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J'apprends avec Calvin : le paradoxe de l'éveil
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joaquim
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MessagePosté le: Lu 09 Août 2004 18:32    Sujet du message: J'apprends avec Calvin : le paradoxe de l'éveil Répondre en citant

Je vous invite à regarder tout d’abord la petite B.D. de Calvin et Hobbes (Bill Watterson, Calvin et Hobbes, vol 18, Gare au Psychopathe à rayures!, p. 15):



Sans chercher à prôner une quelconque misogynie, je trouve que Calvin exprime dans la 3ème case un très joli paradoxe. Le problème qu’il pose est de s’interroger si les fourmis peuvent réaliser la condition misérable qui est la leur, et répond non puisqu’il leur manque juste ce qu’il faudrait d’intelligence pour y parvenir.

Il aurait pu dire que les fourmis sont trop bêtes pour se rendre compte de leur condition misérable, et que cette condition ne lui apparaît qu’à lui, Calvin, mais qu’elles-mêmes, dans leur vision du monde construite par leur intelligence limitée, seraient tout-à-fait satisfaites. S’il l’avait dit comme cela, il aurait séparé deux niveaux de lecture, celui de la fourmi et le sien, et il n’y aurait eu aucun paradoxe.

Or il prétend que les fourmis auraient juste assez d’intelligence pour se rendre compte de leur condition misérable, mais pas assez néanmoins pour le faire pleinement; il ne poursuit pas le raisonnement, mais celui-ci se continuerait logiquement en disant que si elles avaient assez d’intelligence pour le faire, à ce moment-là... leur condition ne serait plus misérable.

C’est là qu’intervient le paradoxe, qui surgit en raison du caractère insoluble du problème posé. En effet, la fourmi n’a aucune possibilité de trouver la solution du problème - se rendre compte vraiment de sa condition misérable - car dès lors qu’elle serait capable de le faire, sa condition ne serait plus misérable.

Ce paradoxe en est un, car il décrit le passage d’un état à un autre sans qu’aucune passerelle entre les deux ne puisse être détectée. Il est impossible, sur le plan formel, que la fourmi devienne assez intelligente pour se rendre compte de sa condition misérable, car le cas échéant, sa condition misérable n'existerait plus.

Mais ce paradoxe n’est pourtant pas une simple construction de l’esprit, sans consistance réelle. C’est une illustration parfaite du paradoxe de l’éveil. En effet, la conscience enfermée en elle-même a le vague sentiment d’être enfermée en elle-même, mais rien de ce qu’elle découvre en elle ne lui permet de sortir d’elle-même. Il lui est strictement impossible à elle seule de sortir d’elle-même, au même titre qu’il est impossible de se soulever soi-même par les cheveux. Pour la faire passer d’un état à un autre, il faut l’intervention de quelque chose se situant en même temps sur ces deux niveaux sans contact aucun entre eux, quelque chose qui se situe donc hors du monde manifesté, et qu’on peut appeler la grâce.

La grâce, en initiant l’éveil, illustre le même problème que le paradoxe de Calvin, puisqu’elle ne résout pas le problème (l’enfermement de la conscience en elle-même) en y répondant, mais en l’annulant, car après son intervention, la conscience qui se sentait enfermée n’existe tout simplement plus. Very Happy
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Sika
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MessagePosté le: Lu 04 Juil 2005 7:13    Sujet du message: le paradoxe Répondre en citant

Découvrant ce forum par "hasard" ce matin, je trouve dans votre analyse de la BD de Calvin et dans votre conclusion sur l'éveil une réponse parfaite à une des questions essentielles qui me préoccuppe pour l'instant.

J'aimerais pouvoir imprimer ce texte... Accepteriez-vous de me l'envoyer par email afin que je puisse le faire ? Je pourrais vous donner mon adresse email par message personnel. Merci d'avance.

Je suis pour l'instant, en tant que thérapeute, confrontée à la problématique de la manipulation et j'ai trouvé, dans votre analyse, une corrélation avec cette problématique : en fait, la victime de manipulation n'est plus victime dès lors qu'elle prend conscience qu'elle en est victime...

