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Ego & personnalité
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Lu 04 Juin 2007 12:16    Sujet du message: Répondre en citant

Tout d'abord, l'idée "d'élever notre esprit vers le Seigneur" est saugrenue.

L'esprit humain n'est pas quelque chose qui nous est tombé d'un seul coup sur la tête, ou plutôt dans la tête. Des millions d'années de perfectionnement ont été nécessaires pour que notre cortex cérébral nous offre notre capacité d'intelligence actuelle. La preuve ? Depuis combien de temps l'homme a-t-il inventé l'écriture ? Pourquoi ne pas l'avoir inventée plus tôt ? Cette capacité est pour moi un fonctionnement neuronal, qui s'altère d'ailleurs bien vite dès que le fonctionnement est perturbé, ne fusse que par un peu d'alcool. Alors, rejoindre Dieu en poussant un peu la capacité de nos neurones ? C'est aussi naïf que d'espérer le rencontrer lors d'un voyage spatial.

En fait, nous savons à peu près tous sur ce forum que la spiritualité s'expérimente non en stimulant nos neurones mais en les calmant. C'est lorsque nous cessons de faire interagir l'image de nous-même avec les images des objets que la porte de la spiritualité peut s'ouvrir. C'est la même chose que de dire qu'il faut accepter les choses telles qu'elles se présentent. Ces interactions d'images qui occupent presque tout notre temps sont une activité du cortex cérébral.

Que se passe-t-il lorsque cette activité corticale se calme ? Habituellement, nos représentations mentales cessent, notre conscience s'estompe et nous sombrons dans le sommeil. Je vois la spiritualité comme un processus assez similaire mais dans lequel la conscience n'est pas, ou pas complètement, abolie. Ce "lâcher prise" de l'activité corticale nous permet de nous retrouver à peu près dans le même mode de fonctionnement que tout le reste de la nature vivante, sans être à tout bout de champ contrecarré par une activité mentale qui ne cesse d'exprimer sa volonté et ses angoisses sans tenir compte de nos processus vitaux profonds.

A partir du moment où notre conscience "voit" ces processus vitaux profonds et en ramène le souvenir dans le mental ordinaire, celui-ci cesse plus volontiers de mener son activité indépendante et accepte de se mettre au diapason de la profondeur, permettant à la plénitude et à la sérénité de s'installer durablement.

Et qu'est-ce que notre conscience "voit" dans ces processus vitaux ? Rien. Absolument rien. "Voir" c'est construire une image de quelque chose. C'est s'en faire une "représentation mentale". Dans cette profondeur, on ne peut rien "voir", sauf ce qu'on inventerait soi-même. On peut seulement se sentir participer à l'expression de la vie universelle. Et cette vie qui, autrement est aveugle d'elle-même, devient compassion et amour lorsque notre conscience lui donne des yeux.

Ensuite, l'idée "d'élever notre esprit vers le Seigneur" est géniale.

Tant que le "Seigneur" reste celui qui exige, interdit, punit et récompense, il ne se passe pas grand-chose pour l'homme sinon une source d'anxiété qui vient s'ajouter aux soucis continuels de l'ego et du mental. Mais lorsque le Seigneur devient quelqu'un à qui on porte une dévotion ou un amour total, ce mouvement de l'âme permet une désappropriation de soi, un oubli de soi qui favorise le "lâcher prise" du cortex cérébral dont je parlais ci-dessus. Le contact avec la profondeur fait à son tour ressentir "l'amour donné en retour par le Seigneur".

Cette expérience mystique est présente dans toutes les religions. Ce n'est pas l'identité du Seigneur qui importe, c'est la capacité du don de soi. L'identité du Seigneur n'a de l'importance qu'en fonction de notre attachement culturel. Si je suis face à un Bouddha à qui on offre du beurre rance au milieu d'un tintamarre de trompes et de gongs, il me sera peut-être culturellement plus difficile de me laisser emporter par la profondeur, mais un tibétain préférera sans doute son environnement familier à celui d'une cathédrale gothique.

Cependant, cette voie de la "dévotion au Seigneur" fait courir un risque à l'humanité. La réalité concrète de l'expérience mystique semble à chaque fois venir confirmer la réalité concrète de l'identité du Seigneur. La tentation est alors très forte d'imposer cette certitude mentale aux autres ou de considérer les autres croyances comme hérétiques ou blasphématoires.

