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L'aversion pour la souffrance
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waxou



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MessagePosté le: Lu 18 Avr 2005 15:53    Sujet du message: L'aversion pour la souffrance Répondre en citant

Je viens de m'apercevoir non pas d'une impasse pure et dure, mais d'un frein qui concerne probablement tous les êtres sur la voie de l'éveil.
J'ai remarqué que la peur de la souffrance nous rendait aveugle à l'illusion, ce qui revient à la fuir.
Pour expliquer l'origine de la peur de la souffrance (dans l'idée de donner le plus d'informations possible sur cette impasse), je vais devoir expliquer un phénomène mental, ce qui va probablement être long et compliqué bien que non necessaire:
La quête de l'éveil prend presque toujours comme point de départ une souffrance.
Le plus souvent, il s'agit de l'observation de la souffrance ou de l'inconscience des autres, comme lorsque Bouddha est sorti de son palais.
Lorsqu'on observe la souffrance des autres, si l'on y prête assez attention, nous nous rendons compte que leur souffrance est une chose, et que son origine en est une autre. Celui qui souffre, cependant, confondra souvent les deux choses en les liant par jugement.
Ce lien de confusion entre les deux, est le même lien de confusion entre mental et conscience, c'est à dire l'égo.
Lorsque le désir de s'élever spirituellement part d'une souffrance personnelle confondue avec son origine par ce jugement généralement inconscient, la personne restera identifiée à son égo et sera donc bloquée dès le départ puisqu' elle ne fera que réagir à la vue que lui donne son mental.
De même, une personne s'étant libéré momentanément de ce principe, retournera dans l'impasse au moment ou elle accordera à nouveau de l'importance a ce jugement mental. Par exemple, en considérant la souffrance comme mauvaise.

La souffrance est un phénomène lié à la conceptualisation mentale. C'est en découpant une partie de réalité et en la jugeant mauvaise que sa survenue (ou son éventualité) dans notre vie nous apporte cette souffrance. Mais, de même, lorsque nous jugeons une chose comme bonne, son absence, sa disparition ou sa destruction devient souffrance. L'un ne peut exister sans l'autre, c'est ce que Bouddha voulait dire par la "noble vérité" sur l'origine de la souffrance. L'illusion du concept de bon ou mauvais tient au fait que la partie de réalité (ou le principe) découpée par le mental est perçue comme entité autonome dont les propriétés conceptuelles lui seraient propres, alors qu'elles sont le fruit de causes et de conséquences qui généralement nous dépassent.
Le jugement au premier degré confond une partie de la réalité avec le concept du bon ou du mauvais.
La souffrance à proprement parler n'apparait que lorsque cette confusion a lieu. Elle est une sorte de boucle qui fait réagir le corps lorsque l'égo se sent touché par cette chose mauvaise. Cependant, à cause de la confusion entre le concept de mal et la partie de réalité concernée, il y a aussi confusion entre la souffrance et son origine réelle.
L'émotion et son origine ne forment alors plus qu'une seule entité qui peut alors être reconsidérée si besoin est, et servir d'une nouvelle origine ce qui créera la peur ou autrement dit, la souffrance de la souffrance, qui se portera sur l'objet de la souffrance d'origine tout en se confondant une fois encore avec lui.
C'est encore un procédé d'amplification classique des schémas mentaux. Au troisième degré, celà donnera la peur de la souffrance. Au quatrième, la peur de la peur. C'est aussi le point de départ de la plupart des crises d'angoisse.
Malheureusement, dans la plupart des cas, et c'est ce pourquoi beaucoup de personnes, d'après moi sont concernées, le simple fait de considérer la souffrance comme mauvaise va directement nous amener au troisième degré, c'est à dire à la peur de la souffrance.
L'égo pourra trouver ici une accroche pour s'insérer dans la
quête en la ramenant au désir de devenir assez fort pour ne plus souffrir (principe du chêne), se l'appropriant et créant une base d'illusion qui deviendra un véritable frein pour cette "élevation" spirituelle.
Ce qui m'a fait penser à ce piège, c'est d'avoir vu une personne (connue pour être particulièrement égocentrique) ne pas souffrir de critiques qu'une autre personne lui avait faites alors qu'à sa place elles m'auraient probablement touché (si mon égo avait été concerné).
J'ai alors eu peur l'espace d'un instant (=souffrance liée à mon égo), et j'ai douté de ma quête, en me demandant comment il se faisait que malgré son ignorance très apparente sur le plan spirituel, cette personne puisse encaisser des critiques mieux que je ne le ferais maintenant si j'étais concerné par de tels "défauts".
J'ai alors réalisé que cette personne, avait ce désir de force spirituelle dont je parlais plus haut, et a travaillé à ne pas accorder la moindre attention à ce qu'on lui disait pour éviter cette souffrance, qu'elle avait probablement étiquetée comme marque de faiblesse, mauvaise, inutile, voire illusoire.
De mon coté, le doute m'ayant déstabilisé, ma propre souffrance (minime certes) m'a fait réaliser que mon égo considérait comme mauvais le fait qu'une personne puisse avoir tendance à moins souffrir que moi sans le "mériter", prouvant alors qu'il avait lui même peur de la souffrance, qu'il considérait en secret sa fuite comme une force, et son absence une juste récompense pour ses efforts de motivation, le tout dans un contexte de concurrence avec les autres bien typique.