Je ne suis pas encore officiellement inscrite sur ce forum mais je ne vais pas tarder à le faire car j'apprécie particulièrement le ton et la profondeur de vos réflexions.

A bientôt, donc.
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joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
Messages: 1421
Localisation: Suisse

MessagePosté le: Lu 04 Juil 2005 20:46    Sujet du message: Répondre en citant

Boujour Sika, et bienvenue sur le forum Smile

Vous soulignez de manière tout-à-fait pertinente le parallèle qu’il y a entre la manipulation et l’éveil, ou plus précisément entre la manipulation et ce qui fait obstacle à l’éveil: l’illusion qui masque la réalité. Et dès qu’on n’est plus dupe, en effet, on voit.

Je vous envoie le texte par e-mail. Notez que vous pouvez aussi bien le récupérer directement depuis votre navigateur par copier-coller et le déposer sur un traitement de texte, de même qu'enregistrer l’image par un clic droit.
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joaquim
Administrateur


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Messages: 1421
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MessagePosté le: Ma 05 Juil 2005 19:44    Sujet du message: Re: le paradoxe Répondre en citant

Sika a écrit:
la victime de manipulation n'est plus victime dès lors qu'elle prend conscience qu'elle en est victime...


Voici un exemple ce de dilemme à propos du marketing (qui vend de l’illusion), très joliment résolu par le Syndicat des eaux d’Ile de France. Cette affiche fait faire au marketing un retour sur lui-même qui l’annule.




En lisant cette affiche publicitaire, n’a-t-on pas l’impression de passer au travers, et de voir se dissoudre l’essence même de la publicité? Un masque nous est présenté comme tel, et dès que nous le voyons, nous touchons du vrai. C’est déjà un petit éveil. Non pas hors de l’Illusion, mais hors de l’illusion du marketing.

Juste pour le plaisir, parce que ça fait du bien d’ouvrir les yeux:



En disant qu’elle n’est pas moins chère, elle dit qu’elle est moins chère non pas en l’affirmant, mais en démasquant le débat poudre aux yeux que le marketing entretient autour du prix, et dont il est le premier responsable, bien plus que le produit lui-même qu’il vend. Elle se positionne dans le débat prix non pas en renchérissant à la baisse, mais en dévoilant son inanité.
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Re- Sika
Invité





MessagePosté le: Di 17 Juil 2005 8:55    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour,

J'avoue que je comprends un peu moins bien la subtilité du paradoxe dans la deuxième publicité que dans la première...
Pourriez-vous me la réexpliquer ?

Depuis que vous m'avez envoyé le mail de la BD de Calvin et, surtout, votre interprétation, ce thème tourne et retourne dans ma tête, éclairant d'un nouveau regard toute une série d'autres concepts en apparences paradoxaux...

Ainsi, les concepts fondamentaux du "Oui" et du "Non" ou du "Bien" et du "Mal", de la "Lumière" et de "l'Ombre"... Votre explication m'a permis de mettre des mots sur une recherche chère à mon coeur de réunification des dualités.

Je relisais hier Arnaud Desjardins ... Le "Oui", propre à l'énergie féminine de réceptivité et le "Non", propre à l'énergie masculine d'action. Arnaud Desjardins dit que "le masculin émerge du féminin"; j'en extrapole que le vrai "non" émerge du "oui". Sans le "oui", le "non" n'est qu'un refus, une résistance qui occasionne la persistance de ce que l'on refuse (énergie masculine négative). Après le "oui", le "non" peut être une action (énergie masculine positive). Tant que je dis "non, cela ne peut pas être", je ne fais que résister. Et, ce à quoi je résiste persiste. Je dis oui, j'accepte ce qui est puis je décide si j'agis pour que cela ne soit plus.

Pour reprendre la comparaison avec la manipulation, il fait donc d'abord reconnaître "oui, cela est" pour pouvoir dire "non, je ne veux plus de cela". Alors que tant que je dis "non, cela n'existe pas, ce n'est pas la réalité", je ne peux pas la dépasser et la manipulation persiste. Tout au plus puis-je lui opposer une résistance passive qui ne change rien à la situation et la fait perdurer.
"Oui, je suis victime" précède le "Non, je ne serai plus victime" et me fait agir positivement pour transformer la situation.