Prendre conscience que l'expérience mystique est commune à toute l'humanité et est présente dans chaque tradition aide à dissocier dans son esprit l'expérience de la profondeur et l'image mentale censée représenter cette profondeur. Cette dissociation, qui peut être vécue comme un drame à la mesure de l'attachement à l'image, est le désenchantement à parcourir avant d'atteindre un accueil véritable des cultures, des traditions et des religions.

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Jean-Marie
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Lu 04 Juin 2007 17:19    Sujet du message: Répondre en citant

Tu connais la "neurothéologie", Jean Marie? juste sur Google, et tu auras pleins de trucs la dessus...

jean marie a écrit:
Cependant, cette voie de la "dévotion au Seigneur" fait courir un risque à l'humanité. La réalité concrète de l'expérience mystique semble à chaque fois venir confirmer la réalité concrète de l'identité du Seigneur. La tentation est alors très forte d'imposer cette certitude mentale aux autres ou de considérer les autres croyances comme hérétiques ou blasphématoires.

Prendre conscience que l'expérience mystique est commune à toute l'humanité et est présente dans chaque tradition aide à dissocier dans son esprit l'expérience de la profondeur et l'image mentale censée représenter cette profondeur. Cette dissociation, qui peut être vécue comme un drame à la mesure de l'attachement à l'image, est le désenchantement à parcourir avant d'atteindre un accueil véritable des cultures, des traditions et des religions



enaccord9
....On peut rencontrer un tas "d'archetypes", un tas d'images mythologiques, et entre autre aussi, voir exploser lors d'expériences mystiques ce qu'on a totalement refoulé: Vision diaboliques et infernales des ascétes et des mystiques chrétiens, et plus interréssant encore les "rencontres divines personnalisés" des athées convaincus!!!
Ce sont des aspects tres étudiés entre autres par la psycho transpersonnelle.Et des choses que l'on Voit avec une tres grande clarté lors de certains types d'eveil...
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Lu 04 Juin 2007 22:31    Sujet du message: Répondre en citant

Non, je ne connais pas la neurothéologie.

Je vais un peu farfouiller là-dedans. Merci Nad.

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Jean-Marie
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Ma 05 Juin 2007 1:05    Sujet du message: Répondre en citant

Et puis, ce soir j'ai vu une super emission sur arte: sur la neurologie aussi, et la particularité de la créativité et du génie tres pécifique de certains autistes...:Regarder sans aucun apriori, sans attentes, sans interprétations et projections sur des résultats.Le geste devient parfaitement et "mathematiquement" juste!...
Plein de liens intérréssants avec ce dont nous parlons: la vision est completement objective, et la créativité peut donc se deployer..Mais par ailleurs il me semble interréssant de noter que la personne est completement coupée du monde et de l'autre, enfermée en elle même..

Ca continue la semaine prochaine, avec la difference des fonctionnement neurologique masculin et feminin ...

(Et oui, maintenant que j'ai quitté ma retraite et ma montagne, pour retourner vers le "monde"( pres de Paris!!!), il se trouve qu'il y a même la télé là ou je suis... Confused )
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toniov



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MessagePosté le: Ma 05 Juin 2007 14:24    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai suivi cette emission sur le cerveau proposée par Arte. Il semble que les autistes de haut niveau - incapables pour la plupart de s'adapter à la vie sociale - ont une relation directe avec le monde " tel qu'il est " et developpent des dons exceptionnels pour la musique, la mémoire, le modelage...Le cerveau des personnes " normales " serait en quelque sorte " parasité " par l'apprentissage et les conventions sociales. Ce parasitage empécherait la perception directe.
La prochaine emission a lieu le lundi 11 juin, sur Arte, à 22h.15
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Me 06 Juin 2007 18:15    Sujet du message: Répondre en citant

On pourrait résumer ce que j'ai dit ci-dessus par cette phrase :

La spiritualité s'expérimente lorsque nous nous abandonnons, lorsque nous abandonnons NOUS.

