Le sens des mots

Lorsque je nomme ce qui se dresse devant moi: “arbre”, ce mot que j’utilise pour désigner la réalité qu’il représente n’existe lui, nulle part dans la réalité. Les mots me servent à “voir” une réalité dont ils ne font pas partie. C’est à travers eux que la réalité s’éclaire pour moi, c’est grâce à eux que je m’en fais une représentation. C’est grâce aux multiples liens qui se tissent entres les mots que cette représentation devient cohérente. L’arbitre qui juge de la pertinence du sens qui se dégage de ces associations, c’est la raison. La raison puise sa légitimité d’arbitre non pas dans une parenté particulière qu’elle entretiendrait avec les objets réels, mais dans les lois qui la fondent. Ces lois sont réelles elles aussi, elles sont consistantes et têtues comme le sont les objets réels, bien qu’elles ne soient par matérielles. Elles sont spirituelles, ce sont les lois de l’esprit.

Je n’ai pas fini de m’étonner que la réalité m’apparaisse sous deux modalités distinctes: les impressions sensibles et les lois de la raison. Cette scission entre deux mondes nécessairement congruents pourtant, puisque tous deux réels, réclame quelque chose qui rétablisse l’unité. Ce quelque chose, c’est le sens. Le sens a pour mission de recréer la cohérence entre ces deux mondes réels qui m’apparaissent dissociés. Mission impossible, puisque la soif de sens est la signature justement de la scission que celui-ci prétend résoudre. On peut s’approcher d’aussi près qu’on veut de la vérité, on ne la touchera jamais. La réalité telle qu’on se la représente ne sera jamais parfaitement fidèle à la réalité. Elle tendra asymptotiquement vers elle, comme dans le paradoxe de Zénon, Achille se rapproche sans fin de la tortue, sans jamais la rattraper.

Examinons le problème sous un angle simplifié. L’amibe qui avance un pseudopode en direction d’un piège commet une faute qu’elle payera de sa vie. Seules survivront celles de ses congénères qui mettront en lien telle impression perçue par leur pseudopode avec la notion de danger. Le germe du sens est déjà présent dans cette démarche rudimentaire. En retirant son pseudopode, l’amibe aura établi un lien de sens, autrement dit elle aura acquis une connaissance. Cette connaissance n’aura rien d’abstrait: elle sera inscrite dans la chimie de son cytoplasme. Une protéine changera sa configuration suite au contact du pseudopode de l’amibe avec le danger, et cette modification de configuration sera un équivalent d’apprentissage. Ce sera une mémoire. Lors d’un contact futur avec le danger, cette protéine modifiée fera se rétracter le pseudopode.

Ce qu’on constate dans un processus de connaissance aussi rudimentaire que celui de l’amibe, c’est qu’il est entièrement matériel, et que nulle part la raison n’intervient: la force qui module la connaissance de l’amibe pour la rendre “vraie”, c’est la survie. Pour l’amibe, être en vie, c’est être dans le vrai, et mourir, c’est avoir fait une “erreur”. Il en va de même pour les cellules immunitaires: lorsqu’elles détectent un intrus, elles en avertissent leurs congénères. La détection, on le sait aujourd’hui, se fait par contact de l’intrus avec un récepteur présent à la surface de la cellule immunitaire. Ce contact produit une modification de la configuration protéique du récepteur, autrement dit la forme du récepteur se modifie, et cette modification déclenche une cascade de modifications en chaîne à l’intérieur du cytoplasme qui aboutit à la libération de messagers protéiques hors de la cellule. Ces messagers entreront en contact avec les récepteurs qui leur correspondent à la surface des autres cellules immunitaires, et déclencheront à leur tour une cascade de modifications à l’intérieur du cytoplasme de celles-ci. Il y a donc bien processus de connaissance, et même de communication. Il en va de même pour les abeilles dont a parlé Pierre ici. Il y a langage, mais un langage qui n’a pas grand chose à voir avec le nôtre. Pour les cellules immunitaires, la différence est évidente: c’est un simple mécanisme. Mais pour les abeilles, c’est plus délicat. Quelle différence y a-t-il entre leur langage et le nôtre? C’est que contrairement à nos mots, le leur colle entièrement à la réalité. Il est immergé en elle, il en fait partie et la prolonge, sans s’en distancier en rien.

Pour les abeilles, comme pour les amibes et comme pour les cellules immunitaires, la vérité, c’est la survie, et l’erreur, c’est la mort. Il n’y a pas de vérité et d’erreur au sens où nous l’entendons, donc pas de sens non plus à proprement parler. Imaginons qu’un virus attaque une ruche et rende les abeilles incapables d’effectuer correctement leur danse. Elles ne parviendront plus à retrouver les champs de fleurs, et la ruche mourra. C’est à ce titre seulement que l’erreur dans la danse pourra être désignée comme “erreur”. Ce n’est pas parce qu’elle transgresserait le code habituel, ni parce qu’elle violerait les lois de la raison, mais parce qu’elle conduit à la mort. Si un virus générait une “erreur” de danse qui rende le langage des abeilles plus simple ou plus efficace, la survie de la ruche serait mieux assurée, et cette “erreur” s’appellerait vérité. Rien n’est jamais figé dans le monde de la vie, tous les possibles sont ouverts, et vrais aussi longtemps qu’ils s’avèrent viables.

Dans le monde des mots, il n’en va pas ainsi. Dans ce monde, la pierre de touche de la véracité, c’est l’observation des lois de la raison, et non pas la survie. Dans la nature, la fin justifie tous les moyens. Dans la nature, celui qui survit a toujours raison. Les mots, eux, ouvrent sur un autre monde, dans lequel ce n’est pas celui qui survit qui a raison, mais celui qui respecte la raison, même si cela doit le conduire à la mort. Les mots créent un nouvel espace, situé entre la réalité matérielle et les lois de la raison, un espace régi par le sens, une sorte de béance à l’intérieur de la réalité, un endroit où apparaissent des choses radicalement nouvelles comme les notions de justice, de liberté, de vérité et de mensonge. Une béance que le sens cherche à combler en recousant l’un sur l’autre les deux versants matériels et spirituels de la réalité pour qu’ensemble ils constituent une unité cohérente. Tant qu’elle n’est pas comblée par du sens, cette béance est… étonnante. Percevoir cette béance, c’est être frappé d’étonnement.

