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Des histoires plein la tête

 
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Auteur Message
Pierre



Inscrit le: 22 Nov 2005
Messages: 113
Localisation: Toulouse

MessagePosté le: Ma 01 Août 2006 18:49    Sujet du message: Des histoires plein la tête Répondre en citant

Un jour que j'avais soif, je me suis levé et j'ai bu. Or, étant à ce moment un peu moins avachi que d'habitude, j'ai pu observer d'assez près la chronologie de ces minuscules événements qui m'ont mené du canapé au robinet de la cuisine. Le bon sens (trompeur) voudrait que les événements se déroulent ainsi : mon corps a soif - je constate que j'ai soif - je décide d'aller boire - je me lève et vais me désaltérer. Or ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées : mon corps a soif ( jusque là, "je" n'en sais strictement rien) - mon corps se lève pour aller boire (de lui-même, sans que "je" ne prenne aucune décision) et simultanément (ou peut-être juste avant la mise en route du corps ?) une image mentale de moi-me-désaltérant-au-robinet-de-la-cuisine affleure de manière confuse et fugace dans mon esprit - "je" réalise que quelque chose est en train de se passer et rattrape la situation en "décidant" d'aller boire. Les représentations ordinaires que l'on se fait du corps humain, et en particulier du cerveau - organe central d'où sont issus tous les ordres donnés au corps - nous induisent en erreur. Il est tentant de prendre le cerveau pour le siège de la pensée, la pensée pour une émanation du cerveau et donc le "Je" pensant, décidant et agissant pour le big boss.

J'avais vu il y a quelque temps un reportage montrant une femme trépanée mais anesthésiée localement et donc éveillée et consciente, soumise à une curieuse expérience : l'expérimentateur ayant localisé dans son cerveau la "zone du rire", il s'est employé à la stimuler, provoquant ainsi de grands éclats de rire chez sa patiente. Jusque là rien de bien troublant (si ce n'est l'extraordinaire prouesse technique). Puis il lui demandait pourquoi elle riait. Et bien à chaque fois, la patiente répondait en fournissant une bonne raison qui expliquait son hilarité. C'était la tête déconfite de l'infirmière qui assistait à la scène, ou bien qu'elle venait de penser à quelque chose de drôle. De son point de vue, ce n'était jamais parce que l'expérimentateur avait stimulé sa "zone du rire".

Une dernière expérience, d'hypnose cette fois-ci (je ne sais quel crédit appporter à cette discipline, mais étant donné les convergences de cette expérience avec ce qui précède, je trouve intéressant de la mentionner) : un département de recherche d'une université américaine avait, lors d'une séance d'hypnose, "implanté" à un individu - et à son insu - l'ordre de se rendre tel jour à telle heure dans un lieu bien précis pour acheter des sucreries, ce que, par ailleurs, il détestait. C'est ainsi que la semaine suivante, l'individu hypnotisé, alors qu'il suivait toujours la même trajectoire pour se rendre à son travail, fit un long détour pour acheter du nougat conformément à l'ordre qui lui avait été clandestinement donné. Lors de la rencontre suivante avec les chercheurs qui l'avaient hypnotisé, il raconta ce qu'il avait fait ce matin précis de la semaine précédente. Avant que les chercheurs ne lui dévoilent que cet acte avait été programmé lors de la scéance précédente, ils lui demandèrent pourquoi, lui qui déteste les sucreries, il était allé s'en acheter ce matin là. L'homme répondit la chose suivante : depuis longtemps il se trouvait trop gros et il liait son excès de poids à une tendance à boire trop d'alcool. Or il avait entendu dire que les alcooliques détestaient les sucreries et il s'était dit que peut-être, s'il se forçait à manger des sucreries, cela diminerait son désir de boire de l'alcool. Raisonnement pas très rigoureux, mais qu'importe : ce qui est intéressant dans cette expérience, c'est que seul l'ordre de se rendre à un endroit précis pour une action précise avait été donné à cet individu, mais rien d'une raison ou d'une motivation pour le faire. Cette raison, c'est l'individu hypnotisé qui se l'est inventée après coup pour s'expliquer son acte.

