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Bergson : Durée, intuition et philosophie spirituelle

 
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MessagePosté le: Lu 30 Juil 2007 16:53    Sujet du message: Bergson : Durée, intuition et philosophie spirituelle Répondre en citant

En réponse à des questions de Asche ici, j’aimerais vous livrer un début d’exposition de la pensée de Bergson comme un regard philosophique et spirituel singulier sur l’éveil. Si je fais dans cet exposé quelques analogies avec Krishnamurti, c’est pour tenter de rendre la pensée de Bergson moins hermétique à priori du seul fait qu’il serait dans la catégorie des philosophes (et donc, à priori incapable de nous parler de l’éveil, position que je conteste ). Je vous demanderais aussi votre indulgence : je ne suis ni un spécialiste en philosophie, à fortiori de Bergson, ni un spécialiste en spiritualité, à fortiori de Krishnamurti ou d’un autre : ce qui est déroulé ici peut comporter des erreurs de retranscription de la pensée d’un tel, j’espère simplement suggérer au-delà des apparences trompeuses, une étonnante familiarité.

Pour plus de convenances, les textes cités par abréviation sont en lien ici.
  • DI-Essai sur les données immédiates de la conscience (1888), p69, Bergson, Edition Web, Source ICI
  • EC, L’évolution créatrice (1907), p200-201, Henri Bergson, Editions Web, Source ICI
  • DS, Durée et simultanéité. À propos de la théorie d'Einstein (1922), Editions Web Classiques des sciences sociales, Source ICI
  • PM, La pensée et le mouvant. Essais et conférences (1969). Articles et conférences datant de 1903 à 1923, Bergson, Editions Web Classiques des sciences sociales, Source ICI

Au sujet de la durée
Se placer dans la durée (même si là, je fais référence à un positionnement spatial), c’est à la fois par un mouvement actif (l’intuition) et passif (lâcher prise, en ne s’attachant pas à l’analyse que nous faisons de l’extérieur ou de l’intérieur, propre au « moi superficiel »). C’est en un sens un mouvement de contre nature. Si nous prolongeons la durée dans sa forme la plus pure, « elle est la forme que prend la succession de nos états de conscience quand notre moi se laisse vivre, quand il s'abstient d'établir une séparation entre l'état présent et les états antérieurs. » (DI, p57). Notez donc, que Bergson ne nous invite ni à évacuer le présent ni à analyser notre vie passée mais à se laisser aller, tout entier, dans ce qui fonde notre Etre, et cela en s’installant dans la durée. Mais en ce sens, la durée est changement, elle n’est pas un état ou une fixation. « Le temps n’est pas une ligne sur laquelle on repasse » (DI, p95)

La durée n’exclut pas l’instant présent puisque la durée traduit une expérience directe et immédiate. C’est l’instant présent qui est suggéré par l’immédiateté et cela ne fige pas pour autant l’éternité, nous continuons à durer, comme Bergson le soulève, c’est une éternité de vie : c’est une expérience vivifiante (et pas vivifiée), qui dure dans la vie. La vie, ce n’est pas de l’éternité morte, et si le passé existe pour nous au travers de notre mémoire – non dans un sens matériel - c’est pour que nous ayons plus de prise sur l’avenir. Et en cela, le progrès n’est pas une chose : « La durée est le progrès continu du passé qui ronge l'avenir et qui gonfle en avançant », c’est une progression continue, il parle ici en terme de mouvement. Jamais dans une expérience d’éveil si forte soit–elle ce progrès ne s’arrête mais nous n’en faisons pas une chose pour autant lorsque nous le vivons : c’est comme si nous sentions de manière intense dans une durée contracté la force absolue qui pousse en nous, ce qui est « l’élan vital » de Bergson. La vie n’est alors jamais achevée, sans commencement, sans fin, elle est en perpétuel devenir, dans un perpétuel jaillissement de nouveauté, c’est ça le progrès de Bergson. L’expérience d’éveil n’arrête pas la vie, elle ne l’achève pas au moment ou nous la découvrons, au contraire, on se découvre vivre vraiment. Cette expérience d’éveil ne nous dit pas non plus « voila, tient, la vie c’est ça, vous avez terminé, en fait vous êtes complet »… cette expérience d’éveil, c’est le jaillissement même d’une nouveauté pure, l’incroyable nouveau, mais le jaillissement de la nouveauté ne s’arrête pas à cet instant, ce serait se méprendre sur la vie : nous ne devenons pas des pierres au passage de l’éveil pas plus que nous nous désolidarisons du passé car en fait, nous ne nous sommes jamais arrêtés de durer.