Le jour où le premier étonnement d’être a jailli d’une conscience vivante, ce jour-là l’être humain est né. La matière a reflué pour laisser place à un éclat de pure lumière divine. Un espace hors de toute prévisibilité, totalement libre s’est révélé. La nature a conduit la matière jusqu’à la vie, et la vie jusqu’à la conscience, mais ce qui a surgit ensuite dans la béance entre la matière et l’esprit échappe à la nature. S’étonner d’être, c’est se faire origine de quelque chose qui n’a pas de commencement. C’est plonger dans un abîme sans fond, un abîme d’abîme. C’est devenir une question qui ne peut avoir d’autre réponse qu’elle-même. Et c’est effrayant. Alors on fait un pas de recul. Et la lumière divine chute dans les ténèbres.  Parce qu’on manque de foi en elle, on tente de se raccrocher à quelque chose, à une réponse qui puisse apaiser la question brûlante que l’on se découvre être. On se met en quête d’un sens qui nous raccrocherait à une réalité devenue brusquement distante. Une réalité perdue là-bas, sur l’autre rive, une réalité “autre”, située hors de “mon” monde. Si elle est devenue “autre”, c’est parce que le sens que j’ai tenté de lui conférer l’a dégradée en une simple représentation, fidèle peut-être, mais distincte de l’original: “ma” représentation du monde. Et je me retrouve enfermé en elle, incapable de saisir de la réalité autre chose que ce sens que je lui confère. Je me retrouve piégé dans le monde du sens pour avoir commis la folie de me chercher en lui, au lieu de me laisser simplement être. C’est vrai, être un abîme, c’est plutôt effrayant. J’ai manqué de confiance en l’abîme, je n’ai pas eu assez de foi pour maintenir ouverte la question que je suis, j’ai voulu en saisir le sens et je me retrouve piégé dans une quête de sens véritablement sans fin.

Les mots que j’écris là sont paradoxaux, car si on en lit simplement le sens, si on en reste au niveau du sens, on reconduit l’aveuglement qu’ils cherchent justement à dissiper. On en fait des mots menteurs. Mais si on les suit comme on emprunterait un chemin pour découvrir un paysage, sans chercher en eux un sens qui nous révélerait, mais une invitation au contraire à renoncer au sens qui masque le paysage nu, on leur insuffle alors, par la présence et la non-saisie qu’on exerce ainsi, une vie qui les rend vrais, et aptes alors à délivrer leur message. Pour les comprendre vraiment, il ne suffit pas de les comprendre, mais de les laisser être, comme des pierres formant un gué. Si on sait alors se laisser porter par eux, on en révèlera le véritable contenu, parce que ce qu’ils cherchent à dire, c’est que “je” suis hors du sens, en même temps que “je” suis le seul véritable sens de la réalité.

Toute la difficulté est là: ne pas décapiter l’étonnement d’être, ne pas éteindre la question brûlante que l’on est par une réponse qui nous enfermerait dans le sens qu’elle prétend détenir. Être simplement présent à la question que l’on est, c’est cela la vraie réponse.

[Edit] Après bien des recherches, je ne trouve pas dans la littérature scientifique la confirmation de la capacité d’apprentissage que je croyais appartenir aux amibes. Je rectifie donc ce détail matériel, ce qui ne change toutefois rien au principe de ma démonstration, dans la mesure où l’exemple que j’ai donné des cellules immunitaires, et mille autre qu’on pourrait encore citer, confirment le fait que le processus d’apprentissage s’inscrit bel et bien comme une trace dans la matière.

Commentaires (26)

  1. Plus “effrayé” encore par la mort que l’amibe, l’être humain a du mal à retrouver le sens.
    Depuis qu’il ne sait plus pourquoi il est là, il raisonne énormément, regardant la Lumière de l’extérieur, sans se laisser pénétrer par elle et son amour.
    Et le but de l’exercice est là tout entier (l’exercice de la vie s’entend) utiliser ce détachement, que la chair appuie encore, pour se créer la plus belle des quêtes, la seule et unique justification de notre présence sur terre: 
    l’Amour universel , sans condition et sans raison, celui qui dépasse les mots.

    Lumière à toi, Joaquim

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  2. Un article qui va vraiment loin. C’est la deuxième fois que je le lis, et il m’étonne tout autant que la première.
    Je me suis justement laissé étonner par cet étonnement dont tu as parlé :)
    J’ai aussi beaucoup aimé la façon dont tu expliques ces ténèbres qui surviennent lorsqu’on se cherche trop dans notre représentation du monde. Lorsqu’on n’arrive pas à faire confiance au vide. La sensation d’étrangeté que l’on peut retrouver entre autres dans les attaques de panique.
    Je crois que je le relirais encore plus tard 😉

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  3. Les mots donnent du poids au “sans poids”.

    Les tiens sont une parure qui orne le Silence.

    Chaleureusement.

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  4. J’ai beau dire l’étonnement, il n’est jamais vrai tant qu’il n’a pas étonné quelqu’un (merci WaXou !), j’ai beau dire le silence, il n’est que du bruit tant que quelqu’un ne l’a pas entendu derrière les mots (merci aksysmundi !), et merci à toi, Isabelle, car je crois bien que oui, agir par amour, c’est se dégager de la tyrannie d’un sens qui se cherche, pour devenir un geste qui nous révèle.

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  5. Bonjour Joachim.

    Tu écris:
    “Dans le monde des mots, il n’en va pas ainsi. Dans ce monde, la pierre de touche de la véracité, c’est l’observation des lois de la raison, et non pas la survie. Dans la nature, la fin justifie tous les moyens. Dans la nature, celui qui survit a toujours raison. Les mots, eux, ouvrent sur un autre monde, dans lequel ce n’est pas celui qui survit qui a raison, mais celui qui respecte la raison, même si cela doit le conduire à la mort.”