Il y a plein d'autres manières de dire la même chose : "accepter ce qui se présente" ; "vivre dans l'ici et le maintenant" ; "lâcher prise" ; "abandonner l'ego" ; "cesser de s'identifier à ce qu'on croit être" ; "ne plus fonctionner par l'intermédiaire d'images" ; "percevoir le réel tel qu'il est" ; "faire le vide du mental" ; "expérimenter le silence" ; "abandonner le vieil homme" ; "s'éveiller" ; "s'en remettre à la volonté du Père" ; etc…

Il ne s'agit pas de s'abandonner à quelque chose ou à quelqu'un. Il s'agit d'abandonner soi. Le "quelque chose" ou le "quelqu'un" peut être une aide pour celui qui n'a pas trouvé le "truc" pour s'abandonner sans "objet". Mais cet "objet" n'est pas indispensable. C'est ce qui explique que la spiritualité peut s'expérimenter dans n'importe quelle tradition. Les traditions diffèrent par l'objet, non par l'abandon.

Cet état d'abandon est à peu près comparable à notre état à la naissance, avec cependant l'énorme différence qu'à la naissance, notre image mentale du moi et donc notre conscience ne sont pas encore constituées : nous sommes dans l'état d'abandon mais rien ne nous permet de le savoir puisque le nous n'est pas là, exactement comme dans l'état de sommeil ou dans le mode de fonctionnement des animaux. Ce n'est pas pour rien que Jésus nous engage à redevenir comme des enfants si nous voulons accéder au Royaume.

Ce qui nous fait quitter le "Royaume" de l'état de naissance, c'est justement tout notre apprentissage humain, cette mise en norme et en forme de notre fonctionnement cortical, qui fait jaillir l'image de nous-même, cette conscience dont les animaux n'ont qu'une forme élémentaire. Par contre, c'est cette conscience qui nous permet de re-connaître le "Royaume". Sans avoir fait ce détour par le cortex cérébral, pas de retour possible. Il faut "prendre un point de vue de l'extérieur" pour "voir" dans quoi on est.

Et qu'est-ce qu'on voit ? Rien. On ne voit pas. On vit en unité jusqu'à ce qu'il y ait un "je" qui demande "qu'est-ce qu'on voit ?". On vit dans ce que certains appellent "le milieu divin".

Ce "milieu divin" est notre mode de fonctionnement normal tant qu'on n'en est pas extrait par notre mode de fonctionnement mental. On est sensible à ce mode de fonctionnement divin lorsque nos rapports au monde empruntent les réseaux cérébraux anciens qui étaient utilisés avant l'hyperdéveloppement de nos facultés mentales, c'est-à-dire le cerveau archaïque sous-cortical. Le cortex doit simplement rester attentif, en état de veille.

Suis-je en train de réduire la spiritualité à une affaire de substance cérébrale ? Pas du tout. J'essaye de comprendre ce qui permet à un humain d'entrer en résonance avec cette pulsion de vie qu'il perçoit en lui et autour de lui. Je n'ai rien dit de cette pulsion de vie elle-même. Si l'humanité est en grande partie incapable de percevoir clairement cette résonance, c'est parce que notre cortex cérébral a développé en quelques millions d'années une activité gigantesque, extrêmement utile mais tellement intense qu'elle a submergé complètement notre ancien mode adaptatif. De plus en plus de fonctions ont été assurées par les centres supérieurs qui ont ainsi gagné une autonomie considérable. Cette autonomie fait souffler un vent de liberté dont l'homme se réjouit, sans se rendre compte qu'il paye chèrement toute entorse à ce qu'il est vraiment. Mais en même temps, sans cet exil cortical, le Royaume serait resté définitivement englouti, sans personne pour goûter sa splendeur.

Mon investigation "physiologique" s'arrête malheureusement là où commence réellement le Royaume. Et là où commence le Royaume, les mots brillent par leur inutilité ou leur tromperie.