De même l'Ombre et la Lumière... Ce n'est qu'en acceptant la réalité de l'existence de mon ombre que je peux arriver à une réunification de mon ombre et de ma lumière et de fonctionner selon un troisième terme ou une voie du milieu. Au lieu d'osciller sans cesse entre les deux extrêmes de mes paradoxes ombre-lumière et de faire persister ainsi la dualité.

Mais aussi : "Oui, le mal existe" précède le "Non, je ne choisis pas cette voie" ou même : "Oui, le mal est nécessaire pour que je puisse choisir le bien"...

Voilà le fruit de mes réflexions depuis la lecture de votre topic...

Je suis peu active sur ce forum car je mets beaucoup de temps pour intégrer et faire "miennes" vos réflexions à tous... Mais je vous lis avec beaucoup d'intérêt et même si je n'en comprends que la moitié (et encore), certaines prennent forme d'une manière concrète en moi.

Merci pour cela.
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waxou



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Messages: 361
Localisation: Marseille

MessagePosté le: Di 17 Juil 2005 16:46    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà de profondes réflexions qui signent lacher-prise et attention!
En effet, l'acceptation conditionne la pertinence du refus. Le déconditionnement, c'est quand on a un certain degré de liberté, de choix. Si nous disons non sans oui préalable, il n'y a pas de réel choix. Ce n'est pas être ni agir. C'est laisser le pilote automatique.
Alors, il y a un décallage entre ce que nous voulons être (libres) et ce que nous sommes à ce moment là: des ordinateurs manipulables et conditionnés.
Il nous est donc impossible de sortir de ce référentiel qui nous rassure.
Quand on observe et que l' on réalise celà, on se rend compte qu'il vaut mieux tout accepter, car l'abnégation nous apporte uniquement illusion que tout va bien sur un point. Et si ce point nous amène des conséquences facheuses dans notre vie, nous ne comprendrons pas d'ou elles viennent vraiment, et là nous nous battrons contre des moulins à vent.
Tout ce que nous risquons en acceptant de voir et de considérer même ce qui nous fait horreur, c'est de voir ce qui ne va pas et de casser des cycles pour ainsi éviter réellement ce qui nous fait peur, plutot que de se réfugier dans un rêve éveillé. La seule lecture de ces phrases malheureusement, ne suffit généralement pas à convraincre. Il faut l'avoir ressenti.
Sika a écrit:
Mais aussi : "Oui, le mal existe" précède le "Non, je ne choisis pas cette voie" ou même : "Oui, le mal est nécessaire pour que je puisse choisir le bien"...

Les concepts de bien et de mal sont malheureusement des points sur lesquels nous sommes très facilement manipulables. Dans un sens, Hitler croyait faire le bien de l'humanité dans son référentiel. Beaucoup d'américains associent guerre et bien. Si l'on veut être sur de ne pas avoir une conception erronnée du bien, il ne faut pas qu'elle soit intéressée. Le soldat américain est rarement à la place de celui sur lequel il tire. A cause de sa position avantageuse, il ne réalise pas le mal qu'il fait , il ne peut donc même pas penser une seconde à s'arrêter. Il faut dire qu'il y a une chose qui joue en sa défaveur: celà ne l'arrangerait vraiment pas de s'en rendre compte. Il devrait désobéir aux ordres avec tout ce que celà implique vis à vis de ses conditions de vie et de son image. C'est pour celà que les intérêts nuisent à une bonne vision des choses.
Pour en revenir à Hitler, si l'on ne comprend pas ou que l'on accepte pas que de son coté il croyait faire bien et qu'il n'était pas faible ou fou, nous ne comprenons pas que nous pouvons faire nous aussi le mal sans nous en rendre compte, et donc nous ne risquons pas d'essayer de nous en préserver.
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Sika à nouveau
Invité