    Si je suis bien ton fil, tu ne parles pas là de “raison raisonnante”, mais de son aspect “faculté” de la conscience, et des lois qui lui sont innérantes.
    Je me demandais en lisant cela, si plus que le respect due à la raison et à ses lois ,( qui sont des “moyens”), ce n’était pas tout autant sinon plus le respect du au Sens qui émerge lorsque ces lois sont reconnues et à l’oeuvre…
    Peut-être que dans une éventuelle transition “évolutive” de l’homme sensoriel à l’Homme ” être de Sens”, ce respect est-il indissociable en premier lieu de son émergeance, et donc, en fin de compte de sa survie aussi?

    Plus loin, tu écris:
    “Une réalité perdue là-bas, sur l’autre rive, une réalité “autre”, située hors de “mon” monde. Si elle est devenue “autre”, c’est parce que le sens que j’ai tenté de lui conférer l’a dégradée en une simple représentation, fidèle peut-être, mais distincte de l’original: “ma” représentation du monde. Et je me retrouve enfermé en elle, incapable de saisir de la réalité autre chose que ce sens que je lui confère. Je me retrouve piégé dans le monde du sens pour avoir commis la folie de me chercher en lui, au lieu de me laisser simplement être. C’est vrai, être un abîme, c’est plutôt effrayant. J’ai manqué de confiance en l’abîme, je n’ai pas eu assez de foi pour maintenir ouverte la question que je suis, j’ai voulu en saisir le sens et je me retrouve piégé dans une quête de sens véritablement sans fin.

    Pour ma part, J’écrivais tres recemment cela:
    “Lorsque nous faisons ce vide totale de toutes conceptions mentales au sujet de Cela, de tous nos attachements, habités intérieurement par cette “question/faille /abîme”, cette aspiration totale, fondamentale et absolue , cette impulsion primordiale et insurmontable vers Cela, alors cette Grâce se donne en partage, et nous habite.”

    Tu continues, reprenant ton précedent message:

    ” Mais si on les suit comme on emprunterait un chemin pour découvrir un paysage, sans chercher en eux un sens qui nous révélerait, mais une invitation au contraire à renoncer au sens qui masque le paysage nu, on leur insuffle alors, par la présence et la non-saisie qu’on exerce ainsi, une vie qui les rend vrais, et aptes alors à délivrer leur message. Pour les comprendre vraiment, il ne suffit pas de les comprendre, mais de les laisser être, comme des pierres formant un gué. Si on sait alors se laisser porter par eux, on en révèlera le véritable contenu, parce que ce qu’ils cherchent à dire, c’est que “je” suis hors du sens, en même temps que “je” suis le seul véritable sens de la réalité.”

    Ce que j’exprimais ici, avec d’autres “mots”

    http://mushotoku.com1.over-blog.com/article-19608268.html

    Ps: Désolée pour les mélanges de couleurs dus aux copiés -collés…

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  6. Bonsoir Joaquim,

    Avec quelle lame descends-tu aussi proprement et élégamment en soi?
    Fouiller tout ce qui bouge, obstrue et fait mirage.
    Descendre en soi et remonter en Soi avec quelques larmes de joie au passage…
    Descendre sans peur en soi, et l’ultime sécurité de ne rien être.
    Et le tout sans anesthésie…

    Extraordinaire et salutaire dissection, merci à toi.

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  7. Oui, Nad, je crois que nous parlons bien de la même chose, avec des mots différents. :)

    Juste une remarque. Je ne crois pas qu’il existe de sens qui soit indépendant de la “raison raisonnante”. Le sens se réduit toujours, en dernière analyse, à une élaboration à partir de deux gestes simples de l’esprit: mesurer et comparer. Mesurer et comparer, c’est mettre de l’ordre dans le désordre. Tant qu’il n’existe pas de conscience armée de la faculté de mesurer et de comparer, ni l’ordre ni le désordre n’existent. Mesurer et comparer, c’est le pré-requis pour pouvoir porter un jugement. Toutes les notions les plus élevées de l’esprit humain, en particulier celles de justice et d’équité, sont des sous-produits de la faculté de mesurer et de comparer. Qui ne mesure ni ne compare n’accédera jamais à la notion de justice, ni de beauté, ni de bonté. Toutes ces notions n’ont pas d’existence réelle, mais elles sont des foyers attracteurs de sens; elles cherchent à créer harmonie et équilibre dans l’espace “informe et vide” apparu au point de rupture entre la matière et l’esprit, entre moi et le monde. Au premier jour, “Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.” Le récit de la Genèse est la trace des premières tentatives humaines pour mettre du sens dans cet espace informe et vide qui s’ouvrit devant les yeux ébahis des premiers hommes pensants, un vide qu’il s’agissait à tout prix de combler. On nomme, on dénombre, on mesure: premier jour, deuxième jour. Et on juge: “Dieu vit que cela était bon.” On entre dans le monde proprement humain, on s’extrait de la nature, on pose les bases de la culture.

    L’éveil, c’est la sortie hors du monde du sens, c’est-à-dire hors de ce monde qui n’existe que pour combler sans y parvenir jamais la déchirure entre la matière et l’esprit. Dans l’état d’éveil, il n’y a ni problème ni question à résoudre: toute question qui émerge est en même temps réponse, elle est comme un doigt de Dieu qui se ferait surgir lui-même. Il n’y a nulle recherche de sens, car celui-ci est donné avant même que la question qu’il résout n’aie pu troubler la limpidité de l’Être.

    Néanmoins, je te rejoins dans ton sentiment qu’il existe un autre ancrage pour le jugement que le respect des lois de la raison. Mais je ne ferais pas pour ma part la distinction entre “le respect dû à la raison et à ses lois” d’une part et “le respect dû au Sens qui émerge lorsque ces lois sont reconnues et à l’oeuvre” d’autre part. Je pense que le jugement peut s’ancrer dans le sentiment de sa propre dignité. La dignité, ce n’est pas une notion qui proviendrait de la raison, mais bien de la saisie originelle de sa propre intimité, de sa propre “inviolabilité”, comme dit Zundel.