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Jean-Marie
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mushotoku-nad



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MessagePosté le: Me 06 Juin 2007 22:51    Sujet du message: Répondre en citant

jean marie a écrit:
Ce qui nous fait quitter le "Royaume" de l'état de naissance, c'est justement tout notre apprentissage humain, cette mise en norme et en forme de notre fonctionnement cortical, qui fait jaillir l'image de nous-même, cette conscience dont les animaux n'ont qu'une forme élémentaire. Par contre, c'est cette conscience qui nous permet de re-connaître le "Royaume". Sans avoir fait ce détour par le cortex cérébral, pas de retour possible. Il faut "prendre un point de vue de l'extérieur" pour "voir" dans quoi on est.


c'est ce que je voulais dire plus haut:

nad a écrit:
Et si ce pauvre bougre d'ego, lui était simplement une matrice psychique qui aurait été une étape nécéssaire a ce que que la Conscience emerge?



jean marie a écrit:
Mon investigation "physiologique" s'arrête malheureusement là où commence réellement le Royaume.


Alors les "Investigations" physiologiques ou pshychologiques s'arrettent heureusement là ou commence le Royaume, non?
Et les mots devraient respecter cette barriére de l'indicible, du "sans- nom", de ce dont nous ne devons" pas créer d'image ni de representations" au risque de tomber dans l'idolatrie...et elle se cache sous toutes les "formes pensées "au sujet de Ce qui Est..Formes -pensées qui créent des barrieres infranchissables tant qu'elles ne sont pas vue pour ce qu'elles sont...

jean marie a écrit:
Et là où commence le Royaume, les mots brillent par leur inutilité ou leur tromperie


enaccord9
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 11:35    Sujet du message: Répondre en citant

Nad a écrit:

Et si ce pauvre bougre d'ego, lui était simplement une matrice psychique qui aurait été une étape nécéssaire a ce que que la Conscience emerge?

Oui Nad, je pense que nous sommes dans le même registre.
En spiritualité, il y a souvent tendance à déifier la conscience. Theilhard de Chardin voyait déjà la conscience apparaître dans les formes de vie les plus élémentaires pour culminer chez l'homme. Tout cela est évidemment une question de définition. Il est évident que la bactérie est "réactive" à son environnement, mais je pense que c'est une erreur d'appeler cela "conscience", au même titre qu'un humain qui se construit mentalement une image de lui-même et qui se prend pour cette représentation. Alors, on peut dire que cela c'est la conscience aveugle de l'ego et que la vraie Conscience est celle qui se manifeste dans l'éveil, c'est-à-dire après effacement de l'ego. Je dirais qu'il n'y a qu'une seule conscience avant et après l'éveil mais elle commence toujours par une vue erronée.

Il me semble qu'il ne faut pas associer "conscience" et "vie". La vie est aveugle. Elle peut même être très dure. C'est nous qui lui prêtons nos yeux et notre conscience (pour peu qu'on la développe !). La vie elle-même ne véhicule pas de considérations morales ou de sentiments. Elle n'est ni bienveillante, ni malveillante. Sa seule tendance est de se développer. Lorsque notre petite conscience cérébrale découvre cette pulsion au développement et s'y associe, cette pulsion aveugle devient Amour. Et ce regard d'Amour transforme tout ce qu'il regarde, de sorte que ce qui n'était qu'une pulsion aveugle de la vie devient à son tour une pulsion d'amour.

Bon, là tu te rends compte que j'ai quitté depuis longtemps la physiologie.

Dans un message ultérieur, je voudrais cependant revenir à quelque chose de plus biologique, concernant une difficulté souvent passée sous silence par la science moderne dans sa conception de l'apparition de la vie.

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daniel



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 14:47    Sujet du message: Répondre en citant

joaquim a écrit :

Citation:
Goethe a voulu voir à l’oeuvre dans la nature matérielle du monde les idées qui se dévoilaient à son esprit. Il ne pouvait se résoudre à ce que pour la science, la couleur ne soit qu’une longueur d’onde. Le rouge, pour lui, était plus que cela (et en ce sens, je partage son point de vue), et il a voulu trouver, à l’intérieur du monde objectif, l’expression de la qualité de la couleur. Je pense pourtant que c’est là qu’il s’est trompée, même si sa Théorie des Couleurs offre à l’exploration visuelle un champ tout-à-fait passionnant: il n’existe en effet aucune commune mesure entre le monde objectif dont s’occupe la science et le monde subjectif tel qu’il se dévoile à ma conscience; le sujet et l’objet sont radicalement distincts. Et n’en déplaise à Jean-Marie , c’est Kant qui en a apporté la démonstration, une démonstration qui s’est trouvée depuis lors renforcée à chaque nouvelle avancée de la science. C’est le lent mais inexorable processus de “désenchantement du monde”. Le monde ne parle plus à l’homme, il n’est plus l’oeuvre d’un Dieu qui aurait mis l'homme en son centre, mais celui-ci surgit dans un monde qui le produit comme il produit tout le reste, sans se soucier de lui plus que du reste. L’homme ne se découvre plus enfant de Dieu, mais simplement jeté dans le monde. La démarche scientifique conduit inexorablement à cette conclusion.