Pourtant, d'une vue détachée, le fait qu'une partie aliénante de notre mental soit menacée et mise au grand jour pourrait nous rendre joyeux dans le contexte de notre quête, mais c'est impossible à cause de cette base d'identification illusoire qui en est à l'origine.
C'est là tout le paradoxe et la source de l'erreur dûe à notre dualité.
Ce qu'il convient de réaliser de par cet exemple (et que j'aurais pu me contenter d'écrire), c'est que la souffrance n'est pas mauvaise. Si l'éveil a tendance à l'abolir, c'est parcequ' elle finit simplement par ne plus avoir de raison d'être lorsque la personne ne s'identifie plus à son égo et lorsqu'elle n'accorde plus d'importance a ses concepts, tout en les utilisant a des fins pratiques.
Quand elle est là, notre jugement mis à part, elle prouve deux choses: qu'un pilier égoique existe, et qu'il est actuellement touché. C'est le meilleur indicateur d'illusion que je connaisse. Vouloir la fuir, ou ne pas considérer sa part de vérité (cad qu'elle indique de l'ego dans la conscience) solidifiera l'illusion.

Pour résumer le tout en deux phrases: l'important n'est pas de ne pas souffrir, mais de savoir ne pas avoir peur de la souffrance. L'absence de souffrance, est le résultat de l'éveil, mais n'a rien à voir avec le chemin pour l'atteindre. C'est là ou le principe de s'intéresser à l'action plutot qu'à son résultat prend tout son sens.
Je termine en remarquant la chose suivante: La peur aversion est une réaction de l'égo à tout ce qui pourrait lui nuire, ce qui inclut la souffrance. Elle conduit à isoler l'égo pour le protéger. Elle n'est donc pas une bonne conseillère. Elle est tout de même une sorte de souffrance de la souffrance, et indiquera indirectement une prise de l'égo sur la conscience. Elle rendra cependant difficile toute prise de décision allant à l'encontre de l'égo. Contrairement à la souffrance au premier degré.
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joaquim
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MessagePosté le: Di 24 Avr 2005 8:11    Sujet du message: Répondre en citant

Cher waxou,

Essayez d’être cohérent, et si vous prônez la déconstruction des pièges du mental, ne le faites pas en empilant les uns sur les autres des concepts mentaux mal ajustés en une construction chancelante qui réclame du lecteur une telle énergie pour ne pas s’effondrer dans son esprit qu’elle constitue elle-même un exemple de ce piège qu’elle prétend dénoncer.
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waxou



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MessagePosté le: Di 24 Avr 2005 15:31    Sujet du message: Répondre en citant

Bon, alors on dira que j'aurais illustré un autre type d'impasse sans m'en aperçevoir Laughing
Je suis vraiment désolé de provoquer cette fatigue mentale, c'est vraiment un problème auquel il faut que je travaille comme vous me l'avez fait comprendre...
Je comprend aussi que la quantité de textes si longs, si denses et si peu structurés que je diffuse puisse nuire à la clarté et la rigueur vers laquelle vous voudriez vous diriger par votre sagesse. (ne voyez aucune ironie là dedans, je suis sincère)
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joaquim
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MessagePosté le: Lu 25 Avr 2005 0:56    Sujet du message: Répondre en citant

On a trop facilement tendance à penser que ce que l’on dit serait plus important que la manière dont on le dit, que le fond compterait plus que la forme. Or, comme je vous l’ai dit, je pense qu’il n’en est rien, et qu’à l’exception de la simple transmission d’information, c’est le contraire qui est vrai: la forme compte beaucoup plus que le fond. Le fond, c’est ce qu’on veut dire, c’est le message qu’on veut faire passer, mais c’est cela justement qui est éminemment expression de l'ego. Au contraire, ne pas vouloir à tout prix faire passer un message, mais aider ce qui remue en soi à trouver la forme qui lui convienne, faire confiance à ce qui grandit en soi sans chercher à le forcer à tout prix; laisser les choses, les faits, les mots, les couleurs, les sons, se dire, s’astreindre à ne pas les contraindre mais leur permettre de délivrer leur message, c’est de la science, de la littérature, de la peinture ou de la musique. Tout le reste n’est que gribouillis, bruits et bavardage. A moins, comme je vous le disais, que ce bavardage se mette au service d’un art plus haut: la construction d’une relation personnelle. Mais alors, il ne s’agirait plus de dire des choses, mais de se dire, de se dévoiler dans une relation de personne à personne.

J’aimerais illustrer cette problématique du fond et de la forme par un exemple concret. Voici deux séries de graffitis, dans chacune desquelles l’auteur a simplement écrit son propre nom (ou un nom de code?): YOWIN pour le premier, et NETZ pour le second. Le fond du message est identique dans les deux cas, c’est une signature, qui veut dire à peu près ceci: “Regardez!, c’est moi!, j’existe!”:

Graffitis de YOWIN

Graffitis de NETZ

Ce qui distingue avant tout ces deux séries, c’est que YOWIN n’a accordé aucune importance à la forme (à l’exception de son dernier graffiti), alors que NETZ lui a apporté les plus grands soins. Et l’important, ce n’est pas que le message de NETZ soit plus beau sur le plan artistique que celui de YOWIN. C’est bien plutôt que NETZ a dû effectuer une démarche pour donner forme à son message, alors que YOWIN n'a fait rien d'autre qu'écrire son nom, et qu'après l'avoir fait, il a probablement continué sa route, satisfait, sans avoir été transformé en rien par son acte. NETZ, par contre, lui, a dû lutter avec les formes, avec les couleurs, avec le froid peut-être, avec la peur, que sais-je. En tous cas, sa démarche aura été une aventure, et ce qu’il en retirera, ce sera quelque chose de bien différent du but qu’il s’était proposé initialement - montrer qu’il existe -, quelque chose de bien plus précieux, car sa démarche lui aura permis d’avancer, lui aura permis non pas seulement de se dire, mais aussi de se découvrir dans son dialogue avec son oeuvre, de découvrir que l’essentiel n’était pas ce qu’il croyait savoir, mais ce qu’il était appelé à devenir.

Voici un autre exemple, dont le message de base est exprimé littéralement dans le premier, alors que les trois autres le font avec un grand souci de la forme:

Graffitis "J’emm. la police"

Là aussi, le message que les taggeurs auront voulu délivrer vieillira, perdra de son actualité et peut-être même n’y adhéreront-ils plus quelques années plus tard; mais ceux qui se seront mesuré à la forme auront grandi à travers leur acte, auront acquis à la fois des compétences, et aussi - et surtout - auront découvert quelque chose sur eux-mêmes. Pas des informations, mais ils auront exploré des régions intérieures, ils auront élargi leur horizon, ils auront brisé quelques barreaux de la prison que chacun constitue à soi-même - parce qu’ils seront entrés en relation vivante avec la matière, avec la réalité, avec la forme.

C’est à peu près le même thème qu'éclairent ces magnifiques phrases d’Alain Cugno, tirées de ce texte que j’ai mis dernièrement en ligne:

Alain Cugno a écrit:
Nous ne savons pas quelles questions et quelles difficultés les hommes qui ont peint les grottes de Lascaux s’efforçaient de résoudre. Nous ne les comprendrions peut-être même pas. Le saurions-nous que notre rapport aux oeuvres n’en serait pas profondément affecté (moins en tout cas que si, par exemple, il était avéré que ce sont des faux fabriqués au XXe siècle). Mais c’est bien parce que ces hommes s’affrontaient à quelque chose d’indicible que les oeuvres ont été produites, et qu’elles l’ont été ainsi. Il faut donc attendre de l’affrontement lui-même qu’il assure dans l’oeuvre son caractère transculturel et transhistorique.

Pure possibilité coïncidant avec la transparence de son origine, [l’oeuvre] accomplit dans son ordre propre ce que le moi désespéré juge impossible: être soi, absolument.
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joaquim
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MessagePosté le: Lu 25 Avr 2005 20:48    Sujet du message: Répondre en citant

Je m’aperçois que j’ai commis la même incohérence que je reprochais à waxou entre le fond et la forme. En effet, la forme que j’ai utilisé dans mes deux messages précédents, je m’en rend compte tout-à-coup, crée une certaine crispation, comme si l’on n’aurait le droit de poster ici que des oeuvres d’art Rolling Eyes, alors que je voulais au contraire, en destituant le fond de sa tyrannie sur la forme, décrisper, libérer de l’obligation de dire quelque chose d’important, autoriser à se dire plus librement, sans avoir nécessairement de message fracassant à délivrer.

Si je l’ai exprimé tel que je l’ai fait, c’est que j’avais un peu l’impression que la belle énergie de waxou s’épuisait à vouloir délivrer un message saturé de sens, alors qu’elle pouvait créer une réalité tellement plus vraie pour peu qu’elle mette de côté ses aspirations, ses ambitions à vouloir tout expliquer, et laisse la lumière qui l’habite simplement s’exprimer.

Peut-être y a-t-il un certain malentendu qui provient du fait que la forme d’expression qui s’impose à moi est, si j’ose dire, littéraire; cela n’oblige pourtant personne à adopter une forme semblable; vouloir le faire serait au contraire laisser tyranniser la forme que dicte à chacun sa nature, par un but qui lui serait étranger.

Comme quoi on n’échappe jamais au paradoxe de la dualité, et sitôt qu’on croit avoir résolu un problème, on a en fait déjà posé les bases d’un nouveau problème, qui vient nous rappeler que la vraie solution ne peut finalement jamais provenir de la résolution du problème, mais uniquement de la disparition de celui-ci, d’un changement de perspective qui fait que le problème n’existe tout simplement plus. Tout-à-fait à l’image de l’ego, qu’on ne peut pas vaincre, mais qui disparaît dès lors qu’on cesse de lutter avec ou pour lui, et qu’on accepte simplement ce qui est (sans quoi on se trouve contraint de faire continuellement coulisser des pistons dans des cylindres, ce qui exige bien un détachement continuellement renouvelé, et apporte bien de la vie et des couleurs, mais sûrement pas le repos)
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joaquim
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MessagePosté le: Ma 26 Avr 2005 21:49    Sujet du message: Répondre en citant

Je m’aperçois (encore une fois ) qu’affirmer que la forme prime sur le fond constitue une variante inattendue du célèbre paradoxe d’Epiménide le Crétois. Ce paradoxe repose sur l’indécidabilité de la phrase: “Tous les Crétois sont menteurs”, si cette phrase est prononcée par un Crétois. En effet, puisque celui qui l’énonce est Crétois, donc menteur, elle doit être considérée comme fausse. Mais dès lors qu’elle est fausse, les Crétois ne sont plus menteurs, et elle peut à nouveau être considérée comme vraie. Donc retour à la case départ, pour un nouveau tour dans une boucle infinie.