    J’avais écrit ceci sur café-éveil:

    «Toute la question de la dignité tourne autour de l’innocence et de l’ego. La conscience de l’ego, la conscience d’être séparé, d’être un monde en soi, comme un dieu, c’est la perte de l’innocence. Et c’est l’apparition de la honte, en même temps que de la capacité à s’indigner. On s’indigne parce qu’une innocence est bafouée par une non-innocence. Mais si on s’indigne, c’est parce qu’on est soi-même une non-innocence. Les innocents ne s’indignent pas. Les animaux regardent avec un total détachement des atrocités qui ne les concernent pas se dérouler sous leurs yeux. Seul l’être conscient de soi, autrement dit non-innocent, se pose en défenseur de l’innocence. Parce que l’innocence bafouée sous ses yeux est la même que celle qu’il a perdue, elle lui est sacrée parce qu’il sait qu’elle est le vrai visage de Dieu. Dieu, c’est tout ce qui est, mais l’ego ne le voit jamais, car en se posant sur tout, son regard en fait quelque chose qui devient “sien”, quelque chose qui perd du même coup son innocence, qui n’est plus le visage de Dieu, mais son image. Seule l’innocence, lorsqu’elle est bafouée, lui donne à voir le vrai visage de Dieu, à partir d’un point en lui non entaché par la non-innocence, lorsqu’il s’indigne. Parce que ce point, le siège de sa dignité, ne lui appartient pas, bien qu’il se trouve au plus intime de lui-même.»

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  8. Merci Jim pour tes mots. :)

    “L’ultime sécurité de ne rien être.” Voilà qui résume tout…

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  9. Oui Joaquim…Comme tu le dit, mesurer et comparer sont les propriétés de la raison, et sans cela pas de raison.
    Je pense que je ne me suis pas clairement exprimée;
    Tu dis:”Juste une remarque. Je ne crois pas qu’il existe de sens qui soit indépendant de la “raison raisonnante”.

    Je ne le crois pas non plus
    je crois que tu parle “en général”, et que j’abordais là le particulier, en fait.
     Ce que j’entend par “raison raisonnante”, c’est l’ appropriation personnelle de cette faculté de la conscience qu’est la raison ( mesurer et comparer..) pour défendre ou argumenter une  perspective, un point de vue et donc de donner naissance à du sens, oui bien sur,  et à de la logique aussi, et donc à de divers et multiples modéles du monde, mais dans un cadre qui ne dépasse pas le personnel et sa focalisation, quelle qu’elle soit.
    La Raison, en tant que faculté de la Conscience se doit d’être impersonnelle, la mesure et la comparaison aussi. Si elle ne l’est pas elle est au service de légo et du mental ( et de l’ignorance…) avec toutes leurs limites et leurs conditionnements. Dés lors le sens qu’elle construit n’est qu’une construction mentale qui s’oppose àd’autres constructions mentales, qui n’ont en fait aucune  “valeur en soi”, sauf celle de permettre peut être qu’on en touche enfin la limite, la faille…et la béance dont tu parles.
     On ne peut suivre le fil de ces mots là, car ils ne ménent à rien d’autre qu’à une logique parmis tant d’autres.

    Je n’ai pas le langage qu’il faut, ni l’analyse adéquate, et je m’exprimes mal je le sais..:-( Mais je crois que cette raison raisonnante là ne connait pas vraiment les lois de la conscience, ni les lois de la raison, et ne les respecte pas.
     C’est je crois aussi cette raison là qui donne naissance à tous les “j’ai raison” du monde ,qui, quel que soit le niveau ou ils sont affirmés, sont à la source de toutes les incompréhensions et de tous les conflits de sens..et de personne.
    C’est ce que je voulais dire en écrivant ceçi:
    “tu ne parles pas là de “raison raisonnante”, mais de son aspect ”faculté” de la conscience, et des lois qui lui sont innérantes.
    Je me demandais en lisant cela, si plus que le respect due à la raison et à ses lois ,( qui sont des “moyens”), ce n’était pas tout autant sinon plus le respect du au Sens qui émerge lorsque ces lois sont reconnues et à l’oeuvre…”

    Lorsqu’il y a le respect du à la conscience, donc à la raison et à ses lois, le Sens qui émerge transcende , je crois, tous les particularismes. Il a quelque chose de l’Universel.
    Plus de jugement là. c’est  “L’innocence” en nous qui entre en résonnance et marche sur le fil des mots;
    C’est pour cela que j’écrivais, “tout autant, sinon plus de respect” au sens qu’a la raison

    Tu écris plus loin:
    “Je pense que le jugement peut s’ancrer dans le sentiment de sa propre dignité. La dignité, ce n’est pas une notion qui proviendrait de la raison, mais bien de la saisie originelle de sa propre intimité, de sa propre “inviolabilité”, comme dit Zundel.”
    Tu penses tu pas que le sentiment de notre propre dignité s’ancre à bien des endroits qui ne garantissent pas vraiment la justesse du jugement?
    je ne connais pas zundel, et je ne sais pas ou il plaçait la saisie originelle de sa propre intimité, de son inviolabilité, mais si je reprends ton texte, n’est elle pas justement dans cet “abîme” insaisissable que nous sommes?

    Que ce passe -t-il alors du “jugement” si on place sa dignité dans cet abîme Là…? Car c’est bien là le siège de sa dignité, de son innocence,  au plus intime de soi-même?.
    L’innocence ne juge pas, dis tu, seule la non- innocence le fait…
    Oui c’est le paradoxe, toujours et encore.

     Peut -être suis complétement à coté de la plaque, mais voilà ce que cela m’inspire..:-)

    merci pour tous ces mots, joachim.