Le coup de boutoir le plus grave dans ce sens, après la première catastrophe inaugurée par Copernic, a été la théorie de l’évolution de Darwin. Elle ébranla à tel point la position privilégiée de l’être humain au sein de la nature qu’aujourd’hui encore, des esprits pourtant intelligents déploient toute leur énergie pour tenter, vainement, de la réfuter. L’esprit honnête avec lui-même finit pourtant par capituler devant l’écrasante conviction qui s’en dégage, et il s’en trouve littéralement écrasé, car cette capitulation signifie pour lui de renoncer à ce qu’il croyait être, ce à quoi il s’identifiait depuis toujours: une émanation de l’esprit qui lui parlait à travers la nature.

Un des derniers bastions auquel a dû renoncer l’esprit épris d'une communion avec la nature fut le vitalisme. La vie c’est, de manière éminente, une manifestation de l’Esprit dans la nature, celle d’un esprit créateur de formes, de sens et de qualités. Un esprit comme celui qui nous habite. Mais non, là encore, il a fallu battre en retraite, et accepter qu’il n’existe pas de force vitale, éthérique, formatrice ou autre, mais que la forme surgit sans qu’un esprit intelligent l’ait construite sciemment dans le but de la faire telle qu’elle est; il a fallu reconnaître que l’information qui permet de construire cette vie n’est pas de nature spirituelle, mais de nature matérielle, et qu’elle se présente sous la forme de deux brins de nucléotides s’enroulant l’un autour de l’autre pour former la double hélice d’ADN. Bien sûr l’ADN n’explique pas tout, et cela suffit pour qu'il y en ait certains qui se raccrochent aussitôt à ces incertitudes qui subsistent encore pour croire malgré tout à un esprit qui serait semblable au leur, qui aurait une forme, un projet et un sens, pour eux et pour le monde. Mais la plupart sont résignés, et savent que la capitulation définitive est programmée.

Pour ma part, cette capitulation a été longue à obtenir, et douloureuse. Il m’a fallu longtemps pour me résigner à renoncer à l’Esprit agissant dans la Nature, un esprit qui serait taillé à la mesure du mien. J’ai encore eu, durant mes études de médecine, un vieux professeur d’histologie qui nous parlait de la “vis à tergo”, la vertu ascendante qui faisait monter la sève dans les plantes, et qui s’était trouvée remplacée par les forces prosaïques et désenchantées de la capillarité. Mais la capillarité ne suffisait pas à expliquer la taille de certains arbres gigantesques. Y avait-il encore un espoir pour que la vertu ascendante existât malgré tout? Je m’y accrochais... L’anthroposophie, dont je me nourrissait l’esprit alors, avait fait de la question des liens entre le macrocosme et le microcosme l’enjeu d’une démarche qu’elle désignait comme scientifique. Redonner vie à l’antique sagesse de tous les peuples de la Terre, en lui donnant une forme qui intégrerait les résultats les plus récents de la science moderne, telle était son ambition. Steiner, le fondateur de l’anthroposophie, et grand défenseur des idées scientifiques de Goethe, la présentait comme “un chemin de connaissance qui voudrait conduire l'esprit qui vit en l'être humain vers l'esprit qui vit dans l'univers.”