MessagePosté le: Di 17 Juil 2005 19:16    Sujet du message: Répondre en citant

Sans doute Hitler pensait-il faire le bien selon ses conceptions et surtout ses besoins personnels de "réparation" de ses propres blessures. Et il n'empêche qu'il faisait le mal et que, tant que les autres ne reconnaissaient pas que le mal existe et s'aveuglaient, ne voulant pas voir parce que c'est trop douloureux à voir, ils ne pouvaient pas s'y opposer. Et le "mal" fait partie du plan pour que l'on puisse le refuser. Si ce que tu n'es pas n'est pas, ce que tu es n'est pas. S'il n'y a pas de grands, je ne peux pas savoir que je suis petit, si je ne connais pas le chaud, je ne peux reconnaître le froid, s'il n'y a pas le "mal", je ne peux pas choisir le "bien"...

Mais, en effet cette dualité "bien" "mal" est la plus grande dualité, celle qui alimente bien des débats, des controverses et des guerres... Et cette dualité se forge sur nos blessures d'enfance, émanant de l'amour conditionnel de nos parents ou éducateurs qui déterminent nos croyances sur ce qui est digne ou indigne d'amour...
Il faudrait que nous soyions guéris de toutes ces blessures d'amour pour être sûrs de pouvoir juger lucidement ce qui est bien et ce qui est mal.

Sans rentrer dans des débats difficile comme ceux des croyances des américains qui décident de la guerre, cette recherche d'accepter ce qui est pour pouvoir éventuellement agir de manière à refuser ce qui nous fait mal est une recherche qui doit se faire au quotidien, au coeur de toutes nos relations et de toutes nos actions. Tant de relations dites d'amour sont des relations où on peut manipuler ou être manipulés en fonction de cette dualité "bien " "mal"... Notre devoir est sans doute de nous guérir nous-mêmes de nos blessures pour devenir capables de ne plus utiliser ni accepter la manipulation qui est, malgré tout, de l'anti-amour.

Et trouver l'équilibre, toujours précaire, toujours difficile entre l'amour inconditionnel de l'autre qui respecte son chemin, et l'amour inconditionel de moi-même qui demande que l'on me respecte. C'est un équilibre qui s'apparente à une marche sur un fil et qui est sans cesse à retrouver, pas après pas, tout au long de notre vie...

Bien à toi, Waxou...
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waxou



Inscrit le: 13 Mars 2005
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MessagePosté le: Di 17 Juil 2005 21:25    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour votre réponse. Je tenais juste à préciser (je n'ai que peu de temps pour écrire une "véritable" réponse) que l'idée n'était pas de parler des américains et de leurs choix, mais de la raison pour laquelle un soldat se battant dans les conditions telles que celles des soldats américains ne peut réaliser s'il fait le mal. Il ne peut penser sérieusement à ne pas tuer parceque celà remet en jeu trop d'intérêt matériels. Ca ne l'intéressera pas de penser à ça. Ce sera même désagréable.
Là ou je voulais en venir, c'est que par rapport à ce que je connais et j'ai ressenti, la personne manipulée obtient un soulagement par son abnégation comme la personne hystérique obtient soulagement par le symptôme. C'est pour celà que l'illusion est bien souvent très solidement attachée à un intérêt, à quelquechose que l'on voudrait être.
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Sika 3
Invité





MessagePosté le: Di 17 Juil 2005 23:11    Sujet du message: Répondre en citant

Merci pour cette précision...
Je n'avais, en effet, pas compris cette notion d'être soulagé par l'abnégation ou par l'obéissance à la manipulation. Je croyais plutôt à une sorte d'aveuglement. Mais, tu as sans doute raison aussi dans cette explication du "soulagement" de se conformer à ce que l'on croit que l'on doit être. Et c'est bien le pouvoir du manipulateur de s'engouffrer dans la faille de l'autre, de connaître ce que l'autre croit qu'il doit être pour le forcer à agir selon cette croyance.

