponibles, nous pouvons peut-être alors accueillir l'autre.
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joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
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MessagePosté le: Ve 24 Déc 2004 18:38    Sujet du message: Répondre en citant

Vous décrivez avec d’autres mots, des mots qui ne sont pas les miens et qui pourtant disent si bien ce que je veux dire, l’éveil rédempteur qui surgit lorsque, dans un acte d’abandon, un acte intérieur qui affronte notre crainte la plus fondamentale, celle de se retrouver tout seul, sans rien à quoi se raccrocher, on fait face à cette angoisse, seul et nu; s’anime alors en nous le monde tel qu’il a toujours existé, dans sa majesté divine, que nous cachions par notre propre opacité, et qu’on s’étonne de découvrir tout en sachant en même temps qu’on l’a toujours connu.

J’aime votre mot d’“immense élan d’ouverture de tout notre être”; c’est pour cela que j’ai lancé ce forum, pour entendre d’autres voix, comme la votre, qui me parlent de ce qui m’est essentiel avec leurs mots, pour partager avec elles de tels moments de convergence. Et tant pis si le forum est peu animé: des cadeaux comme les vôtres ou ceux de François Brooks (vous êtes les deux seuls à avoir posté pour l’instant) me comblent, et font que c’est Noël plusieurs fois par année. heureux41 J’en profite d’ailleurs pour vous souhaiter, puisque c’est ce soir, un Joyeux Noël à vous !
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lune
Invité





MessagePosté le: Sa 25 Déc 2004 12:55    Sujet du message: Répondre en citant

A vous aussi un très beau Noël, aussi lumineux que la magnifique journée qui nous est offerte.
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Martine



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MessagePosté le: Je 31 Mars 2005 14:07    Sujet du message: La naissance d'une tragédie Répondre en citant

Bonjour à tous,

Ce thème de la "tragédie humaine" lié à notre identification au monde des formes n'a de cesse de me questionner...

Dans l'état de veille ordinaire, nul doute que l'identification domine et avec elle son cortège de limitations, de peurs et de souffrances, comme dans un scénario tragique... On a beau "savoir" que c'est une illusion, celle-ci est coriace et le fait de le savoir ne suffit pas pour s'en extirper...

J'ai vécu (comme beaucoup) des expériences spirituelles très belles et très inspirantes et pourtant "je" persiste dans l'ignorance et "mes" actions en témoignent...

C'est comme si à chaque fois, je m'approchais d'un seuil, assez pour voir ce qui se passe au-delà mais pas suffisamment pour y disparaître tout à fait... J'en reviens donc et guère plus avancée qu'avant...

Et le paradoxe, bien sûr, c'est que je ne peux rien y faire sous peine de renforcer le jeu de mon ego...

Le "faire" est cependant incontournable, ne serait-ce que pour permettre à l'énergie de se déployer, mais faire dans l'idée d'arriver à un résultat est bien évidemment toujours alimenté par cet ego qui, ma foi, a bien des tours dans son sac...

Le chemin vers l'éveil est décidément bien celui du paradoxe...

Shocked


Martine
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joaquim
Administrateur


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MessagePosté le: Je 31 Mars 2005 20:50    Sujet du message: Re : La naissance d'une tragédie Répondre en citant

Bonjour Martine, et bienvenue sur ce forum ! Smile

Voilà bien la tragédie dont il est question... J’avais choisi le titre “La naissance de la tragédie” en réponse à la déception que j’avais ressentie lorsque je découvris, adolescent, que le livre de Nietzsche (auquel j’en ai toujours voulu pour cela), loin de me livrer les arcanes de l’origine de la tragédie que je vivais, faisait oeuvre d’érudition sur la naissance du théâtre tragique. Rolling Eyes

Pour faire écho à ce que vous dites, je ne pense pas qu’on puisse s’approcher du seuil pour passer au-delà, et cela même s’il faut pourtant bien se mettre en route, sans quoi il ne sa passera jamais rien – et c’est bien paradoxal en effet. On réalise qu’on “arrive” non pas lorsqu’on passe au-delà du seuil, mais lorsqu’on n’attend plus rien (vraiment plus rien)... ce qui nous permet de découvrir, non sans surprise, que tout était en fait déjà là depuis toujours.

Quand vous vous approchez du seuil, comme vous dites, c’est peut-être justement votre désir de passer au-delà (ou votre idée qu’il doive y avoir “quelque chose” au-delà) qui vous empêche de vous laisser totalement porter par ce qui est là, et à quoi vous ne faites peut-être pas tout-à-fait assez confiance, puisque vous pensez qu’il devrait vous conduire au-delà...