J’ai eu l’occasion concrète de confronter cette vision du monde à la dure réalité scientifique. J’avais en effet été chargé, dans les années 1985, de faire un travail d’évaluation d’un test utilisé dans la médecine anthroposophique pour diagnostiquer certaines maladies, en particulier le cancer, avant même que celui-ci ne se déclare. Ce test était censé permettre de visualiser les forces formatrices présentes dans le sang du patient. Il s’agissait concrètement de laisser monter une certaine solution le long d’une feuille de buvard, puis de retirer la feuille lorsque le liquide avait atteint un certain niveau. On la replongeait alors dans une nouvelle solution, dans laquelle se trouvait dilué le sang du patient. On observait alors les formes qui se déployaient lorsque la seconde solution brisait la ligne qu’avait laissé la première. On pratiquait le test sur plusieurs feuilles de manière à pouvoir stopper le processus à différents stades évolutifs, et on examinait ensuite les formes en choux-fleurs qui se développaient. Une personne qui pratiquait cette technique depuis plusieurs décennies m’avait appris à lire le langage de ces formes, que je devais donc évaluer sur le plan scientifique. Il m’apparut assez rapidement que je ne parvenais pas moi-même à une lecture qui me semblât fiable, et j'en conclus qu’il me manquait quelque chose dans le regard pour lire ces formes correctement, une sorte de vision éthérique, une sensibilité particulière aux formes. Je changeai donc d’approche, et établis un protocole qui me permettrait une évaluation statistique des pronostics et des diagnostics posés à partir des milliers d’examens qui avaient déjà été pratiquées, et qui étaient conservés méticuleusement dans les archives. La conclusion de mon travail fut sans appel: la pertinence des pronostics et des diagnostics était nulle. Les directeurs de l’institut qui m’avaient confié ce travail n’étaient pas trop surpris du résultat, car ce test, depuis plusieurs années, était décrié, même dans les milieux anthroposophiques. Mais je dus faire face à une hostilité venimeuse de la part de ceux qui les pratiquaient encore.

Les directeurs, au contraire, satisfaits de la qualité de mon travail, me confièrent alors une tâche plus délicate: évaluer, à l’aide de la formidable archive qu’ils avaient constituée dans leur clinique, l’efficacité du traitement qu’ils utilisaient contre le cancer. J’étais novice dans le domaine des évaluations statistiques, mais je me lançai dans cette tâche avec passion. Et j’obtins tout d’abord des résultats spectaculaires, qui enchantèrent mes employeurs, et qu’ils voulurent aussitôt publier. Néanmoins, je conservais un doute quant à la validité de la méthode que j’avais utilisée, et je demandai l’avis d’un statisticien spécialisé. Celui-ci me confirma l’existence des sources de biais que je craignais, si bien que je refis l’évaluation plus proprement, et aboutis à la conclusion qu’aucune efficacité ne pouvait être prouvée. Je refis l’étude sur deux autres formes de cancer, qui apportèrent des résultats similaires, ce qui contraria vivement mes employeurs qui me congédièrent. Ils ne publièrent bien sûr jamais les résultats. Moi qui avais abordé ma tâche avec le ferme espoir de démontrer l’existence de ces forces de vie, et envisagé de m’engager par la suite dans une activité à long terme dans ce domaine, je dus déchanter. Ce qui était censé reposer sur la solidité des forces de la nature ne reposait en définitive que sur des croyances, et ceux que j'avais jusque là respectés étaient prêts à les défendre, même contre l’évidence. Je fus cruellement désillusionné. Je repartis déçu, mais enfin libre.