Lorsque J.Krishnamurti parle du temps et de la pensée, il parle du temps spatialisé de Bergson… Je ne veux pas dire par là que Krishnamurti se trompait mais que Bergson a permis de « démixter » le spatial et le temporel, c’est peut-être là la nouveauté de la « méthode » de sa pensée. A mon sens (je m’avance un peu mais j’ai le sentiment que cela colle), la forme la plus proche de la durée bergsonnienne chez Krishnamurti, c’est la méditation (notamment pris au sens du mot dans le livre « la révolution du silence » de J.Krishnamurti). Voyez là, le mot méditation, ce n’est pas « médité », ce n’est pas un état, c’est bien un mouvement, mais quand Krishnamurti parle d’immobilité, il parle de l’immobilité de la pensée analysante, mais il ne fige pas la vie pour autant, il ne dit pas que la méditation vous amène à immobiliser la vie (au contraire, c’est justement ce que nous faisons continuellement par la pensée). Cette méditation, c’est vivre dans la durée au sens de Bergson. Notez aussi que je ne veux pas faire une stricte équivalence entre ce que Krishnamurti suggère et Bergson : il y a des recouvrements, des directions, des analogies… parfois même, des mots identiques pointent dans des sens apparemment opposés : mais c’est là qu’il faut être attentif, ne pas s’arrêter à l’immobilité suggérée par ces mots et surtout, observer ce qui est dit : à savoir, de discerner la durée de l’étendue et ainsi d’évacuer un grand nombre de problèmes que nous nous posons en des vues mixtes et confuses.

Lorsque Bergson parle de durée, il opère souvent une analogie avec l’écoute de la musique pour retrouver ce temps fondamental. Ainsi, « une mélodie que nous écoutons les yeux fermés, en ne pensant qu'à elle, est tout près de coïncider avec ce temps qui est la fluidité même de notre vie intérieure ; mais elle a encore trop de qualités, trop de détermination, et il faudrait effacer d'abord la différence entre les sons, puis abolir les caractères distinctifs du son lui-même, n'en retenir que la continuation de ce qui précède dans ce qui suit et la transition ininterrompue, multiplicité sans divisibilité et succession sans séparation, pour retrouver enfin le temps fondamental. Telle est la durée immédiatement perçue, sans laquelle nous n'aurions aucune idée du temps. » (DS, p42)

De même, lorsque Bergson parle de « psychologique », nous sommes assaillis par tout un tas de concept psychologisant qui nous ont été servis depuis le temps où Bergson à écrit (à l’époque, Freud était en train de dérouler sa théorie). Nous réduisons le psychologique à l’analyse qui en a été faite depuis… alors que pour Bergson à l’époque, le mot psychologie avait un autre sens que le sens que nous plaquons aujourd’hui. Le sens des mots bouge avec le temps, ils ne sont pas donnés comme ça, immuable, car derrière chaque mot est accolé tout un tas de représentations de notre monde. Alors évidemment, si l’on tombe sur le mot psychologie employé par Bergson, on aura tendance à réagir tout de suite avec ce que l’on plaque de nous sur cette psychologie, le plus souvent par le biais de théories, réduite à une théorie oedipienne, ou à un moi-surmoi, ou à un inconscient lieu refoulé du conscient, ou à un Ça qui pulse de la pulsion, ou à une question d’égo.

Bref, nous avons tendance à esquisser la vie par de l’immobile, comme le dit Bergson :
    « Cette longue analyse était nécessaire pour montrer qu'une réalité qui se suffit à elle-même n'est pas nécessairement une réalité étrangère à la durée. Si l'on passe (consciemment ou inconsciemment) par l'idée du néant pour arriver à celle de l'Être, l'Être auquel on aboutit est une essence logique ou mathématique, partant intemporelle. Et, dès lors, une conception statique du réel s'impose : tout paraît donné en une seule fois, dans l'éternité. Mais il faut s'habituer à penser l'Être directement, sans faire un détour, sans s'adresser d'abord au fantôme de néant qui s'interpose entre lui et nous. Il faut tâcher ici de voir pour voir, et non plus de voir pour agir. Alors l'Absolu se révèle très près de nous et, dans une certaine mesure, en nous. Il est d'essence psychologique, et non pas mathématique ou logique. Il vit avec nous. Comme nous, mais, par certains côtés, infiniment plus concentré et plus ramassé sur lui-même, il dure.
    […]
    Mais pensons-nous jamais la vraie durée ? Ici encore une prise de possession directe sera nécessaire. On ne rejoindra pas la durée par un détour : il faut s'installer en elle d'emblée. C'est ce que l'intelligence refuse le plus souvent de faire, habituée qu'elle est à penser le mouvant par l'intermédiaire de l'immobile.»