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  10. Effectivement, Nad, je parlais en général. La distinction que tu fais, si j’ai bien compris, c’est celle qui existe entre quelqu’un qui cherche le sens en respectant les lois de la raison, qui soumet donc son désir personnel à une exigence impersonnelle, et quelqu’un qui utilise le sens pour servir un objectif personnel. Pour ma part, dans tout ce que j’ai écrit sur ce blog jusqu’à maintenant, je n’ai parlé que du premier cas, jamais du second. Je ne me suis intéressé qu’à la position tragique de la conscience humaine dans une perspective existentielle et philosophique, et non pas à la dimension psychologique ou politique de la récupération du sens.

    Je pense qu’il faut bien distinguer ces deux niveaux: l’emprise qu’exerce sur nous la recherche de sens du simple fait que nous sommes des êtres humains conscients de soi, donc placés face à un abîme effrayant, et l’emprise qu’on cherche à exercer sur autrui dans le vain espoir d’acquérir une puissance qui nous permettrait d’échapper à cet abîme. Dénouer le second, c’est l’éveil psychologique, dénouer le premier, c’est l’éveil spirituel. L’éveil psychologique, c’est découvrir sa propre dignité, c’est prendre appui sur elle; l’éveil spirituel, c’est réaliser que ce noyau d’intimité qu’est notre dignité, c’est Dieu.

    Utiliser la raison de manière impersonnelle, c’est-à-dire honnêtement, ne libère pas pour autant du piège de la recherche du sens. L’honnêteté intellectuelle est une excellente école d’humilité, elle est à mon avis une condition incontournable de l’éveil, mais elle ne suffit pas à elle seule à conduire à l’éveil. Tu dis: “La Raison, en tant que faculté de la Conscience se doit d’être impersonnelle, la mesure et la comparaison aussi. Si elle ne l’est pas elle est au service de légo et du mental”. Je pense que même si elle est impersonnelle, la raison est au service du mental et de l’ego. Ou plutôt: la scission provoquée par la dualité sujet-objet crée à la fois la conscience tragique d’être séparé (l’ego), et l’aspiration de cette conscience égarée à recréer un lien vers le Tout, autrement dit à rechercher du sens, ce qui revient à mettre en route le mental.

    Je partage néanmoins ton intuition qu’un échange authentique, où l’on ne cherche pas à affirmer “j’ai raison”, mais où l’on s’ouvre totalement à l’autre, sans aucune restriction, est aussi un chemin permettant à la conscience individuelle de sortir de son enfermement. C’est la voie du coeur. Mais je ne crois pas que ce soit parce que cet échange authentique donnerait accès à un Sens qui dépasserait la portée de la raison. Je pense plutôt qu’un tel échange ouvre une autre porte que celle de la connaissance, la porte de l’amour, et que c’est bien l’amour, et non pas un Sens supérieur, qui dépasse alors la portée de la raison. Je suis toutefois dubitatif quant à la possibilité d’un tel échange sur l’internet. Je pense pour ma part que la seule communion que l’on puisse atteindre sur l’internet, c’est celle qui nous permet de nous découvrir nous-même dans les mots de l’autre. C’est déjà beaucoup, je trouve, c’est même un cadeau inestimable. Et je vous remercie toutes et tous de me l’offrir. :) En réclamer plus, c’est à mon avis “insensé”, c’est courir le risque de tomber presque à coup sûr dans une parodie de l’amour.

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  11. Voilà c’est bien de ça que je parlais, mais tes mots le disent bien mieux que les miens…:-)
    Tu dis:
    “Je ne me suis intéressé qu’à la position tragique de la conscience humaine dans une perspective existentielle et philosophique, et non pas à la dimension psychologique ou politique de la récupération du sens. ”
    C’est bien ce que j’avais compris, effectivement. Cependant je ne crois pas que la première puisse être réellement libre de la seconde; la perspective existencielle et philosophique , je pense qu’elle est en fait indissociable de la dimension psychologique, et si ce n’est pas vu clairement et tenu en compte, cela participe certainement à lui donner cette dimension tragique.

    Je pense qu’il faut bien distinguer ces deux niveaux: l’emprise qu’exerce sur nous la recherche de sens du simple fait que nous sommes des êtres humains conscients de soi, donc placés face à un abîme effrayant, et l’emprise qu’on cherche à exercer sur autrui dans le vain espoir d’acquérir une puissance qui nous permettrait d’échapper à cet abîme.

    Oui, tout à fait! C’est là je crois que se place la” récupération politique”, individuelle ou collective. Mais ce détournement du sens, cette emprise, qu’on cherche à exercer, cet espoir de puissance, cette vaine tentative d’échapper à cet abîme, cette “angoisse métaphysique, elle s’articule bien aussi à cette dimension psychologique , n’est ce pas?
    Je suis d’accord, il faut les distinguer ces deux niveaux. Mais dans les faits, sont ils vraiment distincts?
    Si comme tu le dis,”Dénouer le second, c’est l’éveil psychologique, dénouer le premier, c’est l’éveil spirituel. L’éveil psychologique, c’est découvrir sa propre dignité, c’est prendre appui sur elle;”, cela laisse  supposer qu’il ne peut y avoir de réelle et saine quète existencielle, ( ou spirituelle) sans que ce niveau là soit dénoué…
    C’est donc effectivement cet “eveil psychologique” incontournable dune véritable quète existencielle que j’interroge…
    Car je crois qu’en fait dans les domaines ou il n’est pas réalisé, la Raison ne peut pas oeuvrer sainement.

    Et si, comme tu le dis, “ l’éveil spirituel, c’est réaliser que ce noyau d’intimité qu’est notre dignité, c’est Dieu.”, alors là nous sommes au bout de la quète de sens, la raison n’a plus lieu d’être, et devient un piège:” la scission provoquée par la dualité sujet-objet crée à la fois la conscience tragique d’être séparé (l’ego), et l’aspiration de cette conscience égarée à recréer un lien vers le Tout, autrement dit à rechercher du sens, ce qui revient à mettre en route le mental

    Oui effectivement, tu as raison;-) personnelle, ou impersonnelle, la raison revient à mettre en route le mental.