Je n'ai pas beaucoup de temps non plus ce soir, mais cette notion de soulagement germera dans mon esprit cette nuit... On verra ce qui "poussera".
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joaquim
Administrateur


Inscrit le: 06 Août 2004
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MessagePosté le: Lu 18 Juil 2005 1:01    Sujet du message: Répondre en citant

Re- Sika a écrit:
J'avoue que je comprends un peu moins bien la subtilité du paradoxe dans la deuxième publicité que dans la première...
Pourriez-vous me la réexpliquer ?

Lorsque l’eau du robinet dit qu’elle n’est pas moins chère, elle dit dans un sens quelque chose de faux, puisqu’elle est réellement moins chère. Et pourtant elle dit en même temps quelque chose de vrai, mais à un autre niveau, dans la mesure où en disant cela, elle perce à jour le fonctionnement du marketing, qui déploie une guerre autour du prix totalement pervertie, puisque c’est la guerre elle-même qui contribue au prix bien plus que le produit de base, lequel, comme l’eau du robinet l’affirme dans la deuxième phrase, ne coûte presque rien. Elle refuse d'entrer dans le jeu du manipulateur, c'est-à-dire dans un espace piégé dont lui-même a défini les termes, en montrant que la définition même des termes est pervertie: la publicité se fait à grand renfort de soldes et de prix cassés, définissant ainsi un espace concurrentiel à l'intérieur duquel le prix serait un argument de vente; or l'eau du robinet vient casser cet espace concurrentiel piégé en refusant d'entrer dans ce débat ("elle n'est pas moins chère"), tout en montrant le non-sens de cette concurrence qui n'est qu'un jeu de dupes ("elle est 100 fois moins chère").

Pour établir un parallèle avec la manipulation, le manipulateur définit toujours le niveau de la discussion, à l’intérieur duquel il piège sa victime. Le niveau qu’il défini en général est le niveau commun accepté par chacun, à savoir la bonne foi mutuelle des interlocuteurs. La victime se retrouve inévitablement piégée, car elle seule respecte les règles de la bonne foi. Et le persécuteur a beau jeu, lorsque la victime tente de riposter, de lui rappeler les règles communément acceptées, et d'utiliser la bonne foi de celle-ci comme une arme contre elle-même pour la culpabiliser et reconduire l’enfermement. Ce n’est que lorsque la victime se dégage de ce niveau piégé, lorsqu’elle n’argumente plus à l’intérieur de l’espace défini par le manipulateur, mais qu’elle embrasse la situation d’un regard extérieur (l’aide d’une tierce personne est souvent nécessaire pour cela), qu’elle perce à jour les manoeuvres du manipulateur et retrouve sa légitimité à dire non sans se culpabiliser.

Voici un petit texte que j'ai trouvé sur le net et qui en donne une illustration:

« Une forme de message paradoxal consiste à semer le doute sur des faits plus ou moins anodins de la vie quotidienne. Le partenaire finit par être ébranlé et ne sait plus qui a tort et qui a raison. Il suffit de dire par exemple qu'on est d'accord sur une proposition de l'autre tout en montrant, par des mimiques, que ce n'est qu'un accord de façade. » source: http://www.harcelement.org/article82.html

Si la victime reproche au manipulateur son double-langage, celui-ci a beau jeu de se moquer d’elle, d’en appeler à son sens de l’équité, et de la culpabiliser. Ce n’est qu’en s’élevant à un niveau supérieur, au-dessus du champ défini par le manipulateur, c’est-à-dire en mettant en cause les règles qui définissent l’échange, ces règles qui sont tacitement acceptées parce que normalement respectées par chacun, et en réalisant que le manipulateur ne fait que feindre de les respecter, tout en les détournant à son profit pour écraser l'autre, que la victime pourra lui échapper.

waxou a écrit:
Les concepts de bien et de mal sont malheureusement des points sur lesquels nous sommes très facilement manipulables.