    (EC, p200-201)

Au sujet de la liberté, du libre arbitre, du déterminisme
L’acte libre de Bergson n’est ni un acte issu du libre arbitre ni un acte déterministe. Ceci est assez profondément analysé dans les Données immédiates. En cela, la conception de la liberté de Bergson est en tout point la même que celle de J.Krishnamurti.
    « nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l'expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu'on trouve parfois entre l'œuvre et l'artiste. En vain on alléguera que nous cédons alors à l'influence toute-puissante de notre caractère. Notre caractère, c'est encore nous ; et parce qu'on s'est plu à scinder la personne en deux parties pour considérer tour à tour, par un effort d'abstraction, le moi qui sent ou pense et le moi qui agit, il y aurait quelque puérilité à conclure que l'un des deux moi pèse sur l'autre. » (DI, p90)

Pour avoir l’occasion d’incarner un acte libre, Bergson parle de la nécessité d’une circonstance solennelle (du moins par rapport à notre mécanique de fixation de la vie et des motivations sous-jacentes), cette situation solennelle, J.Krishnamurti en parle en terme d’urgence, ce qui correspond au même type d’évènement : « Aussi a-t-on eu tort, pour prouver que l'homme est capable de choisir sans motif, d'aller chercher des exemples dans les circonstances ordinaires et même indifférentes de la vie. On montrerait sans peine que ces actions insignifiantes sont liées à quelque motif déterminant. C'est dans les circonstances solennelles, lorsqu'il s'agit de l'opinion que nous donnerons de nous aux autres et surtout à nous-mêmes, que nous choisissons en dépit de ce qu'on est convenu d'appeler un motif ; et cette absence de toute raison tangible est d'autant plus frappante que nous sommes plus profondément libres. » (DI, p89)

L’acte libre, c’est une réponse toute entière et immédiate de notre être à ce qui vient car « c'est de l'âme entière, en effet, que la décision libre émane ; et l'acte sera d'autant plus libre que la série dynamique à laquelle il se rattache tendra davantage à s'identifier avec le moi fondamental. Ainsi entendus, les actes libres sont rares, même de la part de ceux qui ont le plus coutume de s'observer eux-mêmes et de raisonner sur ce qu'ils font. » (DI, p88). Nous voyons ici le caractère rare d’un acte libre parce que nous sommes le plus souvent concentrés à intercaler une idée entre ce qui vient et notre action qui en découle, à séparer notre activité par la pensée. Nous voyons aussi que l’intuition et l’acte libre ne proviennent pas d’un processus d’introspection (ce qu’exprime de la même manière Krishnamurti).

Au sujet du libre arbitre et du déterminisme, Bergson fait une analyse implacable que je vous extrait ici : « Bref, défenseurs [libre arbitre] et adversaires [déterministe] de la liberté sont d'accord pour faire précéder l'action d'une espèce d'oscillation mécanique entre les deux points X et Y. Si j'opte pour X, les premiers me diront : vous avez hésité, délibéré, donc Y était possible. Les autres répondront : vous avez choisi X, donc vous aviez quelque raison de le faire, et quand on déclare Y également possible, on oublie cette raison ; on laisse de côté, une des conditions du problème. - Que si maintenant je creuse au-dessous de ces deux solutions opposées, je découvrirai un postulat commun : les uns et les autres se placent après l'action X accomplie, et représentent le processus de mon activité volontaire par une route MO qui bifurque au point O, les lignes OX et OY symbolisant les deux directions que l'abstraction distingue au sein de l'activité continue dont X est le terme. Mais tandis que les déterministes tiennent compte de tout ce qu'ils savent et constatent que le chemin MOX a été parcouru, leurs adversaires affectent d'ignorer une des données avec lesquelles ils ont construit la figure, et après avoir tracé les lignes OX et OY qui devraient représenter, réunies, le progrès de l'activité du moi, ils font revenir le moi au point O pour y osciller jusqu'à nouvel ordre.» (DI, p94) mais c’est là que les défenseurs du libre arbitre et du déterminisme se trompent car « c'est attribuer à la figure qu'on a tracée la valeur d'une image, et non plus seulement d'un symbole ; c'est croire que l'on pourrait suivre sur cette figure le processus de l'activité psychique, comme la marche d'une armée sur une carte. » (DI, p94).