La phrase: “La forme prime sur le fond” partage avec le paradoxe d’Epiménide le caractère d’indécidabilité. Il est impossible en effet d’affirmer qu’elle est vraie, car en examinant l’hypothèse de sa véracité à l’aide de la proposition elle-même, cette hypothèse se trouve contestée, puisque ce que la proposition affirme, c’est-à-dire ce qui en constitue le fond, n’est qu’accessoire, autrement dit elle affirme son propre caractère accessoire, et privilégie sa forme, qui elle échappe à toute forme d’affirmation. Elle brille ainsi par la fragilité de sa construction, qui met en doute son énoncé à peine celui-ci formulé. Mais cette fragilité est aussi sa valeur, car si elle ne prouve rien, elle n’affirme rien définitivement, mais laisse planer continuellement un doute – à l’inverse de la tautologie, qui recycle en boucle ses propres prémisses en un mouvement de fermeture sur elle-même –, elle ouvre un espace de liberté, elle invite à reconstruire à chaque instant le monde auquel on croit, et à ce titre elle est bien plus que simplement vraie: elle est vivante, elle invite à vivre plutôt qu'à savoir.
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waxou



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MessagePosté le: Je 28 Avr 2005 15:23    Sujet du message: Répondre en citant

Vous m'avez fait réaliser quelle est l'impasse que j'illustrais par mon comportement. Certes, la forme de vos remarques m'a un peu destabilisé dans cette mesure que vous décriviez: ce paradoxe qui faisait que vous essayiez de me faire voir un "principe" qui était justement qu'il ne fallait pas essayer de délivrer de message trop précipité et/ou ambitieux. En même temps, vous ne m'expliquiez pas pourquoi ni comment, dans le respect du fond de votre message mais non dans le respect de sa forme. Et je ne vois pas vraiment ce que je pourrais moi même vous reprocher, à être partagé entre cette aspiration bienveillante à vouloir apporter une aide d'origine non égoique, avec humilité et modestie, et votre sagesse qui vous pousse à ne pas revétir l'habit de l'ambition et de l'appropriation de la connaissance.

Quand j'ai cru toucher l'éveil du doigt, je me suis rendu compte que cette transcendance qui m'arrivait à la vue de l'inconscience humaine collective était semblable à toutes les autres transcendance que je connaissais, sauf qu'elle était bien plus impartiale, englobante, vaste, joyeuse, durable, et même "utile".
Les transcendances musicales que je connaissais déjà étaient provoquées à la base par une harmonie, un plaisir des sens, et parfois une satisfaction égoique stérile dans le fond. Celà me dérangeait jusqu'à ce qu' une idée vienne à moi. C'est le genre d'idée que je n'ai pas eu l'impression de recevoir directement en mots dans ma conscience, mais que j'ai ressenti premierement comme si une partie de la réalité s'offrait à moi, parceque je lui avais été assez accueillant, ou parcequ'elle décidait de m'apporter son aide, dans cette période ou je ne savais plus ou chercher l'avenir, me retrouvant dans le présent par chômage technique de mon mental.
C'est le genre de sensations dans lesquelle on peut replonger si jamais on n'arrive pas à comprendre tout de suite la pensée qui voudrait en sortir. Alors j'ai senti premièrement que les joies ou les transcendances n'étaient que le résultat d'un lacher prise sur le mental.
Dans le cas de la communication, c'était aussi un effet "off" sur le mental qui permettait une certaine communion, d'ou l'idée de ne pas s'arrêter aux mots.
Une chose était certaine, l'important n'était pas vraiment l'énergie que mettait le délivreur du message dans son message, mais plutot la qualité d'accueil et de lacher prise du recepteur (ce que j'ai appelé à la va vite "tolérance mentale").
Or cette qualité d'accueil est aussi déterminée par la qualité du slalom du délivreur entre les piliers socio-égoiques du recepteur.
Dans une conversation face à face, il sera facile d'affiner l'épaisseur de ces piliers par une attitude bienveillante et attentive... enfin, je pense que je n'ai rien à vous apprendre sur le sujet.
Mais dans l'écriture celà dépendra entre autres de la cohérence entre le fond et la forme.
Là ou je voulais en venir, c'est que je n'ai pas pensé à avoir l'ambition de vouloir apporter quelquechose avec la forme de mes messages vu mon manque d'expérience dans ce domaine.
Je voulais partager mes pensées comme je pouvais en me disant: si le lecteur est dans le lacher prise et la légèreté, il sentira ce qu'il y a au delà des mots, dans le cas contraire, je n'y peux rien mais j'aurais essayé.
Cependant il est vrai que du coup, je me suis habitué à une forme plutot brutale qui peut rendre incohérents mes messages aux yeux d'une personne pour qui la forme compte beaucoup. Et il est vrai que par ce laisser aller, je laisse une porte ouverte à mon égo pour s'approprier cette forme et rajouter à mes textes la dualité qu'il manquait à leur fond.
Il en résulte trop de précipitation dans mon approche de la spiritualité, et pas assez de temps pour prêter attention à l'inspiration, ni pour en profiter...
Une inspiration à laquelle je devrais faire confiance plutot que de laisser mon ego créer des concepts trabeculeux pour essayer de l'emprisonner.
Je vous remercie donc pour ce conseil qui m'a permis de méditer sur cette tête de pont égoique ainsi que d'affiner ma vision de la communication. Pour ce qui est de l'application, le comment, je pense qu'il va me falloir du temps. Mais au moins je suis décidé yellowcool
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waxou