C’est vrai qu’on ne peut pas dire de manière absolue que telle chose serait bien et telle autre mal. En tout cas pas en se plaçant à l’extérieur de l’action, dans la position d'un juge neutre. Mais vu de l’intérieur, et je crois que c’était là la position de Sika, on peut tout-à-fait légitimement (on doit même le faire) agir en étant convaincu de faire le bien. Cette conviction ne s’obtient pas par le détour d’un jugement extérieur, mais en écoutant la voix de sa conscience. Dans l’intimité de notre propre solitude, lorsqu’on ose regarder la réalité en face et dire “oui, cela est”, on fait un acte de présence dont l’intensité libère l’impulsion naturelle et spontanée à agir, à accomplir une action qui sera nécessairement bonne. Ses conséquences ne seront pas nécessairement "bonnes" (selon un jugement extérieur), mais elle-même sera bonne parce qu'elle exprimera du vrai.

waxou a écrit:
la personne manipulée obtient un soulagement par son abnégation comme la personne hystérique obtient soulagement par le symptôme.

Cela est vrai dans des relations de type pervers (sado-masochiques), c'est-à-dire où l'interaction est perverse de part et d'autre, comme on en voit une très brillamment décrite dans le film "Qui a peur de Virginia Wolf". Mais il faut se garder de généraliser. La plupart des victimes tombent naïvement dans le piège des manipulateurs, et elles doivent d'abord apprendre à ne plus se sentir coupables ni complices pour parvenir à se dégager de l'emprise de ceux-ci.
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Sika



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MessagePosté le: Lu 18 Juil 2005 10:22    Sujet du message: Sika Répondre en citant

Merci Joaquim... Cette fois, j'ai compris pour le message publicitaire...

Merci aussi pour ce nouvel éclairage sur les mécanismes de la manipulation. Réaliser que le manipulateur ne fait que feindre de respecter les règles tacitement admises, tout en les détournant à son profit... C'est sûrement la clé de la libération de la victime... Jusqu'ici, je n'avais pas vraiment compris ce concept.

Cependant, même avec une aide extérieure, ce n'est pas toujours simple pour la victime de voir la réalité. Et cela rejoint ce fameux préalable qui consiste à dire : "Oui, cela est" pour pouvoir dire "Non, je n'en veux plus".
Mais la douleur qui serait éveillée en acceptant cette réalité est, sans doute, ce qui perpétue l'aveuglement. Car, s'admettre comme victime c'est aussi admettre : "J'ai laissé quelqu'un me faire cela !", "Il y a une partie de moi qui a permis cela", "J'ai manqué de respect et d'amour pour moi-même à tel point que j'ai laissé quelqu'un me manifester un tel manque de respect et d'amour". Cela est à l'origine de la honte ressentie par toute victime, honte de soi-même qui empêche, par exemple, les victimes de viol de porter plainte.

Je crois que c'est pour éviter la douleur et la honte que les victimes de maltraitance psychique, de manipulation, préfèrent ne pas voir et minimisent les actes de l'autre. Parfois même si un observateur extérieur essaie de leur ouvrir les yeux, ils excusent l'autre et expliquent les attitudes de l'autre par leur comportement à eux...

Pour se libérer, il faut donc, en effet, se guérir de la culpabilité et être capable d'affronter la douleur et la honte que la prise de conscience éveillerait.

Ce sont des situations bien tristes et j'avoue que, depuis que j'ai été confrontée à ce phénomène par le biais de certains de mes patients, j'ai la sensation que si on voulait décrire l' "Enfer", il suffirait de décrire la manipulation affective.
"L'enfer est pavé de bonnes intentions" disait mon grand-père... je comprends seulement aujourd'hui le vrai sens de cette phrase dans le contexte de la manipulation. Il ne s'agit pas seulement de ces personnes qui énoncent de bonnes intentions sans les réaliser... Il s'agit surtout, je crois, des bonnes intentions de l'un qui sont utilisées par l'autre pour le piéger dans l'anti-amour.

Merci à vous, en tout cas, d'apporter votre regard éclairé et sage sur toutes ces interrogations...