Au sujet de l’intuition
Là encore, ce concept (pas d’autre moyen que d’en parler en terme de concept) revisité par Bergson renvoie à l’attention de J.Krishnamurti. L’intelligence, c’est le pure exercice de l’intuition : « l’intelligence vraie est ce qui nous fait pénétrer à l’intérieur de ce que nous étudions, en toucher le fond, en aspirer à nous l’esprit et en sentir palpiter l’âme »… Krishnamurti dirait « l’intelligence est attention », c’est exactement le même mouvement de l’âme. Attention et intuition sont comme père et fille ici…

Il nous parle alors de la simplicité de l’intuition, comme « quelque chose qui domine ici la diversité des systèmes, quelque chose, nous le répétons, de simple et de net comme un coup de sonde dont on sent qu'il est allé toucher plus ou moins bas le fond d'un même océan, encore qu'il ramène chaque fois à la surface des matières très différentes. C'est sur ces matières que travaillent d'ordinaire les disciples : là est le rôle de l'analyse. Et le maître, en tant qu'il formule, développe, traduit en idées abstraites ce qu'il apporte, est déjà, en quelque sorte, un disciple vis-à-vis de lui-même. Mais l'acte simple, qui a mis l'analyse en mouvement et qui se dissimule derrière l'analyse, émane d'une faculté tout autre que celle d'analyser. Ce sera, par définition même, l'intuition. »(PM, p141)

C’est donc par cette intuition, par cette attention à la vie (dont l’intuition en est la fille) que peut survenir notre « effondrement » pour être réduit à un point dans l’espace (par analogie spatiale). C’est en cela que se trouve la radicalité d’une expérience d’éveil, à savoir, que « tout se ramasse en un point unique, dont nous sentons qu'on pourrait se rapprocher de plus en plus quoiqu'il faille désespérer d'y atteindre. En ce point est quelque chose de simple, d'infiniment simple, de si extraordinairement simple que le philosophe n'a jamais réussi à le dire. »(PM, p77)

Au sujet du moi superficiel et fondamental
Tout d’abord, Bergson ne n’est pas attaché à cultiver cette distinction, car elle a été principalement développée dans le premier essai (DI) et cela ne fait pas partie de ce qui est essentiel dans ce qu’il cherche à nous suggérer. C’est une notion secondaire dans l’œuvre de Bergson.

Pour Bergson, au sujet du moi authentique, « le langage ne saurait le saisir sans en fixer la mobilité, ni l'adapter à sa forme banale sans le faire tomber dans le domaine commun. » (DI, p69).

Au sujet de l’impersonnel et du personnel, l’impersonnel est justement le moi superficiel qui émets des idées impersonnelles – ou des habitudes - sur la vie, empruntées, « abstraitisées », faites de préjugés. Lorsque Bergson nous parle du « personnel », ce n’est pas pour nous renvoyer à un égo noble mais bien à quelque chose d’intime, au fond de nous. L’expérience d’éveil est vécue dans son intimité, elle est personnelle (intime) tout en nous dévoilant ce qu’il y a d’impersonnel (habitudes, rapport abstrait au monde) dans notre rapport à la vie.

Le moi superficiel est le moi qui divise les choses (analogie avec la pensée divisante de Krishnamurti) ou par extension, qui divise l’espace homogène (il n’y a que ce qui est homogène, comme les nombres, qui peut être divisé par la pensée à l’infini). Toute cette course à la distinction est nécessaire, parce que la société fonctionne ainsi, c’est une modalité d’échange structurée au travers du langage.
    « Distinguons donc, pour conclure, deux formes de la multiplicité, deux appréciations bien différentes de la durée, deux aspects de la vie consciente. Au-dessous de la durée homogène, symbole extensif de la durée vraie, une psychologie attentive démêle une durée dont les moments hétérogènes se pénètrent ; au-dessous de la multiplicité numérique des états conscients, une multiplicité qualitative ; au-dessous du moi aux états bien définis, un moi où succession implique fusion et organisation. Mais nous nous contentons le plus souvent du premier, c'est-à-dire de l'ombre du moi projetée dans l'espace homogène. La conscience, tourmentée d'un insatiable désir de distinguer, substitue le symbole à la réalité, ou n'aperçoit la réalité qu'à travers le symbole. Comme le moi ainsi réfracté, et par là même subdivisé, se prête infiniment mieux aux exigences de la vie sociale en général et du langage en particulier, elle le préfère, et perd peu à peu de vue le moi fondamental. »
    (DI, p88)
    « Il se forme ici, au sein même du moi fondamental, un moi parasite qui empiétera continuellement sur l'autre, Beaucoup vivent ainsi, et meurent sans avoir connu la vraie liberté. Mais la suggestion deviendrait persuasion si le moi tout entier se l'assimilait ; la passion, même soudaine, ne présenterait plus le même caractère fatal s'il s'y reflétait, ainsi que dans l'indignation d'Alceste, toute l'histoire de la personne ; et l'éducation la plus autoritaire ne retrancherait rien de notre liberté si elle nous communiquait seulement des idées et des sentiments capables d'imprégner l'âme entière. C'est de l'âme entière, en effet, que la décision libre émane ; et l'acte sera d'autant plus libre que la série dynamique à laquelle il se rattache tendra davantage à s'identifier avec le moi fondamental.
    (DI, p88)