    Tu dis:
    Mais je ne crois pas que ce soit parce que cet échange authentique donnerait accès à un Sens qui dépasserait la portée de la raison. Je pense plutôt qu’un tel échange ouvre une autre porte que celle de la connaissance, la porte de l’amour, et que c’est bien l’amour, et non pas un Sens supérieur, qui dépasse alors la portée de la raison.”

    L’Amour seul ouvre une autre porte que la connaissance, oui;Effet de séparation oblige.
    Mais je pense pour ma part que l’Amour lorsqu’il épouse la conscience ouvre simplement une autre porte sur la onnaissance que ce soit dans le cadre de la quéte exsistencielle elle même,( ou , accéssoirement, au travers du partage authentique de sens dans la relation;-)…) 
    Une autre porte que la raison, qui ne s’y oppose pas mais la compléte. L’Amour  n’ouvre certe pas à un sens supérieur, mais lorsqu’il s’allie à la raison  et à la consience, peut être ouvre-til à une Intelligence qui elle, dépasse bien souvent la portée de la raison seule..?

    Peut être que cette voie du Coeur qui nous permet de rejoindre l’autre, c’est aussi celle qui offerte à nous même, nous permet de nous ouvrir a cet abîme en nous?A cet abîme qu’est l’autre aussi,à cette béance partout et toujours…?
    Tu écris :”L’éveil, c’est la sortie hors du monde du sens, c’est-à-dire hors de ce monde qui n’existe que pour combler sans y parvenir jamais la déchirure entre la matière et l’esprit. Dans l’état d’éveil, il n’y a ni problème ni question à résoudre: toute question qui émerge est en même temps réponse, elle est comme un doigt de Dieu qui se ferait surgir lui-même. Il n’y a nulle recherche de sens, car celui-ci est donné avant même que la question qu’il résout n’aie pu troubler la limpidité de l’Être.”

    Oui….

    Merci pour cet approfondissement, en espérant ne pas faire dériver inutilement ton propos…

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  12. Rien a ajouter à cette merveilleuse mosaïque de mots, juste le sourire complice que celle-ci fait naître.

    :-)

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  13. Merci pour ces résonnances si complémentaires, Nad et aksys. :)

    Juste encore une remarque. 😉

    Tu dis, Nad: “L’Amour  n’ouvre certes pas à un sens supérieur, mais lorsqu’il s’allie à la raison  et à la conscience, peut être ouvre-t-il à une Intelligence qui elle, dépasse bien souvent la portée de la raison seule..?”

    Je me méfie des mots à Majuscule. Il me semble qu’ils veulent ramener par la petite porte dans l’univers des mots ce qu’on a pourtant reconnu ne pas appartenir à ce monde-là. Je crois qu’il faut être plus conséquent, et s’interdire cette facilité de coller une étiquette sur ce qui est au-delà des mots, sans quoi on en fait des mots pour le coup vides de sens.

    Ou dit autrement: tous les mots qui désignent ce qui se trouve au-delà des mots, puisqu’ils se désignent de ce fait eux-mêmes comme non-mots, se ramènent finalement à une seule étiquette qui s’appelle: Dieu. Ou l’Être, ou l’Amour, ou l’Intelligence, si tu veux, mais je pense qu’il est inutile de multiplier les étiquettes, car elles contiennent toutes la même chose, c’est-à-dire “rien”, rien qui fasse sens.

    Pour ma part, je m’emploie plutôt à façonner des mots maladroits, qui dans l’entrebâillement de leur maladresse même et des paradoxes auxquels ils conduisent, laissent deviner ce qui les dépasse. Cela me semble être plus en conformité avec le geste d’humilité et de non-saisie qu’on cherche précisément à décrire. Tout en sachant bien sûr que ce n’est pas la seule manière de s’approcher de l’indicible. :)

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  14. je comprend,je crois ce que tu veux dire par là Joachim. Tu écris:
    Je me méfie des mots à Majuscule. Il me semble qu’ils veulent ramener par la petite porte dans l’univers des mots ce qu’on a pourtant reconnu ne pas appartenir à ce monde-là. Je crois qu’il faut être plus conséquent, et s’interdire cette facilité de coller une étiquette sur ce qui est au-delà des mots, sans quoi on en fait des mots pour le coup vides de sens.”

    Je comprend tout à fait cela, mais cependant, je crois que si on accepte les mots comme vecteur de sens, ainsi que leur limite évidente, et leur impossiblité à dire l’indicible, comme tu l’explique plus haut ils peuvent néanmoins être porteur de ce fil”non verbal”.

    Tu dis:”Pour ma part, je m’emploie plutôt à façonner des mots maladroits, qui dans l’entrebâillement de leur maladresse même et des paradoxes auxquels ils conduisent, laissent deviner ce qui les dépasse. Cela me semble être plus en conformité avec le geste d’humilité et de non-saisie qu’on cherche précisément à décrire.”

    Je trouve tes mots au contraire tres subtils et tres adroits, dans la façon dont ils conduisent a l’évidence du paradoxe.
    C’est ta spécificité, et je ne pense pas être la seule à te la reconnaitre, et à marcher sur les fils que tu proposes. 
    Peut être n’exprimons nous pas la non saisie de la même façon? Et l’humilité? En fait dans cet espace indicible que ces majuscules pointent, je crois que cette notion n’existe pas, et que l’orgeuil consisterait dans l’idée même que le “moi” puisse s’approprier quoique ce soit de Cela.  
    Ces majuscules là, au endroit ou je les place, participent de cela. Elles ne sont qu’un symbole, un simple détail dans la forme d’un mot courant qui n’induit et ne propose rien d’autre en fait que le fil le plus réduit possible vers une question ouverte sur l’êtreté qui se cache  sous le concept et le sens habituel du mot sans majuscule.