Cet événement, et d'autres encore, me conduisirent à cette conviction: toutes les tentatives visant à déceler les liens qui uniraient le macrocosme au microcosme n’ont en définitive nul autre but que de soulager notre propre esprit de son irrémédiable solitude. Car si notre esprit est, comme on espère le prouver à travers des telles démarches, une émanation de l’esprit qui règne dans la nature, alors il est relié dans son intimité à Dieu. C’est bien sûr une aspiration profonde et légitime de l’esprit humain, et pourtant, il faut se rendre à l’évidence: ce lien ne peut être que de l’ordre de la croyance. Une forme de religiosité intérieure. Alors qu’un regard sans concessions nous montrant notre propre solitude intérieure dans toute sa radicalité, nous assène cette dure vérité qu’on n’est relié à rien, qu’on est “soi” dans toute l’étendue de sa soi-conscience, qu’il n’y a rien ni personne d’autre à l’intérieur de cette conscience, qu’on y est “soi” exclusivement et absolument. Et que se raccrocher contre l’évidence à une croyance ne fait que retarder l’échéance de notre rendez-vous avec notre propre gouffre. Je crois que ce n'est que lorsqu'on est face à ce gouffre qu'on est prêt pour la véritable rencontre, avec soi et avec Dieu. Car le lien entre “je” et le monde (ou l’esprit du monde, ou Dieu, ou quelque nom qu’on veuille lui donner) ne s’obtient pas en quémandant un petit morceau de présence divine rassurante pour nous tenir compagnie dans notre propre solitude, mais il s’obtient en renonçant radicalement à la volonté de préserver quoi que ce soit de cette sécurité qui s’étiole, et en s’ouvrant, sans rien vouloir en saisir, à ce qui est. Lorsque “je”, solitude close sur elle-même, renonce à meubler sa solitude par quoi que ce soit qu’il déroberait au monde extérieur, il se fait pure ouverture, et se découvre contenir l’univers entier. C’est l’éveil. Et c’est aussi le seul lien vrai qu'on puisse établir entre le macrocosme et le microcosme. Ce lien ne passe pas par la pensée: je le suis.



merci pour ce témoignage !

mais on peut penser que cet univers (et nous qui en faisons partie) n'est que matériel, et tout serait, alors, résolu, la spiritualité, le Soi, etc ... ne seraient alors, que gajure, sublimation, spéculation, basés sur rien ! tout comme pour les couleurs, le bruit de l'arbre qui tombe, pourraît-on, nous tous ici, si nous n'avions jamais entendus parler, des mot "éveil", Dieu, spiritualité, et si ces mots liés à une culture, se trouvaient à une distance inatteignable, enclos dans un coffre sous une des mers de lune(s), les évoquer ... ils appartiennent à la culture, c'est tout, celle des autres, qui nous ont précédé ... cela appartient, d'une manière ou d'une, à la transmission, pour not' bonheur, ou nôtre malheur ...
on nous a rarement transmis les idées de liberté, d'autonomie, d'auto-organisation et d'entraide ... étrange, non, trop dangereux, sans doute, trop subversif !!!

ton témoignage, me fait penser à celui d'aurobindo et du bouddha ... tous deux par le bien de la méditation avaient atteint l'ultime niveau, là, où le soi individuel fusionne avec le Soi universel, mais chacun étaient revenu de cette expérience, "déçus", car au retour, le monde était tjs le monde, aussi cruel, et eux-mêmes, en revenaient avec leur souffrance, leurs insatisfactions ... bouddha conclut que ces états obtenus n'étaient que trip du mental, même le plus sublime, et "découvra" qu'en fait le Soi n'existait pas, et que le soit individuel n'était, en fait, qu'un composé de 5 agrégats (les organes des sens, les sensations, les perceptions, les volitions (le cogitus), et la conscience, ou plus exactement, la connaissance descriminative) (je parle ici, évidemment du bouddhisme originel), l'erreur, toute la souffrance, tenait, donc, dans le fait de croire que ce "moi/soi individuel" était permanent ... seulement, avec un peu de recul, on s'aperçoit, et à la lumière de nos connaissances actuelles, que les 5 agrégats, se rapportent à notre sensibilité (les "organes des sens") se rapportant elle-même, au cerveau ... et, toi mon cher bouddha, mon cher siddharta, que pouvais-tu connaïtre du cerveau, à ton époque ... en fait, il n'y a pas d'agrégats qui forment le moi (puisque tout se rapportant au cerveau), et qui renaîtraient dans une vie nouvelle et futur, et donc, pas d'éveil (mot qui vient de toi, quand même) ... le bouddha est le seul qui a connu l'éveil, les autres, des autres traditions, n'ont connu que l'illumination (trip mental selon le bouddha) . (soulignons qu'à sa suite, très insatisfait, les nagarjurna et autres arjuna spéculairent, à travers les âges, sue ce que le bouddha avait avancé)
aurobindo, lui, revenant avec les même questions, de la même expérience, en conclu que cela ne pouvait pas être la fin du voyage, il devait avoir autre chose, faisant le lien entre le monde d'en haut et le monde ici-bas ... car "quand Dieu est (en haut), le monde est plus, mais en bas, au retour, quand le monde réapparaît, Dieu a disparu ...
alors il réinventa tout, arrivant à la conclusion que le monde, et l'humain, étaient ainsi, pcqu'ils vivaient dans l'ignorance ... il fallait que le monde d'en bas, par le biais de l'humain, s'ouvre au monde d'en haut, en laissant pénétrer en lui, une fois atteint, le divin (par la méditation, trip mental reconnu par le bouddha), afin de laisser le divin pénétrer le corps en bas, afin de diviniser l'humain, et le monde, pour que tous deux, ici et maintenant, puissent vivre éternellement et à jamais ... il mouru à 75 ans, et emporta avec lui tous ces secrets ... depuis, plus de nouvelles ...