Bergson relate ici comme une clairvoyance spontanée au travers du moi fondamental pourrait alors s’exprimer :
    « Que si maintenant quelque romancier hardi, déchirant la toile habilement tissée de notre moi conventionnel, nous montre sous cette logique apparente une absurdité fondamentale, sous cette juxtaposition d'états simples une pénétration infinie de mille impressions diverses qui ont déjà cessé d'être au moment où on les nomme, nous le louons de nous avoir mieux connus que nous ne nous connaissions nous-mêmes. Il n'en est rien cependant, et par cela même qu'il déroule notre sentiment dans un temps homogène et en exprime les éléments par des mots, il ne nous en présente qu'une ombre à son tour : seulement, il a disposé cette ombre de manière à nous faire soupçonner la nature extraordinaire et illogique de l'objet qui la projette ; il nous a invités à la réflexion en mettant dans l'expression extérieure quelque chose de cette contradiction, de cette pénétration mutuelle, qui constitue l'essence même des éléments exprimés. Encouragés par lui, nous avons écarté pour un instant le voile que nous interposions entre notre conscience et nous. Il nous a remis en présence de nous-mêmes. »
    (DI, p71)

Une ouverture sur d’autres horizons spirituels
Si je n’ai pas trouvé une étude poussée entre la pensée de Bergson et celle de Krishnamurti, comme vous avez pu le voir, je pense qu’il y a de forte résonances dans ce qui est dit là…
En faisant quelques recherches, je suis tombé sur une relation étonnante entre Sri Aurobindo et Bergson que je vous livre ici :
    « J'ai été heureux d'entendre tout à l'heure M. le Gouverneur Baron prononcer le nom de Bergson. je suis étonné qu'on n'en ait pas parlé davantage ce soir, non pas que je croie à une filiation directe entre Bergson et la pensée indienne, mais parce qu'il n'est pas possible, pour ceux qui essayent de pénétrer la pensée de Sri Aurobindo, de n'être pas frappé de certaines consonnances profondes avec la pensée bergsonienne, notamment celle de l'évolution créatrice. J'irai jusqu'à dire que certains aspects de la pensée bergsonienne se sont pour moi éclairés et enrichis par la lecture des oeuvres de Sri Aurobindo et par l'interprétation que m'en ont donnée verbalement ses disciples qui l'ont si profondément pénétrée. »
    (Séance commémorative de Sri Aurobindo, allocution de M. Jacques Rueff décembre 1955, Source : ICI)

Vous trouverez sûrement tout cela un peu court, mais il y a encore beaucoup d’aspects de la pensée de Bergson qui méritent d’être abordés dans ce forum : l’Amour, l’Elan Vital, l’expérience mystique, la religion dynamique…etc. En espérant que cela contribue à un regard sur l’éveil singulier d’un philosophe étonnamment spirituel.
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Asche



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MessagePosté le: Lu 30 Juil 2007 22:17    Sujet du message: Répondre en citant

Feuille... que dire ! Merci beaucoup pour cet exposé on ne peut plus clair et parlant. J'espère que tu ne t'es pas senti contraint, par mes provocations d'hier, d'écrire ce texte. En tout cas il a le mérite certain de me réconcilier avec ce philosophe dont je n'ai qu'effleuré la pensée. Quelle évidence (quoique parfois difficile) portent ces extraits de Bergson et l'analyse que tu en fais, qui me semble fort juste.

Je n'ai rien à ajouter, pour le moment. Je suis moins convaincu par l'extrait concernant le déterminisme, mais cela ne change rien sur le fond. Nous y reviendrons peut-être un autre jour.

Merci, sincèrement ! Smile
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