    Pour exemple, lorsque le mot est écrit: conscience (mentale ordinaire ), jil parle du lieu (entre autre…) de la connaissance analytique et discursive, ou le sujet et l’objet restent toujours distincts, alors que c’est Conscience, il sous- entend sans la définir ni disserter sur sa nature, l’êtreté  de la connaissance immédiate ( entre autre, là aussi…)qui nait de le fusion du sujet connaissant et de l’objet connu…
    C’est pareil avec tous les mots que je differencie avec ces minuscule et ces majuscules.

    Tu écrivais plus haut:
    Pour les comprendre vraiment, il ne suffit pas de les comprendre, mais de les laisser être, comme des pierres formant un gué. Si on sait alors se laisser porter par eux, on en révèlera le véritable contenu,

    L’ usage  de la majuscule sur un mot précis, peut aussi être reçu ainsi. C’est juste celui un doigt ténu, d’un simple détail qui pointe le lieu d’un mystére, d’une transmutation, d’un changement total de plan et de paradigme, sans passer par des constructions mentales, ou des définitions qui , elles collent effectivement une éttiquette sur ce qui est au delà des mots..
    En fait, c’est , dans l’univers des mots et du sens le moyen le plus “ténu” , le fil le plus léger, le  seul “doigt” que j’ai trouvé pour pointer “la lune” sans la définir,  sans induire de sens, sans saisie justement.
    celui qui me semble laisser l’autre libre du sens que je donne aux choses, et de rentrer ou pas dans la faille et l’interrogation qu’elle propose, pour justement:”…: ne pas décapiter l’étonnement d’être, ne pas éteindre la question brûlante que l’on est par une réponse qui nous enfermerait dans le sens qu’elle prétend détenir. Être simplement présent à la question que l’on est, c’est cela la vraie réponse…”

    Bien sur l’usage de la majuscule a toujours existé, et même si ce que j’en  fait reste un code tres personnel, je comprend que cela puisse ne pas être compris ainsi et qu’on puisse le ressentir et l’interpréter tout autrement. Qu’on puisse ne pas voir le fil, et même s’en “irriter” et je te remercies de me donner ainsi l’occasion d’éclaircir cela…

    Mais bon…attention je m’égare à nouveau je crois, en transformant les commentaires de ton blog en forum…:-(
    Pourtant, j’avoue que je trouve que toutes les subtilités et les approfondissements que cela t’emmene a devellopper avec cette clarté qui te caractérise ne me semblent pas inutiles, en fait..:-)

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  15. J’aime bien, Nad, ton image d’un mot majuscule comme un doigt ténu qui pointe vers le lieu d’un mystère. :) Quand tu le dis ainsi, cela semble évident. Mais quand tu dis simplement le mot lui-même, il apparaît alors beaucoup plus pesant. Je crois que c’est parce que le travail d’accouchement que tu as effectué maintenant pour nous l’expliquer, c’est cela qui lui confère sa légèreté, sa vie. C’est ce travail qui fait qu’ainsi mis en perspective, le mot majuscule n’est plus seulement étiquette, mais ombre d’une lumière projetée, qu’on devine derrière lui. Pourtant, la prochaine fois que tu l’utiliseras, si tu n’accomplis pas à nouveau ce travail d’éclairage, le mot sera à nouveau lourd et sans vie. Et c’est tant mieux, car la vie que l’on cherche à transmettre, ce n’est pas celle qui serait contenue dans les mots, mais celle qui nous anime quand on les façonne. La seule chose qui compte, à mon avis, c’est le travail d’accouchement. Car c’est lui qui évoque le plus fidèlement, au-delà du contenu des mots, l’éveil dont on cherche à parler.

    Bien sûr, il peut être agréable de sentir simplement que l’on partage le même point de vue avec d’autres, et à ce titre les mots majuscules peuvent parfaitement suffire. Mais c’est à mon avis emprunter un chemin glissant. Car on risque bien vite de tomber dans une discussion entre initiés, entre gens qui connaissent les codes cachés derrière les mots, parce qu’ils les ont vécus, et qui se plaisent à les revivre par cette forme de communion. Une communion où l’on croit être encore celui à qui on ne se donne pourtant plus la peine de conférer une vie neuve en allant la chercher au fond de soi. On n’est plus loin alors de prendre le souvenir du geste pour le geste lui-même.

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  16. Tu as tout à fait raison Joachim, c’est un risque certain .

    Si ce n’est pas d’une vie réelle au fond de soi qu’émerge le partage, c’est ce leurrer soi même.Comment dés lors parler de communion? Elle ne pourrait effectivement qu’être factice…

    Par contre je ne vois pas vraiment ou serait la richesse dans le partage  si son objectif est juste de rechercher “l’agréable d’un même point de vue” s’agissant du chemin vers l’éveil, du Soi, de l’éveil ou de son intégration au quotidien…
    Dans ce sens la, c’est le partage en lui même qui serait un chemin glissant, celui de se dire à sens unique ( dans les deux sens de l’expréssion ) quel que soit le niveau d’être ou de “ne pas être”… 
    La demande inconsciente que seul le fil de nos mots soit chevauchés, et le refus tout aussi inconscient de marcher sur celui de l’autre.

    C’est vrai il y a tous ces pièges.Et donc toutes ces occasion de voir en nous ce qui nous conditionne encore.

    C’est pas magique, ça? :-)

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  17. Oui Joachim, le mot à nouveau deviendra lourd, car le mot est toujours lourd lorsqu’il voile au lieu de conduire à ce qu’il pointe.C’est un fait.

    L’évangile de St Thomas commence par ceux çi:
    “heureux celui qui se fera l’herméneute de ces paroles…”

    Je crois que cela peut attirer notre attention sur un autre aspect, indissociable des mots en eux mêmes: Si ils sont les instruments de la construction du sens, ils sont aussi, sinon d’abord et avant tout des outils de relation et de communication.
    Lorsque tu parles du fil caché dans les mots, je crois que tu formules en fait d’une autre façon le fameux ” que celui qui a des oreilles pour entendre, entende…”
    Peut être est ce là tout le défi et l’enjeu de cette interdépendance qui est la nature même de la communication ?