_________________
L'intelligence intuitive est un cadeau de Dieu et l'intelligence rationnelle est un serviteur.
Nous avons créé une société qui honore le serviteur et oublie le cadeau."
Albert Einstein.
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joaquim
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MessagePosté le: Lu 18 Juil 2005 19:49    Sujet du message: Répondre en citant

Lorsque j’ai rédigé l’article sur la BD de Calvin, je n’y avais pas perçu la manipulation, mais un paradoxe qui me semblait bien illustrer l’éveil. Mais vous avez raison, on peut y lire de la manipulation. Ce qui n’est pas étonnant d’ailleurs, car l’enfermement dans l’ego est le motif source de toute manipulation. Il ne peut y avoir enfermement et manipulation qu’à partir du moment où il y a possibilité d’exprimer deux messages contradictoires en même temps. Cette “capacité” est apparue sur la terre avec l’apparition du langage humain. Ce n’est qu’à partir du moment où les êtres humains ont commencé à parler qu’ils ont pu créer une réalité virtuelle exprimée par le langage, qui pouvait soit correspondre à la réalité extérieure, soit en différer. Dès le moment où la réalité exprimée différait de la réalité tout court, elle créait un espace virtuel propre à l'individu, où il était seul maître, mais totalement isolé: l’ego. Il faut pouvoir mentir et “se” mentir pour avoir un ego, et pour cela il faut disposer du langage.

Lorsque les deux réalités entrent en conflit, celle de l’ego et La réalité, il y en a nécessairement une de trop. L’ego essaie alors désespérément de nier l’autre, la vraie réalité, car elle lui conteste non seulement son pouvoir, mais sa réalité même, et représente dès lors un danger vital pour lui. Sa propre réalité égoïste devient alors la loi qui seule compte, et il cherche à l'imposer autour de lui, afin de se rassurer et de se convaincre de sa validité. Il ne peut bien sûr pas assujettir la matière à sa loi (elle résiste!), mais il peut asservir d’autres conscience à la sienne, et enfler ainsi l'illusion de sa propre réalité. Mais c’est une entreprise sans fin, éternellement à recommencer, car la puissance qu’il acquiert ne confère pas à son ego une pleine réalité, mais enfle encore et toujours une image, de sorte qu'il est contraint de recruter toujours de nouvelles victimes pour éviter la déflation de son ego. Cette situation-là, c’est celle de l’ego débridé, de l’ego auquel la personne devenue perverse (on parle de pervers narcissique) a laissé libre cours pour prendre tout pouvoir sur elle, et à travers elle sur autrui.

Mais même si tout un chacun ne devient pas un manipulateur pervers (quoiqu'il n'y ait personne qui n’ait jamais manipulé...), l’ego, de par sa nature, exerce déjà sur la conscience la même emprise que le manipulateur sur sa victime.
Sika a écrit:
Cependant, même avec une aide extérieure, ce n'est pas toujours simple pour la victime de voir la réalité. Et cela rejoint ce fameux préalable qui consiste à dire : "Oui, cela est" pour pouvoir dire "Non, je n'en veux plus".
Mais la douleur qui serait éveillée en acceptant cette réalité est, sans doute, ce qui perpétue l'aveuglement.

On peut reprendre ces phrases mot pour mot pour les appliquer à la conscience qui cherche à échapper à l’emprise de l’ego. Même complicité avec son persécuteur, même peur de se retrouver seule face à son propre vide, même peur d’abandonner cette sécurité faite d’habitude que constituent les barreaux de la prison pour se lancer dans l’inconnu, c’est-à-dire dans soi-même. Dans ce sens, je m'aperçois que waxou a quand même raison lorsqu’il parle d’abnégation complice de la victime.

Il y a effectivement beaucoup d’exemples où la victime refuse de renoncer à son persécuteur, et même s’offre à lui corps et âme. L’exemple le plus frappant est l’endoctrinement dans les sectes. Malgré les efforts déployés par leurs proches qui tentent de leur ouvrir les yeux, il est bien souvent impossible de soustraire ces victimes à l’emprise sectaire, car elles considèrent ce qui les aliène comme leur bien le plus précieux (et c'est compréhensible, puisqu'elles sont précisément aliénées). Comme on l’est par notre ego. Et la sortie ne peut se faire dans chacun des cas que par un éveil, ou un réveil.
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Sika



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MessagePosté le: Ma 19 Juil 2005 17:31    Sujet du message: Répondre en citant

En fait, je ne disais pas qu'il ya avait manipulation dans la BD de Calvin mais je faisais la comparaison entre la manipulation et l'éveil... Puisque, tant que la conscience n'est pas éveillée, elle ignore qu'elle ne l'est pas... Et la personne manipulée, une fois qu'elle prend conscience de la manipulation, elle ne l'est plus. C'était simplement cette similitude que j'avais soulignée.