Dernière édition par daniel le Je 07 Juin 2007 19:41; édité 1 fois
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toniov



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 15:44    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Daniel,
Aurobindo ne donne plus de nouvelles, mais sa pensée s'est perpétuée: Après Aurobindo " la Mère ", sa compagne. Après la Mère, Satprem, son confident. Et Auroville.
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toniov



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 15:59    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Jean Marie,
Tu as dit:" Lorsque notre petite conscience cérébrale découvre cette pulsion au développement et s'y associe, cette pulsion aveugle devient amour ".
Mais cette évolution s'est faite en passant par l'homme, son esprit et donc aussi, son égo? Cet amour humain, fait de désir, d'attachement, et donc de tout ce qui caractérise notre égo, c'est bien lui qui transforme le monde, non? L'étape suivante, celle du " sur moi " ( ce' n'est qu'une expression ) nie t- elle ce que je viens de dire ou le prend t-elle en compte?
Si nous accédions tous à l'Eveil, toute l'humanité, le monde en deviendrait-il meilleur?
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daniel



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 19:36    Sujet du message: Répondre en citant

toniov a écrit:
Salut Daniel,
Aurobindo ne donne plus de nouvelles, mais sa pensée s'est perpétuée: Après Aurobindo " la Mère ", sa compagne. Après la Mère, Satprem, son confident. Et Auroville.


je voulais, surtout, dire, qu'il est mort comme le commun des mortels, a laissé son corps (squelette) et a aucun moment, par le biais du divin qui "descendait" en lui, n'a transformé son corps, substantiellement, en corps divin ... ce qui était, quand même le but suivi !? ni "la mère", pour sa part, et satprem, surprise ? on le verra bien, c'est leur dernier espoir ... Confused
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toniov



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 22:03    Sujet du message: Répondre en citant

Oui Daniel, je vois ce que tu veux dire. Dans " La vie Divine " Sri Aurobindo parle avant tout de philosophie. La transformation de l'homme en " sur homme " n'est pas pour demain. La mère aurait, semble t-il, commencé à expérimenter dans son corps l'idée que Satprem à développé dans son livre " Le mental des cellules ", d'après la philosophie d'Aurobindo. Il semble que du point de vue scientifique, sa théorie est contestable. En lisant ses livres j'ai plutot l'impression que c'est un poète qui s'exprime et je dois dire que c'est souvent très beau et inspiré.
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Jean-Marie



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 23:25    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Toniov,

C'est vrai, en me relisant je vois bien que mes paroles sont très confuses.

J'ai écrit "Lorsque notre petite conscience cérébrale découvre cette pulsion au développement et s'y associe, cette pulsion aveugle devient amour".

Je vais essayer de dire cela plus clairement. Lorsque notre conscience, après avoir grandi dans le mental ordinaire, s'éveille à notre profondeur, elle découvre la vie comme étant une pulsion au développement. Elle découvre aussi que nous participons de ce même mouvement. Elle accepte de s'associer à se mouvement, sans manifester d'autre volonté que de participer volontairement au mouvement. Cette acceptation de participation à la pulsion de vie se transmue en sentiment d'amour pour cette vie. Et la pulsion aveugle de la vie devient également envers moi une réponse d'amour.

Désolé, c'est encore moins clair.

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Jean-Marie
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toniov



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MessagePosté le: Je 07 Juin 2007 23:39    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Jean Marie, d'avoir tenté d'éclairer ma lanterne, mais pour l'instant...j'espère qu'il n'y aura pas de panne d'électricité ce soir.
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