Si j’ose vous poser la question: qu’est-ce que vous voyez au-delà, et pourquoi avez-vous envie d’y disparaître? Est-ce que vous pensez peut-être que vous, avec votre ignorance dont vos actes témoignent (prenez-le au second degré ), ne seriez peut-être pas digne d’y entrer telle que vous êtes? Mais dites-vous bien que ce n’est pas à vous d’opérer votre conversion; c’est la grâce qui le fait, et elle est toujours toute prête à le faire, sans juger, sans rien changer en vous, si ce n’est la lumière dans laquelle vous apparaissez.
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Martine



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Localisation: Marseille

MessagePosté le: Je 31 Mars 2005 21:42    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour votre prompte réponse.

"Qu'est-ce que vous voyez au delà et pourquoi avez-vous envie d'y disparaître ?"

Hé bien là, je ne vois plus rien de différent... non pas différent de ce moi limité et conditionné mais d'un moi élargi à tout le champ de la conscience... Plus de séparation, plus de moi dans l'expérience de la dualité. Envie d'y disparaître serait de trop, c'est déjà fait. C'est ce que j'appelle le seuil car malgré tout, l'expérience de la dualité revient, mon moi conditionné se reconstitue et continue d'exister comme si ce choc, et la joie immense qui l'accompagne, n'avaient pas été suffisants pour qu'il avoue une fois pour toute son caractère illusoire...
flicfrappe



[edit joaquim] Le sujet a bifurqué. Un des fils se poursuit ICI
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électron libre



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MessagePosté le: Sa 19 Nov 2005 19:41    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir,
s'il m'était autorisé de revenir sur le premier post de ce topic, je dirais que ce qui manque cruellement à Sartre, c'est à la fois un divan qui lui aurait permis de découvrir la vertu libératrice de la métaphore, ainsi qu'une réelle ouverture sur la transcendance, aperçue grâce à Husserl dans le Nous - ou le Je transcendantal - mais arrêtée trop vite dans un élan nihiliste de révolte : préalable à la conscience mais non fin en soi.

Le mécanisme d'aller-retour entre conscience et altérité marque bien cette séparation ontologique de l'autre, sans laquelle, il serait impossible de l'aimer, sans ce fameux miroir, sauf à gravir une quête névrotique et fusionnelle ou à expérimenter cette réelle dissolution du moi qui est aussi un accomplissement, mais un grand danger, quand la folie nargue la sagesse.

C'est bien cet arrachement à l'autre qui est source de souci, de souffrance mais aussi voie (et aussi pose problème) d'éveil, et de consolation, et ce rythme binaire omniprésent est également un gourou...

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fabienne
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MessagePosté le: Di 20 Nov 2005 23:01    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour Electron libre et merci de m'offrir ton aide. C'est en particulier le message ci-dessus. Je ne sais s'il faut le lire normalement, de bas en haut ou de gauche vers la droite.
Je blague......
Je ne sais pas de quoi tu parles Crying or Very sad
Je blague pas... Shocked
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électron libre



Inscrit le: 18 Nov 2005
Messages: 26

MessagePosté le: Lu 21 Nov 2005 0:02    Sujet du message: Répondre en citant

Bonsoir Fabienne,

Je comprends. Je te prie d'accepter mes excuses car mes propos ont été fort peu clairs en effet. Embarassed

Je suis resté sur l'objet du topic qui était la conception de Sartre dans la relation à l'autre et dans ce concept de conscience et d'altérité, qui fonde l'identité, l'ego.

Comme il a été dit, c'est cette notion de séparation primordiale de l'autre indifférencié (stade du miroir pressenti par Lacan) qui fonde l'ego et la conscience d'être soi-même, alors qu'elle est d'abord souffrance et perte du sein maternel, avec la naissance d'une intentionnalité propre à soi-même : la découverte du monde et des rapports fondant la personnalité.

J'étais parti sur des souvenirs d'une analyse sartrienne de certaines détresses mentales (le moi divisé de R. Laing ou l'autre est persécuteur ou encore indifférencié à soi avant d'être fécond - processus de dissociations psychotiques).

Je pense aussi, sur un autre plan que Sartre s'est arrêté à une conception d'un moi ou d'un je limité, excluant la transcendance, tout comme il a refusé de faire certain travail sur lui-même et, malgré toute l'estime que j'ai pour lui, il s'est retranché d'une dimension analytique qui aurait pu le faire déboucher sur les horizons qui nous intéressent ici.

Je voulais également dire de manière confuse que l'aspect psychique devrait à mon avis être abordé avant l'étape spirituelle proprement dite.

L'émergence du je sartrien aurait été un pré-éveil...

Suis-je plus clair ?