    Ce qui compte pour celui qui les offre, c’est effectivement dans quelle intériorité ils trouvent leur source. De quelle “vérité d’être” ils s’originent car comme tu le dis: “la vie que l’on cherche à transmettre, ce n’est pas celle qui serait contenue dans les mots, mais celle qui nous anime quand on les façonne. ”

    Seulement la relation et la communication c’est tout autant l’autre, et la manière façon dont il reçoit. En fait la vie des mots, c’est tout autant lui qui la lui donne lorsqu’il est dans toujours disponibilité intérieure, cette réceptivité ouverte et profonde qui en “découvre” le fils caché.
    La vie secrète des mots, et leur “justification”, elle émerge au coeur même de cette rencontre
    Emissivité et réceptivité.Alternance et mutualité.
    Dans ce sens la réceptivité, la capacité de s’oublier pour s’ouvrir au fil de la parole de l’autre est aussi importante que la vérité d’être dans laquelle elle s’origine;

    Tu dis aussi:
    “c’est à mon avis emprunter un chemin glissant. Car on risque bien vite de tomber dans une discussion entre initiés, entre gens qui connaissent les codes cachés derrière les mots, parce qu’ils les ont vécus, et qui se plaisent à les revivre par cette forme de communion. Une communion où l’on croit être encore celui à qui on ne se donne pourtant plus la peine de conférer une vie neuve en allant la chercher au fond de soi. On n’est plus loin alors de prendre le souvenir du geste pour le geste lui-même.”

    OUi! Tu as tout à fait raison de soulever ce piége, car il est on ne peut plus réel. Dans ce cas, on se leurre soi -même.
    Je crois cependant que le partage entre ceux qui connaissent ces codes peut être aussi tres enrichissant, car c’est à partir d’une lumière commune justement, qu’on peut débusquer les piéges de ce chemin d’intégration. 😉

    Effectivement la recherche du sentiment agréable de partager le même point de vue serait une motivation vraiment tres limitative et assez symptomatique d’enferment dans une vision unique.
    Il y a aussi un piège subtil dans ce que tu pointes là: le partage de la même perspective, mais aussi la recherche de cette fusion ou chacun se parle pour se reconnaitre lui même dans l’autre. Ou en fait chacun “se parle” dans une perspective unique, sans qu’il n’y ai dés lors besoin de s’ouvrir à “autre” que soi.

    Mais des piéges, il y en a partout.
    Celui celui des “mots à sens unique”, dans les deux sens du terme, en est un aussi, et non des moindre.
    On peut ne prendre des mots que leurs aspects construction de sens. On se parle. On parle son sens, on offre “son fil “.On est émmissif.
    On peut en oublier l’aspect communication, oublier l’aspect réceptif, et là, c’est la notion de partage elle même qui est remise en cause.

    Là aussi, seule la plus grande honnèteté et la plus subtile vigilance nous permes de voir ou s’origine notre expréssion, notre “don”…

    Mais ce que je trouve magnifique, c’est comment ces échanges, avec ces situations et tous ces piéges qui se présentent effectivement peuvent justement faire émerger tant de choses subtiles jusqu’alors plus ou moins inconscientes, et nous permettre ainsi d’avancer sur ce chemin de transparence…:-)

    Merci à toi, Joachim

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  18. Oups, désolée…:-(
    Un probléme sur mon ordi je suppose: mon dernier message n’apparaissait pas, et j’ai cru qu’il n’était pas passé, apres expédition de ce dernier et je vois qu’il se trouve redoublé. Toutes mes excuses pour les redondances.

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  19. Merci Nadia.

    Je ne trouve pas que ton message soit simplement redoublé. Il est plus approfondi; certains éléments que tu mentionnais dans le précédent message se trouvent mis en lumière de manière bien plus limpide et bien plus précise.

    Tu dis: “Seulement la relation et la communication c’est tout autant l’autre, et la manière façon dont il reçoit.” Merci d’avoir reçu les miens comme tu l’as fait. Et si j’ai pu te donner l’impression d’avoir aussi pris les tiens en moi pour en percevoir l’écho, alors nous serons vraiment entrés en relation. Nous aurons dansé ensemble sur des mots. Mais la danse, elle, aura dépassé les mots. :)

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  20. “Nous aurons dansé ensemble sur des mots. Mais la danse, elle, aura dépassé les mots. ”

    Oui :-)

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  21. Joaquim, je souscris entièrement à ta magnifique conclusion. S’étonner d’être est la seule source possible du sens, en même temps que son abîme!

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  22. Merci pour tes mots, sancho. Je suis heureux que nous puissions partager un même horizon à partir de points de vue différents. :)

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  23. nouveau blog… mêmes balivernes !

    et mêmes badauds illuminés qui tombent en extase devant  !

    si vous vous intéressez à l’esprit, commencez par jeter un coup d’oeil
    sur ce qu’en dit la Philosophie de l’esprit :

    http://philosophy.uwaterloo.ca/MindDict/index.html

    cela pourrait vous aider à comprendre la complexité
    de la question et le fait que penser qu’on puisse l’élucider
    seul dans son coin tient au délire !

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  24. Canadien, c’est un peu court, les arguments que vous avancez, pour permettre une discussion. Et vous qui voulez nous apprendre à réfléchir, vous nous faites une belle démonstration d’auto-goal, puisque le seul argument que vous invoquez, c’est celui d’autorité.

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  25. Bonjour à tous !
    De passage sur café-éveil, je viens juste de remarquer le petit lien vers le blog !
    Quelle surprise ! Merci pour ces petits billets Joaquim et heureux de voir que tu réécris sur la toile… ta plume lui a manqué ! Serait-ce une toile à piéger les mots ?! 😉
    Amicalement

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  26. Content de te revoir, feuille. C’est vrai, cette toile est un piège à mots. Ils s’y collent et  s’y aglutinent, mais lorsqu’une feuille se pose sur eux, je suis sûr qu’ils redeviennent léger pour la suivre dans son vol. 😉

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