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MessagePosté le: Me 04 Mai 2005 12:07    Sujet du message: Répondre en citant

Il y a une chose qui m'intrigue. Vous m'avez dernièrement véritablement ouvert une nouvelle voie, et je n'ai de cesse de dire que je vous en suis reconnaissant, peut-être pour me faire pardonner de mon ambition et de mon manque de confiance...
Je remarque maintenant qu'au début je souffrais de ce manque de confiance non pas en moi, mais en vous, à cause de mes doutes égoiques, lorsque vous me faisiez vos remarques.
J'ai pu réaliser au bout d'un certain temps la portée de ce que vous disiez lorsque vous parliez de la seule réalité de la forme. Et même si mon mental ne s'en est pas persuadé, j'ai pu sentir la beauté de ce principe.
Avoir réalisé ceci m'a redonné cette confiance, et en même temps à pulvérisé le doute. Comme quoi l'acceptation de la forme reçue est aussi nécessaire que son respect lors de sa création.
Dans mon message précédent, je parlais de ne pas avoir l'ambition d'apporter quelquechose avec la forme de mon texte, alors qu'elle seule existait vraiment, c'est un peu s'avouer "vaincu" d'avance...
Lors de vos remarques, c'était la première fois que j'entendais parler de ce paradoxe du fond et de la forme, or j'ai lu récemment une interview d'Eckhart Tolle ou il disait la chose suivante:
Eckhart Tolle a écrit:
Internal and external are ultimately one. When you no longer perceive the world as hostile, there is no more fear, and when there is no more fear, you think, speak and act differently. Love and compassion arise, and they affect the world. Even if you find yourself in a conflict situation, there is an outflow of peace into the polarities. So then, something does change. There are some teachers or teachings that say, nothing changes. That is not the case. Something very important does change. That which is beyond form shines through the form, the eternal shines through the form into this world of form.

Comme si l'acceptation de vos remarques m'avait permis de voir une partie de la réalité que je ne voyais pas vu son absence de logique dans mon référentiel.
S'il y a besoin d'une traduction je le ferais mais pour le moment je préfère conserver la forme originale de ces paroles.
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joaquim
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MessagePosté le: Me 04 Mai 2005 21:20    Sujet du message: Répondre en citant

Cher waxou,

Je suis très heureux que notre échange ait pu vous ouvrir un nouvel horizon qui vous ait enrichi. Il n’est pas évident d’approfondir sa confiance en soi à travers des critiques; c’est tout à votre honneur si votre ouverture vous a permis de le faire. Et c’est à moi de vous remercier, car si ce forum parvient, en plus de son but avoué, qui est de partager sur le thème de l’éveil, à faire grandir ceux qui y participent, j’accueille cela comme une bénédiction.

Je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement compris le texte de Eckhart Tolle. Je vous demanderais non pas de le traduire, mais peut-être, si vous le voulez bien, de dire ce que vous y avez lu.
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waxou



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MessagePosté le: Je 05 Mai 2005 14:06    Sujet du message: Répondre en citant

Je suis surpris que vous me demandiez de commenter ce texte car j'avais l'impression de lire quasiment vos paroles mot à mot (mais en anglais). Pour clarifier les choses de mon coté, je ne vénère pas Eckhart Tolle au point de lui donner toujours raison. Il y a certains points dans son approche qui me semblent incohérents et discutables, comme par exemple le prix de ses livres, de ses cassettes et l'aspect commercial de son site. Cependant, j'ai vu et lu que beaucoup de gens étaient sortis de leur enfer intérieur grâce à son premier livre (entre autres à l'hopital). Il semble bien respecter la non transmission d'information pure et dure, et se servir de mots comme de panneaux, malgré certaines phrases peut être un peu trop anti-égo, c'est à dire que je pense qu'il y a des personnes qui vivent à travers l'égo tout en étant conscientes qu'elles ne sont pas en pleine maîtrise de ce qui leur arrive, mais qui ne s'en font pas pour autant. Ce genre d'approche anti égoique pourra faire croire à ces personnes qu'elles ont un problème et qu'elles ne sont pas heureuses alors que ce n'est pas tout à fait ça.
Je vais donc situer le contexte pour plus de clarté:

Il s'agissait d'une interview prise par sa "compagne", Kim Eng, dont le sujet était les relations d'amour. Il disait qu'il n'y avait pas de "relationships" mais uniquement du "relating". Se dire qu'on est dans une relation était mental et conduisait toujours à l'appropriation et la souffrance, alors que l'objet de la relation amoureuse était finalement interchangeable.
L'amour conventionel pour lui serait chercher qu'une personne nous donne une chose que l'on peut uniquement avoir par lacher prise. Une stratégie de l'égo pour éviter de disparaître.
Il enchaîne ensuite en disant que l'univers entier tient à des différences entre des polarités. Et qu'on ne peut les annuler sur le plan de la forme, seulement les transcender par le lâcher prise, et que si l'on s'attache à la forme: les pensées, les expériences, les situations peuvent devenir infernales. Le monde sera perçu comme hostile par les yeux de l'égo.
Kim lui demande alors: si l'éveil ou vivre la vie de manière éveillée ne change rien à l'ordre naturel des choses, à la dualité, la tension entre les opposés, qu'est-ce que ça change: est-ce que celà affecte vraiment le monde, ou seulement notre expérience subjective du monde?
Il répond que lorsque l'on vit dans le lacher prise, une chose nouvelle vient à travers nous pour arriver dans le monde de la dualité. Et c'est là qu'il dit ce que j'ai retranscrit dans mon message précédent:
C'est à dire que finalement l'intérieur et l'extérieur sont la même chose. J'irais jusqu'à dire que c'est notre dualité de perception qui nous fait différencier la forme et le fond. Grâce au fond de lâcher prise, la forme change, se faisant voie d'emmergence pour le divin. "Ce qui est derrière la forme brille à travers la forme, l'éternel brille à travers la forme dans ce monde de forme"
Celà change la façon dont les opposés se manifestent. Car en effet, les opposés peuvent être en conflit comme ils peuvent être en symbiose. Comme lors des transcendances musicales fond/forme dont je parlais, mais aussi comme votre vision d'écriture: lorsque la forme semble épouser le fond.
Ce fait que finalement les choses changent est pour moi un bonne explication non de l'attachement, mais de l'importance de la forme lors de la communication.
A ignorer trop la forme, je renforçais l'opposition que je sentais entre elle et le fond. Elle se faisait encore plus tyranique et mon sentiment de dualité était de plus en plus grand. La preuve en est vos remarques.
En fait, je fuyais la forme, parceque je savais que j'y étais encore trop attaché pour pouvoir me risquer à l'utiliser.
Je m'arrête là, parceque je suis arrivé à un point ou j'ai l'impression que tout se rejoint et tout s'explique par le même phénomène sur d'autres plans: théorie et application, fuite ou lacher prise, art, humour, amour...
Et généralement c'est là que mon manque d'expérience nuit à mon message. Je vais donc suivre votre conseil, et laisser cette impression d'unicité en moi pour le moment, histoire qu'elle murisse encore un peu.
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 07 Mai 2005 0:41    Sujet du message: Francisco Varela : autopoièse, énaction et éthique Répondre en citant

Merci pour ces précisions très complètes. Smile

waxou a écrit:
Je m'arrête là, parce que je suis arrivé à un point ou j'ai l'impression que tout se rejoint et tout s'explique par le même phénomène sur d'autres plans: théorie et application, fuite ou lâcher prise, art, humour, amour...


Vous avez raison de laisser cette impression d’unicité reposer en vous, car elle ne nécessite pas d’explication supplémentaire; au contraire, toute explication supplémentaire l’affadirait.

Partager des réflexions anime l'esprit et permet de voir plus loin. En me plongeant dans les votres, un lien m'est apparu entre le thème du fond et de la forme qui nous occupe ici, et les théories de Francisco Varela sur l’épistémologie et l’éthique dont j’avais parlé ailleurs.

Je vais essayer de résumer sa théorie. Pour lui, la connaissance n’est pas quelque chose d’abstrait qui serait extrait de l’expérience. La connaissance est présente dans l’expérience, et s’affine avec chaque nouvelle expérience, non pas de manière abstraite, mais parce que l’être connaissant se construit à travers la connaissance qu’il acquiert du système dans lequel il agit et sur lequel il agit. Dans ce sens, il n’est pas nécessaire que l’expérience soit une expérience cognitive au sens strict: toute expérience, y compris, par exemple, celle de la cellule immunitaire qui entre en contact avec un antigène, est acte de connaissance. Et cet acte de connaissance ne se déroule pas dans un monde parallèle, abstrait, mais à l’intérieur même de la réalité concrète; il n’est pas détaché de cette réalité, mais procède d'elle en même temps qu'il contribue à la modeler. L’individu qui connaît se construit à travers la connaissance qu’il acquiert de son milieu, et modèle en retour son milieu. Varela a développé, avec Humberto Maturana, le concept d’autopoïèse, dont j'emprunte la définition à l’encyclopédie en ligne Wikipedia:

Citation:
Selon Varela, « un système autopoïétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui

  • régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits
  • constituent le système en tant qu'unité concrète dans l'espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau. »

Varela, F., (1979), Autonomie et connaissance, trad. Paul Dumouchel et Paul Bourgine, Paris, Seuil, 1989


Varela a également développé le concept d’énaction. Il entend par là une interaction réciproque permanente entre perception et motricité, qui constituent ensemble le moteur de l’apprentissage du comportement pour tout système vivant, autrement dit une cognition incarnée. Selon cette théorie, il n’existe pas de perception neutre, indépendante du sujet et de la manière dont celui-ci s’inscrit dans son environnement. « La connaissance ne préexiste pas en un seul lieu ou en une forme singulière, elle est chaque fois énactée dans des
situations particulières. » (Varela, F., Thompson, E., & Rosch, E. L'inscription corporelle de I' esprit, 1993 p.97).