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fabienne
Invité





MessagePosté le: Lu 21 Nov 2005 8:05    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Je voulais également dire de manière confuse que l'aspect psychique devrait à mon avis être abordé avant l'étape spirituelle proprement dite


Bonjour Electron libre,
Dire que c'est plus clair serait un mensonge, ce n'est pas un sujet pour moi, tout simplement!
Je relève cette phrase car tu le dis ici et tu parles ailleurs de l'aspect psychologique.
C'est d'une telle évidence et pourtant, c'est bien la première fois que je lis ces pensées. Nous sommes d'accords et c'est d'un confortable......., tu n'imagines même pas!
Bon, je ne suis pas une gamine mais je chemine en conscience depuis peu de temps (la valeur n'attends pas le nombre des années )
Je voudrais poser la question à tous :
Pensez-vous possible de vivre un éveil spirituel sans avoir pris de temps de faire face à ces zones d'ombre (je découvre l'euvre de Jung Evil or Very Mad ) , sans avoir réglé ses conflits intérieurs.
Que se passe-t-il si un individu vit la mort de son l'égo sans avoir compris son existence ?
Que se passe-t-il si l'on" travaille" l'éveil dans le déni de sa santé mentale ?
J'ai pas mal de questions dans le genre..
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ponkhâ



Inscrit le: 09 Nov 2005
Messages: 267
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MessagePosté le: Lu 21 Nov 2005 13:18    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour fabienne, comme tu poses une question a tous, alors je mi inclus.

Lâcher prise a tout ce qu'on est, dans la dualité la plus profonde.
Ce qui est devant nos yeux (notre conscience) et qui est dans la lumière, ce qui est enfoui en nous et dans l'ombre. Tout en nous transmigrant de l'un a l'autre. La lumière le révélant, l'ombre le cachant, et perpétuellement.

Lumières et ombres ce corps c'est moi ? Jeu de cache/cache, jeu d'illusions.

Symboliquement, notre dernière et première rencontre, celle de nous mêmes face a nous mêmes. l 'Alpha, face à l' Oméga. Ombre et Lumière.

La connaissance nous dévoilant ce face a face.
L' Amour nous liant, nous unissant dans ce face a face.

Ombres et lumières notre corps, notre moi découvert.
Union et lient notre Etre, notre moi révélé.

Aime le mal et fait le bien. Voilà ou en est ma vérité.

La vie en la vivant, elle nous dévoile (Connaissance), en la vivant elle nous unis (Amour)
L'ego est a jamais né, est à jamais mort, la vie est le témoin immuable.

Où, ma vérité dans ces mots à rencontré ta vérité ?.
Là ou elles se rencontrent, là union surgit.
L' Etre a jailli!

Depuis notre vérité, un...temps, moment !. Depuis l' Etre ...?

Jeu de cache/cache, illusions, passe temps – Etre ?


Dernière édition par ponkhâ le Je 22 Déc 2005 0:41; édité 1 fois
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luz-azul



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MessagePosté le: Ma 22 Nov 2005 8:39    Sujet du message: Répondre en citant

électron libre a écrit:
S'il m'était autorisé de revenir sur le premier post de ce topic, je dirais que ce qui manque cruellement à Sartre, c'est à la fois un divan qui lui aurait permis de découvrir la vertu libératrice de la métaphore, ainsi qu'une réelle ouverture sur la transcendance, aperçue grâce à Husserl dans le Nous - ou le Je transcendantal - mais arrêtée trop vite dans un élan nihiliste de révolte : préalable à la conscience mais non fin en soi.

Chic, alors. J'ai trouvé un autre moi-même qui semble ne pas apprécier Sartre ! Ce Sartre, attiré en permanence par le gouffre, mais qui n’ose jamais se dépasser lui-même et qui, en fin de compte, se refuse à aller... plus loin que le bout de son nez (qu’il a quand même grand, je le concède).

Et je tente une percée vers ce nouvel ami...

Serait-ce que, vous aussi, vous n'appréciez pas Descartes et son cogito ? « Je pense , donc je suis » ! Quelle prétentieuse affirmation de l'ego qui sert de base à toute la spiritualité matérialiste d’aujourd’hui (et dont Aristote me semble être la référence ultime).

Ah, la provoc, j’adore... Smile

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Chacun assis sur notre rocher, échangeant des signes d’amitié, nous regardons tous ensemble le soleil se lever.
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électron libre



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MessagePosté le: Ma 22 Nov 2005 9:03    Sujet du message: Répondre en citant

Sachant que le cogito cartésien était initialement : "je doute, donc je suis" et non je pense...
L'ouverture était bien différente (et dérangeante).
Bien à vous Very Happy

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luz-azul



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MessagePosté le: Ma 22 Nov 2005 9:12    Sujet du message: Répondre en citant

S'il vous plait, avançons pas à pas car, effectivement, tout peut basculer...

"cogito ergo sum"

"cogito" = "je pense", non ?

à bientôt le plaisir de continuer cet échange.

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Chacun assis sur notre rocher, échangeant des signes d’amitié, nous regardons tous ensemble le soleil se lever.
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