Ces trois anecdotes illustrent une idée qui me trotte depuis un moment dans la tête. C'est assez difficile à exprimer avec précision. C'est comme si nous menions une double vie : d'un côté le corps, et d'un autre, les histoires que nous nous racontons dans notre tête, nos pensées, notre monologue intérieur. Le corps vit sa vie de corps, manger, dormir et faire des trucs : constitué de matière ayant la même origine que celle qui constitue toute chose physique qu'il est amené à cotoyer, sa destinée s'inscrit dans un long processus de transformation de cette même matière - l'évolution - dont les principes directeurs semblent être, vus de très loin, l'indépendance (ou l'autonomie) et la complexification. Cette destinée à laquelle il ne peut rien, fait qu'il se trouve à chaque instant à un endroit précis en train de se livrer à une action particulière, indépendamment de l'histoire en train de se dérouler dans "sa" tête. Car ces corps, figurez-vous, sont réhaussés d'une tête pensante qui joue à un drôle de jeu : se raconter continuellement des histoires - qu'elle confond avec la réalité- dans l'unique but de s'attribuer les actions du corps, de faire comme si elle existait en soi et disposait du pouvoir d'agir à sa guise sur le corps. Or que découvre-t-on à la lumière des anecdotes précédentes : que dans certains cas les histoires que se raconte la tête pour justifier son emprise sur le corps sont postérieures aux actes de ce dernier. La question que je me pose est : jusqu'où cela est-il vrai ? Jusqu'où notre univers mental (pensées, jugements, monologues intérieurs, histoires sur notre vie, justification de nos actes, décisions, projets, ...) n'est-il qu'une mouche du coche parasitant notre corps sans jamais avoir la moindre influence sur sa vie à lui ?

Voici un contre-exemple : imaginez un jeune couple qui a vécu une longue période passionnée et qui constate un beau matin l'érosion de cette passion. Toutes ces attentions pour l'autre, si naturelles sous l'effet du sentiment amoureux, voilà soudain qu'elles ne vont plus de soi et que le quotidien devient plombé par la nécessité de faire des concessions, des efforts, des sacrifices. Voici la question : quelles histoires ces personnes peuvent bien se raconter pour s'expliquer leur situation ( au choix : on a vécu ce qu'on avait à vivre et c'est fini, l'amour peut prendre d'autres formes que la passion et il ne tient qu'à nous de les découvrir, on a vu souvent rejaillir le feu d'un ancien volcan qu'on croyait trop vieux ...) et surtout, jusqu'où l'histoire adoptée ne va pas déterminer la suite des événements ? Ce serait le cas inverse que précédemment : en choisissant une manière de se représenter la situation dans laquelle on est engagé, on transformerait cette situation... Soit, il y aurait donc des cas où, prisonniers de notre univers mental, nous laisserions notre corps vivre sa vie en pédalant derrière lui pour nous faire croire que c'est nous qui le guidons, et d'autres où, plus présent à nous même, nous nous donnerions la possibilité de choisir l'histoire que nous voulons vivre.

Bon, je fourmille de questions et ce post, déjà longuet, va tripler de volume si je les développe. Je les pose donc, brutes de décoffrage, en invitant ceux qui seront sensibles à cette manière de se représenter les choses, à y répondre.

Est-on libre de choisir de se raconter une histoire plutôt qu'une autre ?
a) Oui, il suffit de comprendre l'irréalité fondamentale de l'univers mental.
b) Oui, mais cela nécessite un acte de foi, un lâcher prise, ce seul geste pouvant enrichir notre univers mental de nouveaux éléments
c) Non, car nous ne sommes pas plus l'auteur de ces histoires que des actes de notre corps (et qu'il n'est pas du tout pertinent de distinguer ces deux phénomènes)

S'éveiller, est-ce :
a) Ne plus se raconter d'histoires et goûter au silence intérieur ?
b) Etre libre de se raconter toutes les histoires du monde ?
c) Laisser le mental dérouler ses histoires mais ne plus croire en leur réalité ?
d) Cesser de se prendre pour quelqu'un qui raconte des histoires et fait des trucs ?
e) Oser continuellement se raconter les histoires les plus aimantes possible ?
f ) Investir pleinement son corps de telle sorte que l'esprit précède l'acte et donne lieu à une réelle capacité d'agir ?

En espérant ne pas vous avoir trop saoûlé avec mes histoires ...
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Ney



Inscrit le: 08 Juil 2006
Messages: 69
Localisation: Fribourg, Suisse

MessagePosté le: Ma 01 Août 2006 19:44    Sujet du message: Répondre en citant

Shocked

C'est on ne peut plus intéressant, ce que tu nous racontes là, Pierre !

Il n'y a à mon avis rien à ajouter, car les questions que tu poses sont en soi des réponses qui s'imbriquent toutes l'une dans l'autre.