Varela a établi un lien entre sa théorie de la connaissance et le bouddhisme. Il a en effet dû quitter son pays, le Chili, à la chute d’Allende, et il a vécu alors une grave crise personnelle. Il s’est mis à l’école du bouddhisme auprès de Chögyam Trungpa, et est devenu par la suite un ami personnel du Dalaï Lama, avec qui il a organisé les rencontres “Esprit et Vie” à Dharmsala. Dans le livre: “Quel savoir pour l’éthique”, que j’ai cité dans un autre post, il part des considérations biologiques qu’il a développées pour déboucher sur des considérations éthiques et spirituelles. Au début de son ouvrage, il écrit:

Francisco Varela a écrit:
Considérons une journée normale. Vous marchez tranquillement dans la rue, en réfléchissant à ce que vous devez dire à une prochaine réunion. Vous entendez un bruit d’accident, ce qui vous incite immédiatement à voir si vous pouvez être d’un quelconque secours. Ou bien, vous arrivez au bureau et, constatant l’embarras de votre secrétaire sur un certain sujet, vous détournez la conversation par une remarque humoristique. Les actes de ce type ne sont pas le fruit du jugement ou du raisonnement, mais d’une aptitude à faire face immédiatement aux événements. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous accomplissons ces gestes parce que les circonstances les ont déclenchés en nous. Il s’agit pourtant de véritables actions éthiques; en fait, elles représentent le type le plus courant de comportements éthiques dont nous faisons preuve dans la vie de tous les jours.


Varela assigne à ce comportement éthique spontané une valeur supérieure au jugement moral, qui s’appuie sur un “je” central qui se veut la cause d’une action réfléchie et délibérée. Il s’inscrit ainsi à contre-courant de la pensée orthodoxe occidentale, mais dans la droite ligne de la pensée orientale, et commente longuement le sage chinois Mencius, lequel qualifie celui qui agit sous l’effet d’un jugement moral d'“honnête homme du village”, ce qui dans sa bouche veut dire à peur près "petit bourgeois", et l’oppose à l’homme véritablement vertueux, qui est celui “qui agit à partir des dispositions qui sont les siennes au moment même de l’action parce qu’il les a cultivées”. Il souligne ici le rôle capital de l’apprentissage, aussi bien dans sa théorie de la connaissance — construite à partir de bases biologiques, pour laquelle la connaissance n’est rien d’autre que la construction d’un rapport entre le système vivant et son milieu, autrement dit un apprentissage —, que dans le cheminement spirituel et éthique, où il ne s’agit pas tant de découvrir la vérité, plutôt que de l’incarner peu à peu par un lent travail. Je cite encore un passage que je trouve particulièrement illustratif:

Francisco Varela a écrit:
La question est très bien exposée dans le Tao Te King de Lao Tseu, où il se présente sous la forme de la célèbre formule, difficile à traduire, du wu-wei (“rien-faire”):
    «L’homme de la plus haute vertu ne s’en tient pas à la vertu, et c’est pourquoi il possède la vertu [...].
    L’homme de la plus basse vertu ne s’éloigne jamais de la vertu et c’est pourquoi il ne possède pas la vertu [...].
    Ainsi le sage agit grâce au wu-wei et il enseigne sans aucune parole [...].
    Alors les mille choses prospèrent sans interruption [...].
    De moins en moins de choses sont faites jusqu’à ce que le wu-wei soit accompli.
    Lorsque le wu-wei est accompli, rien ne reste non fait.»

Le grand problème de cette formulation, c’est qu’elle sonne comme un paradoxe. C’en est effectivement un, mais ce n’est pas un cercle vicieux. La solution consiste à en combiner les deux niveaux en un métaniveau que l’on ne pourra jamais découvrir par la seule analyse logique, comme beaucoup de savants ont essayé de la faire. En fait, le wu-wei désigne une expérience et un parcours d’apprentissage, et non une simple découverte intellectuelle. Il désigne l’acquisition d’une disposition où la distinction absolue entre le sujet et l’objet de l’action disparaît pour être remplacée par l’acquisition d’un savoir-faire où la spontanéité l’emporte sur la délibération. Comme dans tout savoir-faire véritable, il s’agit d’une action non-duelle.
pp. 56-57

Encore une fois, le paradoxe de la non-action dans l’action, c’est que l’individu devient l’action et qu’il s’agit ainsi d’une action non-duelle: “Cette action, dit Martin Buber, est celle de l’homme parvenu à sa pleine croissance, celle que l’on a désigné comme un rien-faire; parce que rien d’isolé, rien de partiel ne se meut plus dans l’homme, et que rien de lui n’intervient plus dans le monde [...]” (Martin Buber, Ich und Du, 1923). Quand on est l’action, il ne reste plus aucune conscience de soi pour observer l’action de l’extérieur. Lorsque l’action non-duelle se déroule régulièrement, l’acte est ressenti comme fondé dans ce qui est calme et ne se meut pas. Oublier son moi et devenir complètement quelque chose, c’est aussi prendre conscience de sa propre vacuité, c’est-à-dire de l’absence de point de référence solide. Cette prise de conscience est bien connue de tous les experts et, en Occident, elle a été souvent remarquée par les athlètes car la conscience de soi est ressentie plutôt comme une gêne plutôt que comme une aide. pp.58-59


La quête éthique de Varela débouche sur la compassion spontanée inconditionnelle, qu’il illustre par ces phrases: «Comme le dit avec justesse un maître tibétain contemporain dans un poème: “Lorsque l’esprit raisonnant ne s’attache plus et ne saisit plus, [...], on s’éveille à la sagesse avec laquelle on et né, et l’énergie compatissante surgit dans toute sa simplicité.”»