Par ailleurs, vous m'éclairez aussi sur la notion du langage qui rend possible la création d'une réalité autre que la réalité extérieure... Car j'ai pris l'habitude de dire à mes patients que lorsque l'extérieur ne correspond pas à l'intérieur, à quelque niveau que ce soit, c'est le chaos... Et je crois que les manipulateurs sont experts dans cette capacité à créer la confusion par ce double langage. Votre explication sur leur besoin de définir la réalité en fonction de leurs propres besoins confirme mon pressentiment.

Pour ce qui est de l'ego, j'avoue que j'éprouve encore beaucoup de difficultés à sentir, pour moi-même, ce qui relève de mon ego et ce qui n'en relève pas... Malgré tout ce que j'ai déjà pu lire sur ce forum, je n'ai pas encore réussi à y voir clair. Sans doute que, comme dans le paradoxe de Calvin, lorsque j'aurai pu faire cette disctinction, ma conscience sera-t-elle libérée de mon ego. Tant de livres parlent de cet ego et si je parviens à en comprendre les concepts théoriques, dans la pratique de la vie quotidienne, au sein de toutes les interactions que je peux vivre, je ne sais pas encore distinguer quelles sont les réactions qui sont imputables à mon ego et lesquelles émanent de ma conscience.
Mais, bon, je ne désespère pas... Je suppose que c'est un chemin de toute une vie...

Merci, en tout cas, des mots que vous mettez sur toutes ces interrogations difficiles. J'avoue que je deviens curieuse de savoir qui vous êtes dans la vie "réelle" pour avoir ainsi la capacité de voir aussi clair...

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joaquim
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MessagePosté le: Ma 19 Juil 2005 20:44    Sujet du message: Répondre en citant

Sika a écrit:
Puisque, tant que la conscience n'est pas éveillée, elle ignore qu'elle ne l'est pas... Et la personne manipulée, une fois qu'elle prend conscience de la manipulation, elle ne l'est plus.

C'est vrai, c'est bien là le noeud de l'histoire.

Il est bien compréhensible que vous ne distinguiez pas, en vous, ce qui relève de l’ego et ce qui relève de la Personne, car celui en vous qui parviendrait à faire cette distinction serait justement l’ego. C’est lui seul qui a envie d’être parfait, meilleur, etc... La Personne, elle, ne recherche rien d’autre: elle est. Point. Sur le chemin, il est bien sûr normal de se poser ces questions, de vouloir s’améliorer, mais cette quête est sans fin: il y a simplement un moment où il n’y a plus de quête, plus de questions, simplement la réalité qui est. Avec toutes ses “imperfections” (selon un terme utilisé par l’ego). C’est cela l’éveil.

vous n'avez pas à vous préoccuper de ces distinctions qui n'intéressent en fait que l'ego. Encore une fois, la solution n'est pas dans la réponse au problème (piégé) posé par l'ego ("qu'est-ce qui relève de l'ego et qu'est-ce qui n'en relève pas"), mais dans la disparition de cette question, dans la dis-solution de l'ego dans l'être.
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Sika



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MessagePosté le: Me 20 Juil 2005 17:30    Sujet du message: Répondre en citant

Je crois que j'ai compris, même si cela me semble encore abstrait... La dissolution de l'ego dans l'être est un état qui me semble encore rare dans ma vie quotidienne et plus on le poursuit, moins on le saisit... Je présume que, de toute manière, cet état n'est pas continuel et que se rendre capable de l'accueillir lorsqu'il est là est sans doute la seule chose essentielle.

C'est ce que je crois à l'heure actuelle... J'ignore ce que je pourrai en dire à l'avenir...

Bien cordialement,

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