_________________
Ney

° Puisse l'être constamment en prière qui demeure en moi laisser émerger son cantique à tout instant. °
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joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Me 16 Août 2006 23:50    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà des pensées qui bruissent comme une ruche. Wink Tu as parfaitement énoncé le dilemme du libre-arbitre et du déterminisme. Un dilemme insoluble pour la pensée. Pour la pensée discursive. Ce dilemme est inhérent à la dualité, et il ne peut avoir aucune solution dans la dualité. Mais si "je" devient actif, si "je" sort de sa léthargie intérieure, si "je" devient source, alors...

Quand on est éveillé, on porte ses pensées comme un habit ajusté.
Quand on s'endort, on se supporte mal comme un pyjama trop serré.
Quand on est éveillé, on surfe sur la vague.
Quand on patine, on boit la tasse.
Quand on est éveillé, on est en selle.
Quand on chute, on court après sa monture.
Être éveillé, c'est se découvrir dans ce qui vient à soi.
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phoeniks



Inscrit le: 02 Août 2006
Messages: 51

MessagePosté le: Je 24 Août 2006 20:11    Sujet du message: Répondre en citant

Pierre,

Il est bien difficile d’apporter une réponse à tes questions, et d’ailleurs le faut-il !

Mais tes exemples m’inspirent les réflexions suivantes :

Ne vous est-il jamais arrivé de rentrer du travail, puis en arrivant chez vous de constater que vous n'avez aucune idée de comment vous avez effectuer le trajet?
Et pourtant, vous avez pris votre voiture, vous avez plus ou moins respecté le feux, les stop, etc.
Vous avez su éviter les écueils du trajet alors que ceux-ci n'ont pas été les mêmes que ceux de la veille!
Et vous êtes arrivés à bon port.
Votre pensée était quant à elle bien occupée à tergiverser sur d'autres sujet, autrement plus importants que le trajet!


A contrario des tes exemples Pierre, il n’y a pas ici de justification postérieure à l’action, mais le constat simple du fonctionnement préalable à la pensée et, semble-t-il, autonome du corps.
« Le corps vit sa vie de corps, manger, dormir et faire des trucs » comme tu le dis si bien.


Ce que tu nous donne là à lire, Pierre, traduit pour moi, finalement la grande mécanicité dont nous faisons preuve en presque toutes les circonstances. Reconnaître notre mécanicité est pour nous et en particulier pour notre ego quelque chose d'insupportable. "Quoi donc, je ne maîtriserais pas tous les éléments de ma vie?!!"
La construction de justifications à postériori me semble participer de notre auto duperie. Notre ego doit pouvoir continuer de croire qu'il garde la main sur toute chose.
Par rapport à cela, l'éveil ne serait-il pas de pouvoir constater ce phénomène, non pas pour le changer, (car pouvons nous agir ?) mais simplement pour essayer d'être un peu plus conscient.

J'ai le souvenir d'une pensée assez récurrente lorsque j'étais petit garçon. Une pensée qui avait une présence étonnante. Je me disais que le monde était une pièce de théâtre et qu'un jour les masques tomberaient. (À l'époque je pensais plus au rideau qui s'abaisserait pour signifier la fin de la pièce). Peut-être avais-je alors le pressentiment de l'illusion des choses, illusion savamment entretenue.
On peut considérer que l'on voit la pièce comme un spectateur, on peut également considérer que la réalité se joue sous nos yeux (que nous en fassions partie, ou pas) ou encore on peut s'imaginer que se déroule devant nous une pièce de théâtre dont nous sommes l'acteur....
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Ghita



Inscrit le: 09 Mai 2007
Messages: 10

MessagePosté le: Me 23 Mai 2007 15:07    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Pierre

je trouve que ton sujet est trés intéréssant et j'ai pris gout a découvrir un nouveau aspect de la recherche sur le conscience humain.

Car effectivement ta vision des choses n'est autre qu'un nouveau modéle d'explication de ce que l'homme puisse étre.Car je ne crois pas que tu ignores que l'HOMME ESt fait de pensées et d'instincts.

Nombreux sont ceux qui different dans la combinaison des deux mais se fient a deux raisonnements pour entamer leur actes

1) Raisonnement religieux: l'homme marche dans sa déstinée en gardant la foi en dieu et en applique ses souhaits qui selon lui contribueront au bon fonctionnement le histoire et de l'acte humain


2) Raisonnement scientifique:l'homme se crée ses histoires pour faire des actes et pour cela il a comme seul guide sa pensée

J'espére que j'aies pu t'éclaircir un peu mon point de vue et aussi que cela soit adapté a ta quéte d'eveil
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