Je pense que ces réflexions, dans le domaine éthique, peuvent aussi s’appliquer au domaine de la création telle que nous l’avons abordé à propos du fond et de la forme. Le fond correspondrait sur le plan de la création au jugement sur le plan éthique, à ce qu’on veut dire, à partir d’un “je” central qui se veut la cause d’une action réfléchie et délibérée. La forme, au contraire, serait le résultat d’un apprentissage, d’un processus qui se fait, et qui se fait d’autant mieux que la conscience de le faire disparaît complètement, et que ne subsiste plus que le plaisir de le faire, l’amour de le faire.
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waxou



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MessagePosté le: Lu 09 Mai 2005 17:07    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour ce post travaillé. Je n'ai pas réussi à tout intégrer. C'est un chemin assez inexploré pour moi, surtout en ce qui concerne l'approche de la connaissance de Varela.
Cependant, celà me rappelle une expérience que j'avais oubliée car peu importante dans le fond, mais finalement très importante dans la forme pour moi.
Je me souviens d'un moment ou mes amis étudiants étaient tous survoltés pour aller à une fête. Dans la précipitation, celui qui devait acheter les places à l'avance pour tous en avait oublié une. Lorsqu'on s' est rendu compte du problème, tout le monde s'est bien sûr jetté pour prendre la sienne (elles n'étaient pas nominatives). La loi du plus "fourbe" était redevenue de rigueur pendant cet instant sans que personne n'ose se l'avouer. J'ai pu l'observer avec du recul car n'aimant pas compter sur les autres, j'avais pris ma place et celle d'un autre ami moi même. J'étais curieux de voir qui allait devenir la victime de la dualité humaine, et comment il allait réagir. Chose peu surprenante, ce fut la personne la moins aggressive, la moins orgueilleuse, et la plus empathique qui se retrouva bredouille (bien que ce fut aussi celle que je connaissais le moins). Les autres fuyant toute prise de conscience, ils décidèrent de rentrer le plus vite possible pour s'éloigner du problème, sans même lui dire un mot, un peu comme le troupeau abandonne l'animal blessé, mais dans un contexte beaucoup plus grotesque. Le plus étonnant c'est que j'étais apparemment le seul à conscientiser ce qu'il se passait vraiment.
C'est un moment ou l'on réalise à quel point il est illusoire de compter sur ce genre de lien d'amitié dont ont croit parfois bénéficier. (on en revient au fait qu'il n'y a pas de relation mais uniquement du "relating", même en amitié). Je me suis surpris à décider de ne pas rentrer, et de rester avec cette personne que je ne connaissais pas, entrainant dans cette démarche originale l'ami pour qui j'avais pris la place.
Je me suis rendu compte que bien que j'attendais cette soirée, mon désir de la faire était incomparable à cette force qui me poussait à rester avec lui. Là, je me sentais intégre. Moi. Je ne ressentais pas le moindre conflit intérieur, uniquement de l'harmonie. Ou était passé mon égo?
J'avais une bienveillance sans limite pour cette victime de l'hypocrisie égoique mais aucune rancoeur envers ses bourreaux inconscients. J'aurais été capable sans le moindre effort de ne pas aller à la soirée pour rester à discuter avec lui de tout et de rien.
Il n'osait pas croire que les autres, ses "vrais" amis, étaient rentrés sans rien lui dire. D'ailleurs on a fini par réussir à lui trouver une place, et il s'est alors précipité pour aller les retrouver sans même nous attendre ou se retourner.
L'ami qui était resté avec moi m'a dit "Tu vois, ça ne sert à rien d'être gentil avec les gens! Ils vont toujours courrir vers ceux qui ne les respectent pas."
Et je lui ai expliqué que c'était bien observé, mais que j'avais réalisé que pour une fois j'avais réussi à profiter d'une occasion d'être moi même, sans penser à tous les problèmes (bénins) que celà pourrait me poser et que cette expérience m'avait appris beaucoup plus que si j'avais fait comme les autres.
"it's nice to be important but it's more important to be nice".
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waxou



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MessagePosté le: Me 11 Mai 2005 16:44    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai entendu une phrase dans "Daria" (un dessin animé humoristique dans la même lignée que les simpsons): "se sentir mal de ne pas se sentir bien". Je crois qu'elle peut facilement décrire le problème de l'aversion pour la souffrance et cette histoire d'amplification mentale par la conscience. Avoir conscience de ne pas être bien à cause de frustrations diverses, c'est utile pour avancer. Mais transformer cette prise de conscience en souffrance en considérant celà comme "mal" c'est probablement s'enfoncer encore plus puisque la frustration se déversera sur un autre plan, sur un autre référentiel...
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joaquim
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MessagePosté le: Sa 14 Mai 2005 18:15    Sujet du message: Répondre en citant


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waxou



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MessagePosté le: Sa 14 Mai 2005 23:05    Sujet du message: Répondre en citant

Wink super!
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